Cannes 2018 : le héros lépreux de "Yomeddine" nous a brisé le cœur

Jérôme Vermelin, à Cannes
Publié le 10 mai 2018 à 12h56, mis à jour le 10 mai 2018 à 14h16

Source : Sujet JT LCI

ON AIME – En compétition pour la Palme d’or, "Yomeddine" met en scène un lépreux à la recherche de la famille qui l’a abandonné lorsqu’il était enfant. Un premier film de fiction étonnant du jeune réalisateur égyptien Abu Bakr Shaw.

C’est dans un vertigineux désert de détritus, inondé de soleil, qu’on découvre Beshay, le héros magnifique de "Yomeddine". Abandonné par son père dans une léproserie lorsqu’il était enfant, il a grandi dans ce décor post-apocalyptique, le visage ravagé, les mains déformées par la maladie, loin des regards et des préjugés. Lorsque son épouse décède, il décide de partir à la recherche des siens, à bord d’un chariot de fortune tiré par un âne. Dans sa quête il est accompagné par Obama, un orphelin qui s’est surnommé ainsi parce qu’il ressemble vaguement "au type à la télé".

 

Issu du documentaire, le jeune réalisateur Abu Bakr Shaw avait consacré l’un de ses premiers films aux lépreux d’Egypte. C’est l’un d’entre eux qu’il est allé chercher pour tenir le rôle principal de sa première fiction, un road-movie dont la poésie brute a inondé mercredi les écrans du Palais des Festivals. Rady Gamal, c’est son nom, n’a pas pu venir présenter le film à Cannes pour une obscure histoire de visa. Et c’est d’une tristesse infinie tant ce petit bonhomme imprime la pellicule de son incroyable présence, à la fois burlesque déchirante.

Un monde sans superpouvoirs, ni prothèses bioniques

Comme le "Timbuktu" de Abderrahmane Sissako, "Yomeddine" braque ses caméras sur des paysages égyptiens d’une incroyable beauté, malgré la souffrance qu’il dépeint. Et met en valeur des individus qui échappent trop souvent au regard des cinéastes, sans jamais verser dans un pathos excessif, en dépit une bande-son un brin envahissante. Abu Bakr Shaw ponctue même son récit d’une poignée de séquences oniriques, comme lorsque Beshay rêve du jeune homme qu’il aurait été sans la maladie. Mais c’est lorsqu’il croise furtivement son reflet dans un miroir qu’un frisson nous a parcouru l’échine.

 

Les cyniques – et ils sont nombreux sur la Croisette – diront que le Festival s’achète une bonne conscience en exposant ainsi la misère du monde. Mais lorsqu’elle est filmée avec un tel mélange de grâce et d’enthousiasme, on se dit qu’on tient là une œuvre qui mérite tous les honneurs. Y compris ceux d’un tapis rouge garni de stars endimanchées. Cannes est d’abord et surtout une formidable rampe de lancement pour un film qu’il faudra impérativement montrer à nos enfants. Pour qu’ils comprennent qu’il existe un monde sans super-pouvoirs, ni prothèses bioniques. Si, si.

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Jérôme Vermelin, à Cannes

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