"Photo Roulette" : faut-il avoir peur de cette appli qui cartonne chez les ados ?

Publié le 7 janvier 2020 à 11h17
"Photo Roulette" : faut-il avoir peur de cette appli qui cartonne chez les ados ?

JEU DE HASARD - Créée il y a quatre ans, l'application "Photo Roulette" fait de nombreux adeptes chez les ados. Le principe est simple : des photos sont sélectionnées de façon aléatoire dans les smartphones d'un groupe de joueurs qui doivent deviner à qui elles appartiennent. Mais qu'en est-il de la protection des données personnelles et de la vie privée ?

Auriez-vous envie de partager avec 50 de vos amis une photo prise au hasard dans votre téléphone ? Pas si sûr... Et pourtant, c'est un jeu en vogue chez les ados grâce à l'application "Photo Roulette". Lancée il y a quatre ans par trois Norvégiens, elle se démocratise depuis quelques mois. Ainsi, en octobre, elle a occupé durant plusieurs jours la première place au classement des jeux les plus téléchargés sur l'App Store aux Etats-Unis. Au point qu'aujourd'hui, cette application gratuite a été téléchargée plus de 10 millions de fois à travers le monde, dont 500.000 en France, selon Le Figaro

Le principe est simple. Un utilisateur invite jusqu’à 49 amis à rejoindre le jeu, à une condition : ils doivent donner l’accès aux albums photos de leur téléphone à l'application. Celle-ci sélectionne ensuite une photo, totalement au hasard, et la montre pendant cinq secondes à tous les participants, qui doivent alors deviner à qui elle appartient. Le gagnant est celui qui a trouvé le plus de bonnes réponses au bout de quinze parties. 

Des dangers potentiels

Une appli certes ludique, mais qui n'est pas sans poser un certain nombre de questions. Car si les photos sont partagées aux joueurs durant seulement quelques secondes, ces derniers ont largement le temps d'en faire une capture d’écran pour les conserver, et éventuellement les faire tourner plus tard. Par ailleurs, au-delà des photos privées, l’application peut aussi sélectionner des captures d’écran (conversations, contrats, numéro de sécurité sociale...) qui se trouvent dans la photothèque. Alors, comment ne pas craindre les dérives ? Pour le psychiatre Stéphane Clerget, auteur avec Estelle Denis du livre Ados, le décodeur (Leduc.s Editions), "le  vrai danger est là". 

"On peut voir apparaître des photos un peu dénudées, en maillot de bain, ou des données personnelles, si on a par exemple dans sa photothèque la copie de notre pièce d'identité. C'est un vrai souci, nous assure-t-il. Les parents ont donc un travail d'anticipation à faire auprès de leurs ados, notamment les plus jeunes (12/13 ans), en n'hésitant pas à parler avec eux des différentes applications qu'ils téléchargent et en vérifiant s'ils sont bien au courant de tous les dangers", poursuit-il. 

Et même si, au moment de l’inscription, l'application demande aux utilisateurs de confirmer qu’il ont au moins 16 ans, Stéphane Clerget n'est pas dupe : "A partir du moment où on donne un smartphone à son ado, il ne faut pas se leurrer, il en fera ce qu'il veut. Toutefois, on peut lui permettre de prendre des risques contrôlés, en lui demandant de faire un peu le ménage parmi ses photos", conseille-t-il.

C'est totalement propre à l'adolescence. On veut montrer des choses qu'on a envie de cacher.
Stéphane Clerget, psychiatre

Car tout le succès de cette application repose sur une certaine prise de risque, "et c'est justement ce que les ados aiment par dessus tout, continue le psychiatre. Ils sont aussi dans ce paradoxe qui consiste à vouloir être secret et en même temps à vouloir parler de choses intimes. C'est totalement propre à l'adolescence. On veut montrer des choses qu'on a envie de cacher. C'est un peu comme le jeu 'Action/Vérité'. On veut dire des vérités mais ce n'est pas nous qui décidons de les divulguer, c'est le hasard. Comme une puissance un peu divine", analyse-t-il. 

Sauf que certains adolescents cherchent un peu plus que d'autres à se faire peur et n'hésitent pas à jouer avec de parfaits inconnus, en publiant par exemple sur les réseaux sociaux le code de leur partie, pour que d’autres internautes se greffent sur le jeu en cours.

"On ne pourra jamais les en empêcher, prévient Stéphane Clerget. En revanche, on peut essayer de limiter les risques en évoquant avec eux les conséquences possibles d'une telle démarche. C'est vrai aussi pour l'alcool au volant ou rouler sans casque, par exemple". 

Pour le psychiatre, ce jeu témoigne également du besoin de parler de soi. "Au final, les ados ne se parlent pas tellement entre eux. Ils disent qu'ils se parlent mais ils ne s'écoutent pas. Or, ce jeu donne la possibilité, au travers d'un moment potentiellement gênant, de provoquer de façon ponctuelle l'écoute et l'attention de l'autre. Et finalement, c'est ce que les ados recherchent. N'hésitons pas alors au quotidien à leur donner les moyens de parler de leurs émotions, et de leurs ressentis, ils auront peut-être moins envie de se tourner vers le monde virtuel", conclut-il. 


Virginie FAUROUX

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