Le 8 mars 2014, Ghyslain Wattrelos a perdu sa femme et deux enfants dans le vol MH370 : "La France m’a lâché"

Publié le 8 mars 2018 à 6h22, mis à jour le 19 mars 2023 à 12h10
Le 8 mars 2014, Ghyslain Wattrelos a perdu sa femme et deux enfants dans le vol MH370 : "La France m’a lâché"

INTERVIEW - Il vient d’écrire à Emmanuel Macron pour que la France sorte du silence et l’aide à connaître la vérité sur la disparition du vol MH370, il y a quatre ans, le 8 mars 2014. Ghyslain Wattrelos, qui a perdu trois membres de sa famille dans le drame il y a quatre ans, publie un livre dans lequel il raconte son combat, et accuse.

C’est un mystère qui a tenu en haleine la planète entière. Le 8 mars 2014, le vol MH370 disparaît des radars avec 239 personnes à son bord. Impossible de retrouver sa trace. Comment un engin de 300 tonnes a-t-il pu ainsi s’évaporer ? Les annonces se succèdent, de la compagnie Malaysian Airlines, du gouvernement malaisien, des autorités chinoises, australiennes... Annonces partielles, contradictoires, vaines. Près de quatre ans après, les seules traces matérielles du Boeing 777 disparu sont un flaperon et un morceau d'aile, retrouvés sur une plage de La Réunion en juillet 2015 et sur l'île Maurice en mai 2016.

Alors que les recherches ont officiellement pris fin début 2017, de nouvelles investigations privées ont repris dans une autre zone depuis janvier dernier. Elles sont menées au mauvais endroit et ne donneront rien, assure Ghyslain Wattrelos. Frappé de plein fouet par la tragédie, ce Français a perdu sa femme, Laurence, sa fille, Ambre, et son fils Hadrien (la quatrième victime française est la petite amie franco-chinoise de ce dernier, Yan Zao, ndlr). Depuis quatre ans, il parcourt le monde et multiplie les démarches, se transformant en enquêteur pour faire émerger la vérité. Car, il en est persuadé, des gens savent. Il publie cette semaine un livre, Vol MH370, Une vie détournée (Flammarion), dans lequel il raconte son combat et sa vie depuis la disparition de ses proches. Déçu par François Hollande, qu'il accuse de lui avoir menti, il a également écrit mercredi à son successeur pour que la France s'implique dans la découverte de la vérité. Rencontre.

Près de quatre ans après sa disparition, quelle est votre intime conviction sur ce qui est arrivé au vol MH370 ?

Ghyslain Wattrelos : D’abord qu’il y a des gens qui savent, et qu'il y a des gens qui mentent. Je n’aime pas quand on parle du "plus grand mystère de l’aviation moderne" : certains savent exactement ce qu’il s’est passé. Je ne le sais pas, personnellement, parce qu’on cherche à me le cacher. Ce qu’on sait, officiellement, c’est que l'avion a volé une heure, et c’est tout. Pour moi, il y a deux hypothèses. La première, c’est qu’il a été abattu volontairement ou a été victime d’une mauvaise manœuvre militaire. La seconde, c’est que des terroristes ont pu prendre le contrôle de l’avion et qu’il a été abattu pour cela. Je ne vois pas d’autre possibilité.

Comment en êtes-vous arrivé à ces conclusions ? 

Dès la première semaine, on s’aperçoit qu’il y a un problème. La Malaisie déploie d’énormes moyens de recherches en Mer de Chine, avant de dire au bout de 5 jours, “au fait, nos militaires ont vu l’avion de l’autre côté”. Et puis il y a un enchaînement de dysfonctionnements.  Les premières semaines, on nous inonde de photos satellites montrant des débris. Et bizarrement, on n’en retrouve aucun. Puis un bateau australien annonce qu'il a enregistré des signaux correspondant à une boîte noire, et on met un mois pour nous dire que le bruit venait … du bateau lui-même. Par ailleurs, on refuse de nous donner des preuves des données pour qu’elles soient auditées. Quand un juge français demande ces données à la société britannique Inmarstat, elle répond qu’elle les a envoyées à la Malaisie. La Malaisie, elle, nous dit qu’elle ne les a pas. Donc quelqu’un ment.

 Au début, on peut croire à une succession d’incompétences. Et puis on finit par comprendre qu’on est dans une manipulation, une omerta. Si on croit la version officielle, l’avion serait passé dans l’espace aérien de sept pays différents. Je ne crois pas qu’aucun d'entre eux n’ait pu voir quelque chose. Ni qu’ils se soient mis d’accord pour dire qu’ils n’ont rien vu. Donc la théorie officielle ne tient pas, l’avion n’a pas fait ce trajet-là, il n’est pas allé au fin fond de l’Océan Indien.

Cette omerta que vous dénoncez, la France y participe-t-elle ?

Dès le début, j’ai été étonné par le silence de la France. Dès qu’il arrive quelque chose à un ressortissant  français, il y a quelque chose sur le site du Quai d’Orsay. Même pour le vol MH17 abattu en Ukraine, dans lequel il n’y avait pas de Français, François Hollande est monté au front deux fois. Là, il y a quatre Français dans cet avion, et la France n’a jamais rien dit. Je ne peux interpréter ce silence que par une gêne.

Ensuite, je ne peux pas croire que le gouvernement n’ait pas eu des informations à un moment donné. Le BEA (Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile) est allé en Malaisie, a participé à l’enquête officielle, et je n’ai jamais eu aucune information. Au bout de quatre ans, ce n’est pas possible.

Enfin, j’ai désormais la preuve que la France me ment. Les Australiens ont dit au bout de trois ans qu’ils avaient retrouvé une photo fournie par la France avec des débris pour justifier la nouvelle zone de recherches. J'avais vu les responsables français un mois avant, ils m’avaient assuré qu’il n’y avait rien sur les photos. 

La France n'a pas versé un centime pour participer aux recherches
Ghyslain Wattrelos

Vous avez donc écrit à Emmanuel Macron...

La lettre est partie aujourd’hui (mercredi, ndlr). Je lui demande deux choses : de fournir au juge les informations dont la France dispose. Et de faire pression sur les pays qui ont des informations et qui ne donnent rien.

Est-ce que vous avez l’impression d’avoir été lâché ?

Oui. Parce qu’en plus de tout ça, la France n’a rien fait pour participer aux recherches, elle n’a pas versé un centime, alors qu’il arrive qu’on dépense des fortunes pour retrouver des Français. On m’a aidé psychologiquement et administrativement, avec une cellule de crise qui a été très bien. Mais pour connaître la vérité, la France ne fait rien pour m’aider, bien au contraire.

Vous remettez en cause la version officielle. Avez-vous été taxé de complotisme ?

Tout le temps. C’est pour cela que dans le livre, je reste très factuel, je ne dis pas tout ce que je crois. Je ne dis pas, par exemple, que Sarah (une Américaine proche d’un disparu, qui avait lancé des levées de fonds et des investigations au nom des victimes, ndlr) est une espionne de la CIA qui avait pour rôle de surveiller les familles. Mais je le pense fortement. Pour moi, elle fait partie de la manipulation.

Vous décrivez dans votre livre comment vous avez mené une double vie, entre votre travail et l'enquête que vous menez parallèlement. C’est toujours le cas ?

Non, parce que je pense avoir fait tout ce que je pouvais faire. J’ai tout essayé. Et je ne suis arrivé à rien, à part à quelques convictions. Aujourd’hui, je pense que la vérité viendra grâce aux médias, aux lanceurs d'alerte, aux gens qui ont des bribes d‘informations et qui voudront parler. Moi, je vais retrouver du travail (il était auparavant cadre chez Lafarge, ndlr) et arrêter de passer autant de temps sur le dossier, en espérant que ces gens parlent. Mais je suis convaincu que ça arrivera.


Tristan MICHEL

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