RESPONSABILITÉ - C’est la question que chaque parent se pose : quand et comment laisser un enfant seul à la maison ? Pas de règle ni d'âge, bien sûr, mais des signes qui attestent de l'autonomie de votre enfant et du "contrat de confiance" que vous pouvez passer avec lui.
On s'en souvient : en mai dernier, un garçon de quatre ans laissé dans un appartement sans surveillance s'était retrouvé suspendu au-dessus du vide, accroché au balcon d'un immeuble parisien. Des images qui avaient glacé l'échine de n'importe quel(le) père/mère de famille, apeuré(e) à la simple perspective d'imaginer leurs enfants dans cette situation.
Abandonné de longues minutes par son père trop occupé à "faire les courses" et à "jouer à Pokémon Go", l'enfant avait miraculeusement été sauvé d'une chute de cinq étages par Mamoudou Gassama, rebaptisé "Spiderman" sur les réseaux sociaux, suscitant l'admiration générale en France et la fierté au Mali. Une sauvetage héroïque qui, incidemment, pose la responsabilité du père de famille - qui est jugé ce 25 septembre- et donne à poser cette question universelle : à partir de quel âge peut-on laisser un enfant seul chez soi ?
Tout d'abord, questionnons la loi : elle ne fixe en fait aucun âge minimum pour laisser son enfant seul. L'article 371-1 du Code civil édicte en effet que l'autorité parentale "appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne". Donc, dans les faits, les parents sont légalement responsables de la sécurité de leur enfant jusqu'à sa majorité. La notion de "délaissement de mineur" ne concerne que les cas dans lesquels un enfant de 15 ans ou moins est laissé livré à lui-même au péril de sa santé ou sa sécurité.
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Nécessité de l'autonomie et de l'éducation
La vraie réponse derrière cette problématique est celle de l'autonomie de l'enfant et de la manière dont, en tant que parent, on lui en facilite l'accès : un besoin vital chez l’enfant qui, lorsqu'il l'acquiert, ne devient plus intégralement dépendant de son père ou de sa mère. "C’est essentiel pour lui dans l’existence, nous assure le psychologue Jean-Luc Aubert. C’est un processus qui se met en place progressivement, on ne devient pas autonome du jour au lendemain."
Et il existe bien des critères attestant de cette autonomie : "Le signe objectif du rapport au temps en est un. Il importe que l’enfant comprenne où l'on se situe dans le temps, quel jour on est. Ce n’est pas simplement une démarche intellectuelle, c’est une mise à distance par rapport au temps qui passe, un recul où il prend conscience du temps qui passe."
Le rôle éducatif du parent est d’être présent jusqu’au moment où son enfant est suffisamment autonome pour se débrouiller à l’intérieur de la famille puis se débrouiller dans la société.
Jean-Luc Aubert, psychologue spécialiste de l'enfant
Autres critères : l’utilisation du jeu, premier symptôme d’un accès à l’autonomie ou encore la propension au dialogue, à l'échange mutuel. "Selon les échanges que l’on a avec lui, il faut voir si l'enfant est capable d’une certaine mise à distance, d’un esprit critique, poursuit Jean-Luc Aubert. Voir s'il ne prend pas ce qui lui arrive pour argent comptant, s'il est capable d’analyse, de recul." Et l'une des clés qui peut inciter un parent à laisser son enfant seul est tout simplement la conscience du danger, allant de pair avec la gestion de l'espace : "Si un parent peut laisser un enfant jouer seul dans sa chambre en toute quiétude, alors c’est un premier pas de transition vers l’autonomie. Le rôle éducatif du parent est d’être présent jusqu’au moment où son enfant est suffisamment autonome pour se débrouiller à l’intérieur de la famille puis se débrouiller dans la société."
Selon le sociologue spécialisé dans l'enfant et l'adolescence Michel Fize, interrogé par LCI, avant de laisser un enfant seul sans surveillance, "il faut avant tout comprendre ses besoins et ses capacités, puis verbaliser les conditions de l'absence des parents : partir combien de temps ? A quel moment ? A quelle distance ? Pour quel type de déplacement ?" Et l'éducation de s'avérer primordiale dans ces enjeux : "Éduquer, c’est préparer à l’autonomie. Ce n'est pas plus compliqué que ça, mais on l’oublie très souvent. La procédure d’autonomie doit être en marche tout de suite. Il ne faut pas attendre un seuil qui la voudrait absolument."
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Attendre l'âge de raison
Pas d'âge précis donc pour laisser un enfant seul sans surveillance, même si beaucoup d'experts s'accordent sur l'âge de raison, soit 7 ans, ce moment charnière où l'enfant peut normalement évaluer la dangerosité ou pas d'une situation : "À cet âge-là, l’enfant est capable de se gérer matériellement, confirme Jean-Luc Aubert. Avec ses atouts intellectuels et affectifs, il n’est pas démuni dans une situation où il se retrouverait tout seul. Et l’intellect est ainsi capable de gérer l’affect."
Michel Fize approuve tout en restant prudent : "N'oublions pas qu'il n’y a pas d’égalité devant l’autonomie. Certains enfants de 8-9 ans peuvent être très "enfant" ou très précoces, et laisser ces enfants encore très dépendants de leurs parents seuls peut tout de même comporter un ensemble de risques." Bref, en d'autres termes, tout dépend du degré d'autonomie de votre enfant.
Quoiqu'il en soit, tout le monde s'accorde pour dire qu'on ne laisse pas un enfant de 4 ans seul à la maison. '"Si le père s'était contenté de rendre visite à un voisin pour demander un service à proximité ou sur courte durée, pourquoi pas, mais là, il a carrément quitté l’immeuble, c’est une faute éducative", assène Michel Fize. Rappelons que le père de l'enfant sauvé par Mamadou Gassama est jugé pour "soustraction d'un parent à ses obligations légales" devant le tribunal correctionnel de Paris. Il encourt une peine de deux ans de prison.