"Danone veut ignorer le problème" : une association lance une cagnotte pour résoudre le mystère des vers dans du lait Gallia

Publié le 4 mars 2020 à 12h16, mis à jour le 5 mars 2020 à 15h35
"Danone veut ignorer le problème" : une association lance une cagnotte pour résoudre le mystère des vers dans du lait Gallia
Source : Istock

INTERVIEW - Alors que le nombre de parents ayant découvert des larves dans des boîtes de lait infantile de la marque Gallia se multiplient, le groupe Danone a estimé mardi 3 janvier qu’il n’y avait pas de contamination sur le site de production. Un argument bien léger pour le président de l'association des familles de victimes de Lactalis, que l'on a interrogé...

"Pas de contamination sur le site de production". Voilà, en quelques mots, l'argumentaire du groupe Danone, propriétaire de la marque Gallia, diffusé dans un communiqué mardi 3 janvier, en réponse aux parents qui ont découvert ces dernières semaines des larves dans des boîtes de lait infantile. Le groupe agroalimentaire assure malgré tout qu'il va mener des investigations complémentaires, et affirme "comprendre l'inquiétude des parents et partager la même volonté d'identifier l'origine de ce problème". 

"Nos équipes sont pleinement mobilisées en ce sens", et "nous mobilisons également des experts externes pour nous aider dans ce travail minutieux d'analyse", écrit-il, ajoutant que Danone va également effectuer des "contrôles supplémentaires des produits avant le départ de ses bases logistiques et avant mise sur le marché", et" renforcer le suivi de la qualité des produits jusqu'en magasin pour s'assurer de l'état des boites et retracer le parcours complet du produit du site de production jusqu'à la mise à disposition des parents". 

Pour Quentin Guillemain, le président de l'association des familles de victimes de Lactalis, créée en 2018 quand plus de 30 nourrissons avaient été atteints de salmonellose après avoir consommé un lait pour enfant fabriqué par Lactalis en Mayenne, "Danone affirme des choses mais sans jamais prouver quoi que ce soit". "En l'occurrence, on leur demande des preuves en permanence et eux ne tiennent que des propos. A aucun moment ils n'ont donné une once d'éléments permettant de dire que la chaîne de production a bien été analysée", avance-t-il. L'association a donc décidé "l'ouverture immédiate d'une cagnotte en ligne afin d'expertiser au plus vite une ou deux boîtes contenant les vers qui y ont été trouvés ainsi que les vers eux-mêmes". Quentin Guillemain, auteur également du livre ""L'omerta alimentaire, on empoisonne nos enfants" (Editions Kiwi) répond à nos questions.

"Une douzaine de familles se sont déjà manifestées"

LCI - Pour quelle raison votre association a-t-elle décidé de monter au créneau après la découverte de vers dans des boîtes de lait de marque Gallia ? 

Quentin Guillemain - D'abord parce que c'est un sujet d'ampleur. A l'heure où je vous parle, on comptabilise une douzaine de familles qui se sont manifestées. Mais les cas semblent se multiplier de jour en jour, avec de plus en plus de nouveaux signalements. Ce qui s'explique par le fait que les parents sont davantage informés et font donc plus attention à ce qu'ils trouvent dans leur boîte de lait infantile. 

Ensuite, les propos tenus par Danone sont finalement un peu les mêmes que ceux tenus par Lactalis en 2018. Le groupe affirme qu'il n'y a pas de problème sur son site de production. Ce qui pose question, car à chaque fois que ce genre de situation se présente, les fabricants disent toujours cela, et ça s'avère systématiquement faux. Je rappelle que ces boîtes sont scellées, sous-vide, et donc quand on découvre des choses dedans, elles n'arrivent pas par l'opération du Saint-Esprit. Cela ne peut que se passer sur la chaîne de production, sinon cela voudrait dire que ce sont des boîtes qui sont abîmées dans lesquelles des insectes seraient rentrés, c'est impossible. C'est une explication qui ne tient pas à l'épreuve des faits. 

C'est aussi une façon de rejeter la faute sur les parents ?

Tout à fait. Cela s'était également produit dans l'affaire Lactalis. On laisse supposer que c'est peut-être un problème d'hygiène des parents, au cours de leurs manipulations. Cela peut éventuellement arriver dans une ou deux situations, mais pas dans 10 familles différentes en l'espace d'une semaine. En plus, à chaque fois la larve est identique, donc ce sont des angles de communication qui ne fonctionnent pas.

Pourquoi avez-vous décidé de lancer une une cagnotte en ligne ?

Il faut savoir que les familles qui ont envoyé leurs boîtes de lait à Danone pour expertise n'ont jamais eu de retour sur les analyses effectuées. Cela pose un autre problème, elles n'ont plus aucune preuve de ce qu'elles avancent. Ainsi, on a le cas d'une famille dans la région Centre qui a envoyé sa boîte en janvier et n'a jamais eu de réponse. Le plus fou, c'est qu'elle vient de redécouvrir des larves dans une nouvelle boîte. Du coup, Danone a redemandé l'envoi de la boîte incriminée, mais cette fois la famille a mis une condition : elle ne la leur enverra que lorsqu'ils auront fourni les analyses de la précédente. Voilà le type de situation à laquelle nous sommes confrontés. Entre parenthèse, c'est quelque chose qu'on a déjà vécu dans l'affaire Lactalis, et qui a conduit plusieurs parents à ne plus pouvoir porter plainte. Du coup, cette cagnotte en ligne va nous permettre d'analyser de façon indépendante les boîtes en notre possession. 

En n'effectuant pas un retrait des produits, le groupe Danone montre clairement qu'il veut ignorer le problème, ce qui est incompréhensible.
Quentin Guillemain

Quelles autres démarches avez-vous menées ?

On demande à toutes les familles concernées de se faire connaître en envoyant un mail à l'adresse suivante : victimesgallia@gmail.com. Cela nous permettra de recenser toutes les situations et de savoir précisément combien de familles sont impactées, afin d'agir plus efficacement. On a également sollicité Danone et le ministère de l'Economie pour qu'ils effectuent un retrait/rappel des gammes de boîtes incriminées, puisque les laits concernés ne sont plus consommables. Il n'y a aucune raison de ne pas le faire, surtout qu'on ne connaît pas aujourd'hui les conséquences sur la santé. 

On sait déjà qu'un enfant en Ille-et-Vilaine a ingéré une de ces larves et que cela a posé un certain nombre de problèmes pour sa santé ; il a d'ailleurs dû être hospitalisé. En n'effectuant pas ces retraits, le groupe Danone montre clairement qu'il veut ignorer le problème, ce qui est incompréhensible. Mais par expérience, on sait que les retraits sont effectués bien des mois après que le problème a été exposé. C'est une grosse faute de la part de Danone qui, en tant que fabricant, doit veiller à ce que tous ses produits soient sains et propres à la consommation. Même constat pour les autorités sanitaires, qui ont été alertées par les parents dès novembre et n'agissent pas.

Est-ce que vous constatez que les réactions ont changé depuis l'affaire Lactalis ?

Ce qui nous dérange, c'est surtout le double poids donné à la parole de chacun. Quand un grand groupe comme Danone s'exprime,  sa parole vaut tous les actes. Par contre, quand ce sont les familles qui alertent, comme c'était le cas dans l'affaire Lactalis, leur parole n'est pas prise en compte. Résultat, on a aucun retour de la part des autorités. La seule chose qui a changé, c'est que des commerçants ont retiré d'eux mêmes de leurs rayons les boîtes de lait Gallia posant problème, ne voulant prendre aucun risque. Je les salue d'ailleurs pour cette initiative.


Virginie FAUROUX

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