Cannes 2018 - Jean-Luc Godard : "Le cinéma tel que je le conçois est une petite Catalogne"

Jérôme Vermelin, à Cannes
Publié le 12 mai 2018 à 14h31

Source : Sujet JT LCI

INSOLITE – Le cinéaste franco-suisse Jean-Luc Godard, 87 ans, a répondu ce samedi aux questions des journalistes via Facetime, après la projection de son nouveau film, "Le Livre d’image". Morceaux choisis.

C’est un moment inédit qu’ont vécu, ce samedi, les journalistes présents dans la salle de conférence de presse du Palais des Festivals. Devant l’écran d’un smartphone, tenu à bout de bras par le chef opérateur Fabrice Agno, le cinéaste Jean-Luc Godard, 87 ans, a répondu à leurs questions, via Facetime, depuis son domicile en Suisse.

 

Quelques minutes plus tôt, nous avions pu découvrir "Le Livre d’image", son nouveau film présenté en compétition officielle. Cette œuvre, qui relève davantage du collage surréaliste, imbrique des extraits de films de fiction et de reportages actualité, l’auteur de Pierrot le fou susurrant des passages de roman en stéréo.

 

Si la projection officielle, vendredi, a été émaillée de nombreux claquements de sièges, celle destinée à la presse le lendemain a été très applaudie. Très politique, cette rêverie (ou cauchemar) de 90 minutes donne l’impression de plonger dans le subconscient de son auteur. Autant dire que ses explications étaient très attendues.

 

"Je suis juste un fabricant de film", a commencé le cinéaste, interrogé sur les nombreuses séquences issues des révolutions arabes. "Je m’intéresse non seulement à ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Ce qui ne se fait pas aboutit à une catastrophe", a-t-il poursuivi, à peine énigmatique.

J’ai fait une équation une fois, un film c’est x+3 =1, x est égale à moins 2
Jean-Luc Godard

"J’ai essayé de parler d’après un roman d’Albert Cossery, comment les arabes s’occupent d’eux-mêmes et n’ont pas besoin des autres, ils ont inventé l’écriture, ont du pétrole si jamais il en faut (…) La démographie baisse en Europe. Ils font plus d’enfant en Afrique. C’est parce qu’il y a plus d’amour en Afrique qu’en Europe."

 

Bien vite, la conférence de presse vire à la leçon de cinéma, "JLG" livrant le genre cours magistral dont il a le secret. "J’ai fait une équation une fois, un film c’est x+3 =1, x est égale à moins 2. Quand on fait télescoper deux images pour en trouver une troisième, il faut en supprimer deux, c’est la clé du cinéma mais il ne faut pas oublier la serrure."

 

Des secrets de fabrication de son nouveau long-métrage, le cinéaste dira qu’il "a vu plus de films en quatre ans que Thierry Frémaux pour son Festival. Je voulais savoir si certains films, certains sons pouvaient raconter quelque chose. Parce qu’il faut raconter quelque chose. C’est venu petit à petit."

Beaucoup d’acteurs contribuent au totalitarisme de l’image filmée contre l’image pensée
Jean-Luc Godard

Lorsqu’on lui demande s’il compte un jour retravailler avec des acteurs, le cinéaste franco-suisse botte en touche. Puis ironise. "Les démocraties modernes contribuent au totalitarisme", dit-il. "Beaucoup d’acteurs contribuent au totalitarisme de l’image filmée contre l’image pensée". Les intéressés apprécieront.

 

Pas question, en tout cas, d’envisager la retraite malgré son âge avancé. "J’ai le courage d'imaginer, je prends le train de l’histoire et je pense aux gens qui prennent le train pour un boulot et qui n’ont pas le courage d’imagine", dit-il, même si "le cinéma tel que je le conçois est une petite Catalogne qui a du mal à exister."


Jérôme Vermelin, à Cannes

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