Syndrome de Munchausen par procuration : "un processus pervers"

Publié le 4 novembre 2014 à 17h36
Syndrome de Munchausen par procuration : "un processus pervers"

ZOOM - Le tribunal correctionnel de Thionville (Moselle) a condamné ce mardi une infirmière trentenaire à deux ans de prison avec sursis et injonction de soin pour avoir injecté trois doses d'insuline à son enfant âgé d'un an. Un cas typique de syndrome de Munchausen par procuration (c'est-à-dire infligé à autrui). Catherine Granaux, psychologue clinicienne et docteur en psychopathologie et psychanalyse, revient sur cette pathologie méconnue du grand public.

Quelle est votre réaction après la décision rendue ce mardi par le tribunal correctionnel de Thionville (Moselle) ?
C'est un cas typique du "syndrome de Munchausen par procuration". D'abord parce que l'insuline est très utilisée dans ces pathologies. Le parent fait toujours en sorte que le produit ne se voit pas. Il administre des médicaments à l'insu du corps médical ou par voie intraveineuse si l'enfant est perfusé, ou alors il procède par étouffement. Ensuite, parce que les personnes atteintes de ce syndrome sont souvent dans le secteur médical ou paramédical ou bien sont des gens qui ont le nez plongé dans le Vidal (dictionnaire de médicaments ndlr).

Que cherchent ces personnes en agissant de la sorte ?
Cette affection rare touche 90% de femmes. Les personnes atteintes se présentent comme de bons parents, des parents très attentifs. Ce sont des personnes qui en apparence coopèrent avec le service médical, qui posent 1 000 questions, qui essaient de rendre service. Elles sont également très présentes aux côtés de l'enfant. Mais d'un autre côté, elles sont très ambivalentes. Dès que le médecin a le dos tourné, dès que l'enfant sort d'un service, elles administrent une substance pour faire rechuter l'enfant dans sa maladie. Ces personnes sont souvent en carence narcissique. Elles ont besoin d'être valorisées.

Administrer trois doses d'insuline à un bébé de 12 mois peut avoir des conséquences très graves... En tant qu'infirmière, elle ne pouvait l'ignorer.
Certes mais les personnes atteintes de cette pathologie jouent avec la mort mais ne veulent pas tuer. "Ce n'est pas le but mais les dérapages existent". Le processus est pervers. Il s'agit de mettre en échec le corps médical et d'attirer son attention.

Cette pathologie peut-elle être soignée ?
Très souvent, on considère que les personnes atteintes du syndrome de Munchausen par procuration sont saines d'esprit, qu'elles n'agissent pas sous le coup d'hallucination ou de compulsion. Elles sont conscientes de ce qu'elles font, elles le font en cachette. Pour les soigner, il faut élaborer le traumatisme maternel, à savoir les raisons pour lesquelles elles agissent ainsi, ce qu'il s'est passé pour qu'elles en arrivent là. Très fréquemment dans ces familles, les pères sont inexistants ou physiquement absents, il n'est pas rare que des routiers par exemple se retrouvent dans ces situations. La mère a le pouvoir dans la famille. Les enfants instrumentalisés au même titre finalement que les médecins, subissent leur sort, résignés sachant que pour être "aimés" ils n'ont d'autre choix que de rester sous emprise et se taire.
. Ils savent que pour être aimés, c'est comme ça que ça marche.


La rédaction de TF1info

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