PRONOSTICS – A quelques heures du palmarès du 71e Festival de Cannes, difficile de deviner qui va couronner le jury présidé par la comédienne australienne Cate Blanchett. Palme d’or, prix d’interprétation ou de la mise en scène… Après 12 jours de séances intenses, LCI vous livre ses pronostics, forcément subjectifs. Mais pas que.
C’est ce samedi matin, dans une villa sur les hauteurs de Cannes, que Cate Blanchett et ses camarades du jury vont se réunir pour établir le palmarès attendu du 71e Festival de Cannes. La coutume veut que sur les coups de midi, le délégué général Thierry Frémaux et ses équipes en repartent avec une précieuse enveloppe contenant les noms des lauréats qu’il conviendra de rappeler pour assister à la cérémonie de clôture, aux alentours de 19h.
Comme chaque année, chacun sur la Croisette y va de son petit pronostic, mélange d’envies personnelles et d’observations plus ou moins éclairées. Certains affirment ainsi avoir vu la présidente australienne pleurer à chaudes larmes à l’issue de la projection officielle de l’un des derniers films en compétition. D’autres qu'elle s'est assoupie durablement en début de semaine dans son fauteuil du Grand Théâtre Lumière. On ne donnera pas de noms, histoire de ne pas donner de fausses joies à l’un, ou de décevoir l’autre.
Frais, souriants et pleins de bonnes intentions au début de la quinzaine, les membres du jury vont-ils s’entre-déchirer au moment de choisir la Palme d’or, les prix d’interprétation ou celui de la mise en scène ? Ou au contraire trouver l’entente parfaite pour récompenser leurs films préférés au sein d’une sélection de bonne tenue ? A quelques heures du verdict, LCI vous livre ses pronostics…
Palme d’or : "Capharnaüm" de Nadine Labaki
25 ans après Jane Campion avec "La leçon de Piano", toutes les planètes sont alignées pour qu’une deuxième femme remporte la récompense suprême du Festival de Cannes. Dans son troisième film depuis la révélation de "Caramel" en 2007, déjà sur la Croisette, l’actrice et réalisatrice libanaise Nadine Labaki raconte l’histoire de Zain, un enfant des rues de Beyrouth qui a décidé de faire un procès à ses parents. Leur crime à ses yeux ? L’avoir mis au monde. On a vu des films plus parfaits dans leur exécution cette année à Cannes comme "Burning", "Dogman" ou "Cold War". Aucun, sinon "En Guerre" de Stéphane Brizé, n’embrasse à tel point le chaos du monde actuel pour faire œuvre de fiction.
Tourné caméra à l’épaule, entre souks et taudis, "Capharnaüm" avance en équilibre sur un fil ténu entre documentaire et mélo. Certaines séquences sont un brin répétitives – et dire que la première version faisait 11 heures ! Mais c’est peu de chose devant la violence insondable qu’il renvoie à la figure du spectateur, collé aux basques du personnage principal. Quelque part entre un Gavroche du Moyen Orient et une version moderne du Kid de Chaplin, le petit Zain Al Rafea, enfant syrien exilé au Liban, est un phare d’humanité qui se dresse au milieu d’un océan d’injustice. La Palme d’or serait une formidable caisse de résonance pour ce plaidoyer vibrant au service de l’enfance mal aimée, partout dans le monde.
Grand Prix du jury : "En Guerre" de Stéphane Brizé
Le cinéaste français avait déjà frappé fort en 2015 avec "La loi du marché", couronné par un prix d’interprétation pour le formidable Vincent Lindon. Cette chronique de la lutte menée par les salariés d’une usine, confrontés à une fermeture injuste, est un nouvel uppercut anti-capitaliste qui prouve, si besoin était, que le cinéma français n’est pas uniquement abonné au comique troupier. Sur le fond, "En Guerre" ne dit rien de nouveau. Mais dans la forme il offre un contrechamp inédit, sinon essentiel, aux reportages d’actualité qui défilent sur nos écrans de télé toute l’année. Il y injecte surtout une formidable dose d’humanité à travers son épatant casting, sa star engagée se mêlant aux non-professionnels avec une aisance remarquable. A moins que ce soit l’inverse.
Prix d’interprétation masculine : Marcello Fonte dans "Dogman" de Matteo Garrone
Ce comédien italien était jusqu’ici totalement inconnu du grand public, même si sa bio le crédite d’un petit rôle dans "Gangs of New York" de Martin Scorsese. Il sera bientôt une star. Dans le nouveau film du réalisateur de "Gomorra", il incarne un homme simple, mais pas simplet, victime de son amitié pour une brute épaisse pour laquelle il est prêt à tout sacrifier. Dans son regard triste, et sa tronche pas commode, se lit un océan de bonté qui nous a serré le cœur encore longtemps après la projection.
Prix d’interprétation féminine : Joanna Kulig dans "Cold War" de Pawel Pawlikowski
Difficile de dissocier les amants maudits de la réussite du nouveau long-métrage du réalisateur Oscarisé de Ida. Mais comme son partenaire Tomasz Kot, alias Viktor, on est instantanément captivé par le mélange de candeur et de sensualité que transmet Joanna Kulig au personnage de Zula. Une fille de la campagne qui se change en femme fatale dans cette romance en noir et blanc qui traverse l’Histoire de l’Europe, de la campagne polonaise aux clubs de jazz du Quartier Latin. Difficile de ne pas avoir le coup de foudre...
Prix de la mise en scène : Kirill Serebrennikov pour "Leto"
Si son assignation résidence douteuse en a fait l’un des grands absents de ce 71e Festival de Cannes, c’est pour son magnifique travail que le cinéaste russe mérite une récompense, samedi soir la Croisette. Pour raconter la naissance du rock underground dans son pays, il a composé un noir et blanc de toute beauté, lardé d’incrustations façon de BD lors de séquences de comédie musicale aussi imprévisibles qu’ingénieuses. La bande-son, énergique et envoûtante, complète le plaisir de ce pur moment de rock n’roll.
Prix du scénario : Lee Chang-dong pour "Burning"
Lors des ultimes secondes de ce thriller à combustion lente, un incroyable puzzle se met en place, charriant une foule de questions qui nécessiteront sans doute plusieurs visionnages avant d’en entrevoir les réponses. S’inspirant librement d’une nouvelle de l’écrivain japonais Haruki Murakami, le cinéaste sud-coréen a construit un fascinant jeu de pistes, disséminé dans les faux semblants d’un récit qui bascule de la bluette anodine au film noir le plus terrifiant sans qu’on s’en aperçoive.
Prix du jury : "Yomeddine" de Abu Bakr Shawky
Le premier film de fiction de ce jeune réalisateur égyptien n’a pas le caractère solennel de "Capharnaüm" ou de "En guerre". Il pose, au contraire, un regard presque léger, voire lumineux, sur la misère en Afrique à travers le portrait de Beshay, un lépreux qui part à la recherche de la famille qui l’a abandonnée enfant. S’il ne maîtrise pas toujours ses effets, ce coup d’essai est aussi singulier que prometteur.
>> Pour connaître la palmarès du 71e Festival de Cannes, rendez-vous ici à partir de 19h !