Cannes 2017 - "Faute d’amour", la critique à chaud : un drame glaçant qui dézingue la Russie contemporaine

Sylvain Lefort
Publié le 18 mai 2017 à 1h32, mis à jour le 18 mai 2017 à 16h45
Cannes 2017 - "Faute d’amour", la critique à chaud : un drame glaçant qui dézingue la Russie contemporaine

ON AIME - Dans "Faute d'amour", le cinéaste russe Andrey Zvyagintsev met en scène un couple qui ne s'aime plus confronté à la disparition mystérieuse de leur fils. Un drame visuellement splendide, d'une violence sourde, véritable charge au vitriol contre la société contemporaine. De la graine de Palme d'or ?

Premier film en compétition cette année sur la Croisette, le nouvel opus du cinéaste russe Andrey Zvyagintsev se retrouve en pole position pour décrocher – enfin ? - la Palme qui manque à son auteur pour sa quatrième sélection. Formellement éblouissant, thématiquement désespéré, Faute d’amour s’inscrit dans la lignée des films de  grands auteurs du cinéma contemporain, de Cristian Mungiu à Nuri Bilge Ceylan.

De quoi ça parle ?

Boris et Zhenya ne s’aiment plus. Ils s‘apprêtent à refaire leur vie chacun de leur côté, et à vendre leur appartement commun. Sans se soucier apparemment de leurs fils, Alyosha, 12 ans. Qui disparaît subitement. Commence alors la quête d’un couple, dans la Russie contemporaine...

Les points forts

Andrey Zvingatsiev se penche avec acuité sur les travers de la société contemporaine : égocentrisme à tout va – on ne compte pas les scènes où les personnages posent pour des selfies, se connectent à Facebook ou instagrammant leur repas ; égoïsme d’adultes qui pensent avant tout à leur propre bonheur au détriment de leur enfant - jamais le couple n’est filmé avec leur fils ; solitude des individus, enfin – de très nombreux plans isolent les personnages filmés derrière des baies vitrées, souvent embuées. Bref, du lourd, implacable et désespéré, magnifié par une réalisation maîtrisée de bout en bout. Qui par contraste avec l’absence d’amour, alterne tonalités chaudes et froides, comme pour laisser le spectateur respirer un peu dans cet univers glaciaire et étouffant.

Les points faibles

A trop rendre solennelle sa mise en scène, Andrey Zvingatsiev frôle la caricature. Exemple : la scène de crise entre les deux parents à la morgue ; ou bien le portrait peu amène de la mère de l’héroïne, sorte de Staline en jupons, qui tombe dans la caricature. Dommage pour la tentative du cinéaste de sortir de son territoire allégorique. Comme si en épurant son récit pour le rendre davantage grand public, il perdait la force du Retour et surtout de Léviathan. Et comment ne pas percevoir une pointe de moralisme de la part du réalisateur, à l’égard de ce couple égotiste et égoïste ?

La punchline du film

Zhenya à son époux : "Tu m’as promis joie et bonheur, je n’ai eu que douleur et déception"

Des chances au palmarès ?

Andrey Zvingatsiev est très apprécié des festivaliers, cannois ou non : Lion d’or à Venise dès son premier film en 2003 avec Le Retour, prix d’interprétation masculine à Cannes pour Le Bannissement en 2007, prix spécial du Jury Un certain regard en 2011 pour Elena, et prix du scénario pour Léviathan en 2014. Malgré ses défauts, Loveless a tout pour décrocher un nouveau prix... sinon sa programmation précoce dans cette 70e édition.

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