Cannes 2016 - "Clash" : quand l'Egypte fait face à ses tourments dans un fourgon de police

Publié le 12 mai 2016 à 14h05
Cannes 2016 - "Clash" : quand l'Egypte fait face à ses tourments dans un fourgon de police

CRITIQUE – Quatre ans après "Les femmes du bus 678", le cinéaste égyptien Mohamed Diab poursuit l’étude sociologique de sa terre natale avec sa seconde réalisation, "Clash". Laquelle fait l’ouverture ce jeudi de la section Un Certain Regard à Cannes. metronews a été saisi par ce huis clos sur fond de révolution arabe.

Dans une autre vie, le cinéaste égyptien Mohamed Diab, 38 ans, devait probablement travailler à l’intérieur d’une prison. Ou dans un endroit exigu. Cette hypothèse farfelue, on vous l’accorde, expliquerait peut-être sa lubie d’enfermer systématiquement une partie de ses concitoyens pour mieux les ausculter et les révéler. Après avoir dénoncé le machisme éhonté sévissant au Caire dans Les femmes du bus 678, première réalisation remarquée qui a réuni 250.000 spectateurs en salles en 2012, l’intéressé appuie encore davantage sur le bouton de la claustration avec Clash, en salles le 14 septembre prochain.

Vivre (ou mourir) ensemble

Eté 2013. Deux ans après la révolution qui a secoué les fondations les plus solides de l’Egypte, la rue gronde toujours et les manifestants de tous bords battent le pavé. La destitution de Morsi précipite en effet la nation dans une confrontation carnassière et violente. Pour prendre le pouls de ce moment de tangage général, Mohamed Diab a choisi l’option du huis clos, qu’il articule ici dans un fourgon de police où le spectateur sera geôlier malgré lui pendant toute la durée du récit.

Dedans : deux journalistes, des sympathisants des frères musulmans, des modérés, un chrétien… Soit un panel sociétal explosif qui cristallise rancoeurs, griefs et divergences en cascade. Sans surprise, la tension s’installe vite au sein des frontières métalliques du véhicule à l’intérieur duquel les individus, faute de places disponibles dans les pénitenciers alentour, suffoquent d’un même souffle. Si les instants d’accalmie pâtissent d’une écriture un peu affectée, voire naïve dans son honnête volonté de réanimer les espoirs déchus, Clash fonctionne merveilleusement dans l’action.

Des fenêtres qui ressemblent à des écrans

A l’image du Lebanon de Samuel Moaz, Diab maximise les possibilités de filmage qu’offre un endroit minuscule. Ce qui, en soi, est déjà une prouesse. Il parvient ainsi à maintenir une pression tranchante, grâce notamment à une direction d’acteurs au cordeau, sans jamais (ou presque) ouvrir la porte du dehors. In fine, le fourgon prend la forme d’une caméra géante, munie de fenêtres comme autant d’objectifs braqués sur le film qui se joue à l’extérieur. Cette mise en abîme, véritable tour de force, est proprement passionnante puisqu’elle permet au public d’observer les protagonistes en train de contempler, dans la fureur et la peur, le spectacle d’une déroute collective. Glaçant.

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La rédaction de TF1info

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