Suicide d'Evaëlle, 11 ans, harcelée au collège : comment réagir quand mon enfant est victime ?

Publié le 4 juillet 2019 à 11h45, mis à jour le 4 juillet 2019 à 11h59

Source : JT 20h Semaine

RÉACTION - Harcèlement psychologique, bagarre, provocations ou intimidations répétées… Autant d'agressions qui peuvent heurter un enfant et qui inquiètent légitimement ses parents. S'il n'existe aucune solution pré-mâchée, la violence peut, et doit, se résoudre de différentes façons. LCI se penche sur cette question alors qu'une collégienne de 11 ans s'est donné la mort cet été.

Ne supportant plus les insultes, les brimades et les coups, Evaëlle, 11 ans, a mis fin a ses jours cet été pour ne plus subir l'enfer que ses camarades lui faisaient vivre au collège. Un drame qui rappelle que de trop nombreux enfants ou jeunes adolescents sont victimes de harcèlement scolaire. C'est un mal-être que l'enfant cache souvent à ses parents mais il est des signes qui ne trompent pas pour le repérer. 

Si vous constatez au retour de l’école la dégradation de ses affaires personnelles, si vous percevez une attitude inhabituelle allant de la manifestation d’une phobie scolaire/sociale à une agressivité soudaine ou, pire, si vous constatez des bleus sur son corps, il se peut qu’il subisse des brimades, qu'il soit une victime de harcèlement scolaire. Au-delà de la panique légitime ressentie, vous vous trouvez dans une impasse, confronté à une question que chacun se pose face à la violence : que faire ? 

"Lorsqu'ils découvrent que leur enfant est victime de harcèlement scolaire, les parents se sentent tout d'abord coupables, impuissants en découvrant que leur enfant souffrait et qu'ils ne s'en doutaient pas" nous confie d'emblée la psychanalyste Virginie Renoux. 

Aussi, sommé de réagir à cette injustice, comment manœuvrer dans un premier temps pour aider l'enfant en souffrance ? "Clairement, il n’existe aucune méthode, aucun mot précis à dire. Il faut d'abord rappeler ce qui est autorisé et ce qui est interdit, faire prendre conscience de la douleur que cet acte a engendré, dire que ce n'est pas normal, qu'il est la victime et que si la loi avait été respectée, il n’aurait pas dû vivre cela. Lorsqu’il est atteint dans son intégrité, un enfant doit absolument être reconnu comme victime par ses parents, par l’école, et il doit y avoir réparation, accompagnée d’une sanction pour celui qui a commis l’acte violent", poursuit-elle.

Si l’enfant demande de ne pas intervenir face à cette violence scolaire, c’est qu’il est prêt à accepter l’inacceptable
Virginie Renoux, psychanalyste

Et si l’enfant supplie que le parent n’intervienne pas, de peur de représailles de l'agresseur ? "Dans un premier temps, on peut respecter la demande de l’enfant mais il faut impérativement une discussion, faire prendre conscience d’une gravité : si l’enfant demande de ne pas intervenir face à cette violence scolaire, c’est qu’il est prêt à accepter l’inacceptable. Il sera toujours victime, objet de cette violence." 

En d'autres termes, si on laisse faire, l’enfant sera enfermé dans le cercle vicieux d’une violence répétée dans la durée : les agresseurs agissent avec une volonté de nuire et la victime n’est pas en situation de se défendre, avec des répercussions inéluctables sur sa scolarité et sa santé : "Dans une école, cela se passe comme dans une société. Si votre enfant est victime de harcèlement ou de violence scolaire, une seule solution : aller voir ceux qui représentent la loi à l’école, soit la maîtresse, le directeur… Et il faut clairement poser le problème. À une époque où la notion d’interdit se perd, il faut restaurer la loi pour donner conscience à l'enfant agresseur qu’il a transgressé la loi."

Une obligation de surveillance et de sécurité pendant le temps scolaire

Et si le corps enseignant a tendance à minorer cette violence, voire à la banaliser alors que votre enfant est dans un état de souffrance absolue ? "S'ils n'y répondent pas, en dépit de vos signalements, c’est un manquement à l’obligation de surveillance et de sécurité pendant le temps scolaire, tranche la psychanalyste. S’il y a violence entre élèves, les adultes responsables de votre enfant doivent intervenir en votre absence." 

Il est vrai que face aux violences infligées à sa progéniture et en fonction de ses propres souvenirs à l’école, le parent peut avoir tendance à sur-réagir face à ce qui s'est réellement produit : "Qui n’a pas été maltraité à l’école ? Il est acquis que les enfants, entre eux, sont cruels et que bien sûr, on a tous été des victimes, à des degrés différents, parce qu’on portait un appareil, des lunettes… Il y a toujours une raison pour être exclu d’un groupe, être l’objet de moquerie. Cette violence du rejet peut effectivement ramener l’adulte à ses blessures non cautérisées et donner lieu à des comportements excessifs comme cette idée de faire justice soi-même. Un parent va inciter son enfant à appliquer la loi du Talion (œil pour œil, dent pour dent) pour répondre à l’enfant bourreau, ce qui va déclencher la réaction des autres parents, ainsi de suite. Il faut réfléchir à l’absurdité d’une telle escalade. Et pour la trouver absurde, il faut du recul. Or, pour des parents qui sont dans la réaction immédiate, il n’y a rien d’absurde là-dedans, ils ont cinq ans dans leur tête, ils deviennent littéralement leur enfant." 

Donc attention à ce que l’école ne devienne pas non plus le far-west : "Laissez la direction de l'école convoquer les deux familles avec parents et enfant. C’est théoriquement ainsi que le problème se résout, en donnant à réfléchir sur la responsabilité et la conséquence des actes, en impliquant la famille."

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Quand l'école ne répond plus

Ok, le parent doit rassembler ses esprits pour ne pas déraper. Mais si, après avoir épuisé toutes les options, avoir franchi toutes les étapes de négociation possibles et imaginables, rien ne se passe, l'école ne répond plus et la brute qui martyrise votre enfant agit en toute impunité, il faut viser plus haut : "Il faut voir toutes les options que cette société qu’est l’école propose. On peut par exemple écrire à l’inspection d’académie pour témoigner des violences ayant eu lieu et du refus d’intervenir, en expliquant que vous avez déjà pris rendez-vous avec eux et qu’ils restent sourds aux actes d’agression, bien que vous les ayez averti. On peut aussi se rapprocher des associations de parents d’élèves de l’école. Mais si l’école ne tient pas son rôle, si celle qui est garante de cette loi ne l’a pas fait respecter correctement, on peut porter plainte à une autre échelle. Soit directement porter plainte au commissariat."

Rien d'excessif là-dedans : tout comme la violence, le harcèlement à l'école est bien puni par la loi. Les faits sont punis même s'ils n'ont pas été commis dans les bâtiments de l'école, collège ou du lycée. Sachez que même mineur, un enfant peut d'ailleurs se rendre seul au commissariat pour porter plainte. En cas de condamnation, les parents des auteurs mineurs peuvent être amenés à indemniser les parents d'une victime. L'État est lui responsable des fautes des personnels éducatifs.

L’acte de violence peut être dévastateur pour un enfant, comme la parole d’un adulte peut être salutaire. L’enseignement, c’est que si l’on ne résout pas la violence par la violence, il importe de la résoudre par la verbalisation immédiate de ce qui s’est produit, soit la force des mots contre tous les maux. 


Romain LE VERN

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