Cannes 2017 - "You were never really here" : écrin haut de gamme pour un Joaquin Phoenix hanté

Sylvain Lefort / Cinéblogywood
Publié le 28 mai 2017 à 21h14, mis à jour le 31 mai 2017 à 13h05
Cannes 2017 - "You were never really here" : écrin haut de gamme pour un Joaquin Phoenix hanté

ON AIME - Last but not least ? En confiant à Joaquin Phoenix le rôle d’un ancien soldat, chargé d’extraire la fille d’un sénateur d’un réseau de prostitution, la réalisatrice écossaise Lynne Ramsay signe avec "You were never really here" un polar ultraviolent dont la mise en scène sophistiquée mérite une place au palmarès. Au moins.

La réalisatrice écossaise Lynne Ramsay est une habituée de Cannes : tous ses films y ont été présentés, depuis ses 1ers courts métrages. 6 ans après le terrifiant We need to talk about Kevin, elle convoque Joaquin Phoenix pour un thriller envoûtant qui rend hommage aux polars américains des années 70, Taxi Driver en tête. De bon augure pour figurer en fin au palmarès ?

Le pitch

Joe, vétéran de l’armée US, souffrant de maux post-traumatiques, provoqués par le conflit irakien et des atrocités subies dans sa petite enfance, est chargé de récupérer la fille d’un sénateur aux prises d’un réseau de prostitution. Début d’une odyssée qui s’apparente aussi bien à une descente aux enfers qu’à une quête rédemptrice 

Les points forts

En adaptant un roman de Jonathan Ames, la cinéaste s’inscrit dans le sillon des polars déceptifs des années 70, du Privé de Robert Altman à Taxi Driver, de Martin Scorsese, en passant par La Cité des dangers, de Robert Aldrich, ou La Blessure, d’Ivan Passer. Des polars désabusés, qui auscultent le côté obscur des Etats-Unis, au-delà de ses aspects clinquants et solaires. Et qui ressemble furieusement dans son intrigue à Taxi Driver, de Martin Scorsese.

A la différence de son modèle, You were never really here s’attache à fouiller le tréfonds du personnage. Non à travers de longs discours explicatifs, mais à travers de purs moments de cinéma sensoriels et immersifs. Flashs visuels, réminiscences fugaces, émaillent le récit, comme autant de symptômes des traumas du héros. Purs moments de cinéma absolument éblouissants et cathartiques. On n’est pas près d’oublier une scène d’arrachage de dents, ou bien les scènes de suffocation sous sacs plastiques absolument glaçantes et hypnotiques. Mention au montage virtuose de Joe Bini et à la musique de Johnny Greenwood, de Radiohead, qui contribuent à la réussite sensorielle de l’ensemble.

Enfin, avec Joaquin Phoenix, Lynne Ramsay ne pouvait tomber sur mieux. A la fois ours mal léché et ogre à la merci de ses pulsions suicidaires et dépressives, il est absolument bouleversant dans le rôle de ce solitaire en quête de rédemption. Barbu, cheveux longs, souvent armé d’un marteau, il compose une silhouette appelée à entre dans les archétypes du cinéma américain, au même titre que son modèle avéré Travis Bickle dans Taxi Driver.

Les points faibles

A trop vouloir faire preuve de virtuosité, Lynne Ramsay frôle par moments le pur objet arty ou esthétique. Au point de négliger l’aspect émotionnel de son film, notamment dans les relations qui se nouent entre le Marine et la jeune fille. Comme on l’avait déjà vu dans We need to talk about Kevin, Lynne Ramsay ne s’embarrasse d’aucune retenue pour visualiser les accès de violence – même s’il lui arrive de procéder par ellipse, sûrement pour contre-balancer la fureur dont fait l’objet le héros.

Des chances au palmarès ?

Jamais récompensée jusque-là, la cinéaste peut largement prétendre à un prix de la mise en scène, le point fort de son dernier film. Autre prétendant au palmarès : Joaquin Phoenix, bien sûr, dont la puissante composition intériorisée devrait ravir le jury.

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Sylvain Lefort / Cinéblogywood

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