Un "corbeau" jette le trouble sur l’Amicale de la police nationale

par William MOLINIE
Publié le 30 mars 2016 à 12h30
Un "corbeau" jette le trouble sur l’Amicale de la police nationale

INFO METRONEWS - Une association qui vient en aide aux familles de policiers morts en service est la cible depuis quelques jours d’un mail anonyme qui circule dans les commissariats parisiens. Un de ses dirigeants y est accusé d’avoir touché des "pots-de-vin". Il a porté plainte pour diffamation. La "police des polices" enquête.

Règlements de compte entre policiers, jalousie associative ou dénonciation d’un "ripoux" ? L’affaire, qui se murmure depuis plusieurs jours dans les couloirs des commissariats parisiens, entache l’image de l’Amicale de la police nationale, une des nombreuses associations d’œuvres sociales du ministère de l’Intérieur qui revendique plusieurs milliers de membres. A l’origine, un mail anonyme envoyé sur les adresses mails professionnelles et parfois personnelles de fonctionnaires en poste dans la région parisienne accusant l’un des responsables de l’association de toucher des "pots-de-vin". Une dénonciation qui, selon nos informations, a mené l'inspection générale de la police nationale (IGPN) à ouvrir une enquête administrative sur ces accusations.

Largement relayé à l'ensemble de leurs collègues, ce courriel a fait l’effet d’une tornade. "J’ai donné plusieurs fois à l’Amicale, j’espère que ce n’est pas une nouvelle affaire Masanet", s’inquiète un policier en poste dans un commissariat de petite couronne. "Masanet", du nom de Joaquin Masanet, une ancienne figure du syndicalisme policier qui a été mis en examen en février 2015 pour "trafic d’influence" dans sa gestion de l’Association nationale d’action sociale (ANAS), sorte de comité d’entreprise de la police nationale.

"Pots-de-vin"

L’Amicale de la police nationale, elle aussi, propose via des partenariats avec des sociétés privées des réductions pour les policiers et les gendarmes. Elle vient par ailleurs en aide aux familles des fonctionnaires tués en service. Le ou les auteurs de ce courrier, que metronews a consulté, accuse(nt) Marc S., un des cadres de l'association de recevoir "d’importants pots de vin" de la part de sociétés de serruriers "partenaires" en échange d’une visibilité dans les commissariats, afin qu’ils soient recommandés en priorité aux victimes de cambriolages.

Marc S. "introduit ou facilite l’accès de tous les commissariats […] aux sociétés […] pour profiter de tous les appels et demandes d’interventions. […] Nous avons intercepté une conversation privée entre (lui, ndlr) et (un serrurier, ndlr) concernant la baisse de cambriolages sur Paris […] en lui expliquant qu’il ne pouvait pas lui donner autant d’espèces comme d’habitude", peut-on lire dans ce document non signé. L’auteur du mail, qui se présente comme un adhérent de l'association, justifie "cette délation" pour "honorer la mémoire de [ses] chers collègues tués par les terroristes à savoir Clarissa Jean-Philippe, Franck Brinsolaro et Ahmed Merabet".

"Propos faux et diffamatoires"

Cette lettre, adressée également à la hiérarchie policière, suscite des interrogations chez les policiers parisiens. "On ne comprend pas. Ses dirigeants sont sérieux et l’association a pignon sur rue", relève auprès de metronews l’un des destinataires. L’Amicale de la police nationale, créée en 2012, a participé à la récolte de fonds pour les deux policiers, Boris Voelckel et Cyril Genest, tués lors d’une course-poursuite en février 2013 sur le périphérique parisien. Régulièrement, la page Facebook de l’association publie des photos de gerbes de fleurs déposées en hommage aux policiers tués en janvier 2015 au cours des attaques terroristes à Paris .

L’association organise aussi le Fittest Cop , une course de "cross fit" opposant les forces de sécurité européennes, dont la prochaine édition doit se tenir à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) le 24 avril prochain.


Un mail anonyme qui tombe mal pour l’association, en pleine préparation de l’événement. Pour faire rapidement taire les critiques, le responsable de l’amicale mis en cause a dû à son tour envoyer un message adressé à l’ensemble des personnels pour démentir catégoriquement les allégations d’escroquerie et de corruption. "Les propos tenus sont totalement faux et diffamatoires", écrit-il. "Tous les partenariats conclus avec la centaine de partenaires que nous référençons, sont réalisés au moyen de conventions élaborées par des avocats, ce conformément aux exigences […] du code de déontologie […] relatives à la probité. […] La création de notre association suscite de regrettables rivalités et affecte probablement les privilèges que certains se croyaient en droit d’obtenir."

A la recherche du "corbeau"

Le cadre de l’amicale visé nommément par le mail anonyme a déposé plainte pour diffamation. "Il (le "corbeau", ndrl) déclare que la Bar-Mitsva de mon fils a été financée en grande partie par tous les partenaires de l'Amicale. [...] Tout est faux. [...] Il déclare que je pars en voyages tous frais payés via des sociétés installées en Israël. [...] C'est faux, je paie mes voyages moi-même", dénonce-t-il dans un procès-verbal que metronews a consulté. Selon lui, l'Amicale de la police nationale compte elle aussi engager des poursuites pour "dénonciation calomnieuse". "Je suis certain que toute la lumière sera faite car nous sommes très sereins. C'est une tentative de sabotage par des propos calomnieux. Malheureusement, ça entache notre association qui véhicule de belles valeurs", nous indique-t-il.

Le policier a demandé à être reçu par le préfet de police de Paris, par l'IGPN et a avisé le directeur général de la police nationale. "Pour envoyer ce mail à toutes les adresses du ministère de l'Intérieur, il faut que la personne ait eu accès aux listings", avance-t-il, précisant que depuis la diffusion du mail, le site internet de l'association a été "piraté" et se trouve désormais "hors service". La "police des polices", qui va se pencher sur ces dénonciations, compte faire toute la lumière sur cette affaire.

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