Cannes 2016 : "Rester Vertical", ode à la liberté ou grand n'importe quoi ?

Publié le 12 mai 2016 à 18h46
Cannes 2016 : "Rester Vertical", ode à la liberté ou grand n'importe quoi ?

DEBAT - S’il fait du cinéma depuis les années 90, le grand public n’identifie sans doute réellement Alain Guiraudie que depuis "L’inconnu du lac" qui, en 2013, avait décroché la Queer Palm et le prix de la mise en scène dans la section Un Certain regard à Cannes. Trois ans plus tard, le réalisateur français revient sur la Croisette avec "Rester Vertical". Fulgurant ou révoltant ? Nos critiques sont violemment partagés sur ce film.

POUR : Une fascinante rêverie - Mehdi Omaïs

Pire qu’être seul avec soi-même ? L’être au milieu des autres. S’il est un cinéaste actuel qui figure magnifiquement cette idée, c’est bien Alain Guiraudie. Au gré des années et des oeuvres, il a bâti une galerie de personnages attachants, à qui il a offert de formidables errances identitaires au cours desquelles le conte converse toujours avec le réel. Du Roi de l’Evasion à L’Inconnu du Lac, on a follement aimé ses héros incertains, isolés et parcellaires, qui se construisent hors des normes, loin des sentiers battus. Et qui, rassemblés, forment un bouleversant portrait de leur créateur.

Avec Rester Vertical, titre à métaphores (sexuelle, politique et consort), Guiraudie se livre, bien plus que d’ordinaire, le temps d’un récit-miroir où ses obsessions prennent racine avec celles de toute cette verdure qui l’exalte tant. Il s’y raconte, en filigrane, à travers le parcours d’un cinéaste sur la paille qui doit s’en sortir avec un bébé dans les bras ; bout de chou que lui a refilé sa chérie, une bergère de Lozère, avant de prendre la poudre d’escampette. 

A travers le cheminement abscons de cet homme largué, notamment d’un point de vue sexuel, le cinéaste empoigne la liberté que tant d’autres fuient. Il l’embrasse et l’ouvre aussi grand que possible en congédiant un certain intellectualisme bêta. Ici : tout n’est que fascinante rêverie et doux cauchemar, une parenthèse où l’absurde rend tolérable l’impensable, l’indicible. Il ose ainsi la sodomie inter-générationnelle (sur du Pink Floyd) ou l’accouchement vu de front, sans sombrer dans le cradingue. On gardera surtout en mémoire cette séquence finale où le héros tente la fusion improbable du loup et de l’agneau. Une fulgurance à l’image de Guiraudie : éthérée et terrestre.

CONTRE : Vain et misogyne- Marilyne Letertre

1h40 de projection et rien. Rien, exception faite de quelques images qui resteront : non qu’elles soient belles ou scandaleuses. Elles se révèlent simplement gratuites et agaçantes. Sous couvert d’auteurisme, Alain Guiraudie ose tout. Les sexes en érection, la séquence "sans concessions" d’un accouchement en gros plan (avec détails gores en bonus gourmet) et même l’euthanasie par sodomie (ou l’art d’aider quelqu’un à partir sans souffrir mais avec plaisir, de sa "petite mort"...). Des monuments de subtilité auxquels s’ajoute une image de la femme tout aussi exaspérante, entre mauvaise mère et aide ménagère. Purement misogyne.

Tout ça pour quoi ? Pour nous conter l’errance et la déchéance d’un homme, scénariste à la dérive et père, qui reste debout (explication de texte) malgré la mère de son bébé qui se fait la malle, son beau-papa qui lui en mettrait bien un petit coup et un vieux monsieur malade plutôt open sexuellement malgré son goût des vannes homophobes et racistes. Le bât blesse d’autant plus que la symbolique de l’ensemble est lourdingue : car si notre héros s’est fixé pour objectif de voir un loup dans sa campagne dès la première scène du film, il le verra aussi et surtout dans son lit (tadaaa)...

En bonus : quelques séquences allumées avec une Dame Nature connectée aux arbres et une interprétation globale 100% naturaliste (comprenez faux) pour être raccord avec les paysages dépouillés des Causses ou les rues grisâtres de Brest. Aride, rude... mais surtout vain. D’aucuns vous diront que Rester Vertical est un grand film sur la paternité et l’œuvre d’un cinéaste libre et radical... Alain Guiraudie ne nous en voudra donc pas d’être nous aussi extrêmes : c’est surtout du grand n’importe quoi !

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La rédaction de TF1info

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