De plus en plus de villes le font : faut-il interdire aux parents de fumer devant les écoles ?

Publié le 7 février 2020 à 17h11, mis à jour le 7 février 2020 à 18h22
De plus en plus de villes le font : faut-il interdire aux parents de fumer devant les écoles ?
Source : JACQUES DEMARTHON / AFP

PRISE DE CONSCIENCE - De plus de plus en communes interdisent de fumer devant les écoles. Dernière en date, Rupt-sur-Moselle, dans les Vosges, dont le maire vient de prendre un arrêté en ce sens. Une question de santé publique ? "Pas seulement, répond la Ligue contre le cancer. L'idée est surtout de "'dénormaliser' le tabagisme auprès des jeunes".

Après les plages, les parcs, les aires de jeux, c'est maintenant devant des établissements scolaires qu'il est interdit de fumer. Une initiative qui fait florès dans de nombreuses municipalités. Ainsi, en 2019, la Ligue contre le cancer a contribué à labelliser plus de 2000 espaces sans tabac en France, dont 377 aux abords des écoles, dans 178 communes et 16 départements (chiffres non définitifs établis en novembre). Alors qu'en 2018, seuls 50 établissements scolaires étaient concernés.

La petite ville de Rupt-sur-Moselle, au sud d’Epinal dans les Vosges, fait partie des dernières municipalités à avoir pris un arrêté en ce sens. Depuis le 31 janvier stipule celui-ci, il est "interdit de fumer sur le domaine public uniquement pendant le temps scolaire devant les écoles maternelles et élémentaires de la commune". Les parents devront donc prendre leurs dispositions s’ils souhaitent s’en griller une en attendant de récupérer leurs enfants à l’école.

Préserver la santé...

Simple question de bon sens, diront certains. "Pas si évident", rétorque Yana Dimitrova, chargée de mission Prévention à la Ligue contre le cancer, interrogée par LCI. "Regardez par exemple le nombre de professionnels de santé, voire de malades, que l'on voit fumer devant les hôpitaux ou les centres de cancérologie !", argumente-t-elle. Voilà pourquoi l'association a lancé, depuis quelques années, ces labels "Espace sans tabac".

"L'idée, c'est à la base de rappeler à tout le monde que l'être humain est fait pour respirer de l'air. Il n'est pas fait pour respirer de la fumée. Car, quand on y réfléchit, consommer un poison ne devrait plus être considéré comme un acte anodin", renchérit Virginie Haffner, chargée de prévention au comité de Moselle de la Ligue contre le cancer. Et bien évidemment, le choix des écoles n'est pas fait au hasard. "L'ambition est de 'dénormaliser' l'usage du tabac. Des études montrent par exemple que plus un enfant est exposé au tabagisme de son entourage, plus il a de risques de devenir fumeur à l'âge adulte. Or, s'il ne voit pas les adultes fumer devant la porte de son école, peut-être pensera-t-il que ce n'est pas un geste normal d'avoir une cigarette à la main", explique-t-elle.

"Bien sûr, le risque de tabagisme passif est moins évident devant une école par rapport à une terrasse de restaurant, mais là on veut surtout combattre cette notion de mimétisme, et éviter l'entrée du tabagisme chez les plus jeunes", ajoute Yana Dimitrova. Le but avoué ? Parvenir à la première génération sans tabac d'ici 2032, alors que la cigarette est responsable de plus de 78.000 morts par an.

... et l'environnement

Une course contre la montre est donc engagée, notamment quand on sait qu'il est parfois déjà trop tard pour des jeunes qui sont au collège, puis au lycée. D'ailleurs, "on a beaucoup de mal à convaincre les proviseurs de lycées d'interdire de fumer aux abords de leurs établissements", s'inquiète Yana Dimitrova. Autre difficulté, rencontrée notamment dans les grandes villes, la proximité de certaines écoles avec des commerces. "J'ai vu le cas à Paris d'une école primaire qui se trouve face à un restaurant : si la mairie d'arrondissement décrète que l'espace publique autour de l'école est sans tabac, la terrasse du restaurant doit aussi l'être, ce qui n'est pas évident. Il n'est pas question non plus de mettre à mal les commerces environnants", avance la responsable Prévention.

Pour autant, "à partir du moment où la démarche est bien expliqué, 86% de la population est favorable à cette interdiction aux abords des établissements scolaires", poursuit-elle en s'appuyant sur un sondage Ipsos réalisé en janvier 2020. Un chiffre qui grimpe à 89% quand il s'agit des parcs et jardins publics dédiés aux enfants. "L'idée n'est pas d'agresser le fumeur, c'est plutôt de dire qu'à certains endroits, la fumée et la présence de tabac ne sont pas les bienvenues. Et la plupart des fumeurs en ont totalement conscience", poursuit Virginie Haffner, qui assure que cette "dénormalisation" a un double bénéfice : "empêcher les jeunes de devenir fumeurs et permettre aux fumeurs d'arrêter à force d'être dans des espaces sans cigarette".

Les municipalités, de leur côté, rejoignent ce mouvement car il s'agit aussi d'une question d'environnement, avec chaque année, près de 30 milliards de mégots de cigarettes jetés dans les rues de France, dont 350 tonnes juste pour Paris. Une pollution qui a un coût à la charge des collectivités : "Il est estimé à 38 euros par habitant et par an et est financé par les impôts locaux", conclut Yana Dimitrova.


Virginie FAUROUX

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