Interdiction définitive de la fessée : que se passe-t-il dans la tête d'un enfant qui en reçoit une ?

Publié le 11 juillet 2019 à 7h55

Source : JT 13h Semaine

EFFETS DÉVASTATEURS - La loi visant à interdire les "violences éducatives ordinaires", définitivement adoptée la semaine dernière par le Parlement, a été publiée ce jeudi au Journal officiel. De trop nombreux parents admettent en effet encore avoir recours à la fessée. Mais savent-ils ce que ressent intérieurement l'enfant au moment de recevoir cette forme de punition ?

Les députés s'étaient prononcés en novembre dernier à l'unanimité en faveur d'une proposition de loi contre les violences éducatives ordinaires, portée par Maud Petit (MoDem), clamant que "les enfants ont droit à une éducation sans violence" et que "les titulaires de l’autorité parentale ne peuvent user de moyens d’humiliation tels que la violence physique et verbale, les punitions ou châtiments corporels, les souffrances morales." 

Ce jeudi, après un vote ultime du Parlement le 2 juillet, le texte a été promulgué ce jeudi après publication au Journal officiel. Un texte avant tout symbolique car il ne prévoit de sanctions pénales en plus de celles qui existent déjà, mais qui grave dans le marbre législatif ce que l'on résume souvent en une "interdiction de la fessée".  Concrètement, il s'agit d'inscrire dans le Code civil, à l'article lu à la mairie lors des mariages, que "l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques".

Car aujourd'hui encore, les réprimandes physiques comme les gifles et les fessées restent trop souvent considérées comme une norme sociale (le fameux "c’est-pour-son-bien"). Dans une étude réalisée en 2014 par l'observatoire "Approuvé par les familles", 40% des parents admettaient ainsi y avoir recours. Certes de façon exceptionnelle pour l'immense majorité (39,6%). Mais ce pourcentage montre combien la pratique est ancrée dans nos mœurs. 

Punition contre-productive

Ceux qui tiennent ce bon vieux discours selon lequel "une fessée n’a jamais fait de mal" savent-ils ce qu'il se passe dans la tête d’un enfant en recevant une ? Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, a parlé dans un texte publié dans L'Obs d’une "sidération" provoquée par une paralysie momentanée du cortex cérébral (la matière grise qui permet de comprendre, d’analyser, de prendre des décisions et d’agir) et de l’hippocampe (le système d’exploitation de la mémoire, des apprentissages et des repères temporo-spatiaux). Un état lié au choc créé par la peur, la douleur, la surprise.

C’est d’abord de l’incompréhension que ressent l’enfant, incompréhension qui explique qu’une fessée n’aura jamais la moindre valeur éducative
Samuel Dock, psychologue clinicien

Pour le psychologue clinicien Samuel Dock, il demeure certes difficile de savoir avec exactitude ce qu'il se passe dans la tête d’un enfant recevant une fessée, mais tout adulte peut l’imaginer en tenant compte de ce que nous connaissons du développement de l’enfant et de ses identifications précoces : "Le parent représente l’environnement de l’enfant, il est le garant de la sécurité de son univers, des règles et des gratifications qu’il peut recevoir. Lorsqu’il frappe l’enfant, il envoie voler en éclats cet univers, et c’est donc d’abord de l’incompréhension que ressent l’enfant, incompréhension qui explique qu’une fessée n’aura jamais la moindre valeur éducative, explique-t-il à LCI. Le parent valorisait l'enfant, voilà qu’il montre par le corps que ce dernier lui est inférieur, et c’est donc un vécu d’humiliation qui le traverse". Le psychologue précise qu’avec "le parent qui parlait et maintenant qui cogne, l’enfant peut ressentir ce qui s’apparente à un aveu de faiblesse parentale."

 

Une pratique comme la fessée porte donc atteinte aux droits, à la dignité, à l’intégrité physique et psychologique des enfants, à leur santé, leur bien-être, leur développement et leurs apprentissages. D’autant que la peur qu'elle provoque est accentuée par le fait que les mains n’ont plus la même fonction symbolique aux yeux de l’enfant : "Autrefois, ces mains de parents exprimaient la tendresse et soudain, elles tapent. Le parent qui était aimant change de visage : tout cela fait peur. C’est la peur qui domine le tableau. Lorsque les fessées sont amenées à se répéter, la colère prend le dessus, la colère comme seule réponse à l’absence de langage".


Romain LE VERN

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