"J'me laisse pas faire dans la cour de récré !" : des conseils pour les parents contre le harcèlement scolaire

Publié le 7 novembre 2019 à 18h10, mis à jour le 11 novembre 2019 à 10h22

Source : JT 13h Semaine

VIOLENCE - Alors que se tient ce jeudi la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, il est parfois difficile pour un parent d'aider son enfant quand il est la cible d'agressions verbales dans la cour de récré. Ces phrases assassines étant souvent interprétées comme de simples chamailleries. "Grossière erreur", dit la psychologue Florence Millot qui a développé une méthode d'auto-défense. Explications...

Qui n'a pas entendu son enfant revenir la mine triste de l'école car un camarade n'a pas voulu jouer avec lui ? "Querelles d'enfants !", diront certains. Et si au contraire, cela s'apparentait à du harcèlement ? Alors que se tient ce jeudi la journée nationale de mobilisation, avec des chiffres toujours aussi accablants (1 enfant sur 10 concerné, et ce dès la primaire), le sujet n'est pas à prendre à la légère. "Les adultes ne s’attardent pas toujours ou pas assez sur certains phénomènes de micro-violence à l'école, souligne à LCI la psychologue Florence Millot. Par exemple, si des camarades de classe disent à un enfant : 't'es moche ou t'es pas mon ami parce que t'es trop nul', pour un parent ce sont des banalités de cour de récré mais pour un petit de 5 à 10 ans, ces phrases assassines peuvent être marquantes, surtout si elles sont répétées". 

La jeune femme reçoit régulièrement en consultation des parents plutôt enclins à répondre à leur progéniture : "tu n'as qu'à trouver une autre copine", ou "celui là n'est pas très sympa, ne joue pas avec". "Comme si c'était aussi simple, répond la thérapeute. Comme si la vie sociale d'un enfant n'était pas comme celle de l'adulte au travail parfois traité injustement ou ayant du mal à dire non à son supérieur". Forte de cette expérience, Florence Millot a donc décidé d'avoir un rôle pédagogique auprès des parents afin de leur expliquer que c'est peut-être un peu plus compliqué que ça. Cette méthode, qualifiée "d'auto-défense émotionnelle", elle la détaille dans un livre : "J'me laisse pas faire dans la cour de récré !" (Editions Horay).

Ne pas prendre la parole de l'enfant à la légère

Comment savoir si son enfant est victime de harcèlement ? C'est bien souvent la première préoccupation des parents mais il est bien difficile de faire la part des choses. Fort heureusement, "quand ils sont petits, jusqu'en 6ème, les enfants disent toujours quand ils ont été blessés par quelque chose, avance Florence Millot. Par contre, si à chaque fois, le parent répond que ce n'est pas grave. Ou s'il dit : 'défends-toi !'. Là il y a de grandes chances qu'il se ferme et n'en parle plus. Attention donc, je le répète, à ne pas prendre la parole de l'enfant à la légère. Au contraire, il faut plutôt lui faire entendre que ce qu'il révèle est important". 

Première étape, il faut apprendre à son enfant à répondre de manière juste sans agresser l'autre en retour. "Savoir répondre est toute une science : il faut pouvoir avoir de la répartie pour contrecarrer les mots de son interlocuteur. Mais ne pas parler avec la même agressivité, car sinon c'est l’escalade de la violence, prévient la psychothérapeute. La première question à poser à son enfant c'est : 'demain quand tu retournes à l'école, comment fais-tu pour te défendre, qu'est-ce que tu dis ?' L'idée c'est de partir sur des petites phrases simples pour que l'enfant puisse avoir deux ou trois tournures en poche si on l'embête. Une façon de pouvoir répondre sans réfléchir. Le mieux c'est de s'entraîner en jouant avec lui et en répétant du tac au tac les tournures de phrases qu'il faut dire". 

Indiquer à votre enfant que sa camarade a le droit de dire ce qu'elle veut mais par contre, lui, n'est pas obligé de la croire.
Florence Millot, psychothérapeute

Pour déjouer les situations agressives, on apprend ainsi à son enfant à toujours poser une question en retour : par exemple, à la phrase "tu es moche", répondre "qu'est-ce que tu trouves de moche chez moi ?" "Dans ces conditions, l'agresseur est obligé de réfléchir donc il n'est plus dans l'instinct pur, dans l'émotionnel", souligne la thérapeute. Autre subtilité, un peu plus difficile pour certains jeunes, s'affirmer en disant par exemple : "Tu peux penser ce que tu veux mais moi je m'aime bien". En revanche, pas question de ne rien répondre, car sinon l'enfant laisse entendre qu'il croît ce qu'on lui dit. 

"Et ça, je l'entends régulièrement dans mon cabinet, des phrases du type : 'mon dessin n'est pas beau, je suis nul' et quand je demande pourquoi, l'enfant répond en général : 'c'est ma copine qui me l'a dit'. Le but du jeu c'est donc d'indiquer à votre enfant que sa camarade a le droit de dire ce qu'elle veut mais par contre, lui, n'est pas obligé de la croire". Dès que l'enfant pense que ce que l'autre a dit est vrai (qu'il est petit, moche, gros...), c'est foutu. Et là, le parent a un rôle important à jouer". 

Aider l'enfant à exprimer ce qu'il pense de lui

Ensuite, il faut demander à son enfant ce qu'il pense de lui, est-ce qu'il se trouvait moche avant que son camarade ne lui en parle. Et surtout comment peut-il être sûr que son camarade a raison de dire ça. "Il faut en fait l'aider à trouver sa propre pensée", précise la psychothérapeute. Parce que quand le parent dit à son enfant : 'C'est pas grave, moi je te trouve beau'. Ça ne marche pas, le jeune s'en fiche". 

Dernière chose, une fois qu'on a laissé son enfant s'exprimer, on le rassure en lui disant par exemple : "De quoi tu as peur, ne t'inquiète pas, je serais toujours là..."

La crise d'ado a bon dos

Et concernant les plus grands, au collège et au lycée ? "Un seul conseil, il faut se reconnecter à son ressenti de parent. Et surtout ne pas se dire que c'est la crise d'adolescence. Elle a bon dos, on y fourre tout, mais il n'y a aucune raison qu'un ado fasse des crises. Quand un enfant ne va pas bien, qu'il s'enferme dans sa chambre tout le temps, c'est qu'il y a un problème. Car un adolescent est toujours dans la vie", poursuit Florence Millot.

Et surtout ne pas faire l'erreur de vouloir à tout prix lui tirer les vers du nez. "Parce que ça l'ado déteste, renchérit la thérapeute. Le parent doit plutôt dire : 'je vois qu'en ce moment, ça ne va pas fort, qu'à table tu ne parles plus, que tu n'invites plus tes amis, que tes notes ont baissé... et j'aimerais qu'on en parle'. En ajoutant, 'même si tu ne veux pas aborder le sujet maintenant, ce sera important qu'on le fasse à un moment'". Car toute la subtilité c'est de laisser l'enfant libre de choisir quand il va en parler. "On se met à la disposition de son ado. L'important, c'est juste de lui dire qu'on voit qu'il ne va pas bien", conclut-elle.


Virginie FAUROUX

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