PSG-Manchester United : n'en fait-on pas trop avec la "remontada" ?

Publié le 6 mars 2019 à 17h45

Source : Sujet TF1 Info

REMONTADA - Vainqueur 2-0 à l'aller sur la pelouse de Manchester United, le PSG est sur la bonne voie pour retrouver les quarts de finale de la Ligue des champions. Mais, comme il y a deux ans face au Barça, l'idée d'une "remontada" mancunienne fait malgré tout son chemin. Comme si, en France, on aimait "vendre la peur".

Personne n'a oublié ce fameux 8 mars 2017. Ce soir-là, le PSG a été au cœur d'un scénario parmi les plus rocambolesques que le football ait offert. Après avoir giflé le Barça (4-0) en huitième de finale aller, Paris a sombré au Camp Nou, s'inclinant sur le score historique de 6-1. Du jamais vu en Coupe d'Europe. L'illustration parfaite du mot espagnol "remontada" (traduit littéralement "remontée" en français), terme bien connu des amateurs de ballon rond. D'ailleurs, depuis cette soirée cauchemardesque, pas une seule campagne européenne parisienne ne passe sans qu'on n'agite à tout-va le spectre de ce naufrage collectif.

Alors qu'elle aurait dû l'éloigner, la victoire probante du PSG à Old Trafford (2-0) a ravivé le douloureux souvenir. Après son succès face à Manchester United, le 12 février en huitièmes de finale aller de la Ligue des champions, le club de la capitale est crédité de 100% de chances de se qualifier pour les quarts... comme il y a deux ans avant le retour à Barcelone. Une raison de plus de remuer le couteau dans la plaie. Comme si certains observateurs prenaient un malin plaisir à ressasser le passé, à vouloir instaurer un climat de peur et à espérer, à haute voix, que les Parisiens craquent à nouveau sous la pression dans le "money-time".

Qu'on arrête de vendre la peur
Kylian MBAPPÉ

"Il faut qu'on arrête de vendre la peur. Les gens doivent arrêter d'avoir peur, le foot ça se joue sur un terrain (...) Le foot français doit aller le plus loin possible en Coupe d'Europe. On est fort, arrêtons d'avoir peur", avait lâché Kylian Mbappé au micro de RMC Sport après le premier round à Manchester. Une mise en garde à destination des médias et des consultants qui, selon lui, sous-estiment la capacité du PSG à faire front et à transformer l'essai sur la scène européenne. Mais cet appel est resté sans réponse puisque, trois jours seulement après les mots de l'attaquant, l'éventualité de subir une nouvelle "remontada" avait été suggérée à Thomas Tuchel. Le coach parisien avait péniblement évacué le sujet avec une pirouette.

Dès lors une question se pose : n'en fait-on pas trop en remâchant la "remontada" ? Clairement, oui. "C'est très français d'avoir peur, d'être négatif", avait reconnu Bruno Genesio, l'entraîneur de Lyon, validant les propos du meilleur buteur de Ligue 1 (24 buts). "Il y a deux ans après le match aller (contre Barcelone, ndlr), tout le monde disait que c'était fait. Et après, plus le match retour arrivait, plus on disait que le Barça allait gagner. Les joueurs ont été mal conditionnés. Cette année, ils ont fait l'inverse, ils se sont resserrés, ils ont positivé, ils ont utilisé des paroles positives. Si on a un collectif fort, si on a des attitudes positives, tout est possible ! Mais si avant de commencer un match, vous vous dites déjà que vous êtes éliminés, ou que vous avez perdu, il vaut mieux ne pas entrer sur le terrain", avait-il ajouté. On ne le sait que trop bien, la peur n'a jamais fait avancer quiconque. Et pour celles et ceux qui auraient trop souvent tendance à l'oublier, un match de football n'est jamais joué d'avance.

Ce n'est pas bien de jouer avec la peur (ou) avec trop de confiance
Thomas TUCHEL

À proprement parlé, l'idée même d'une nouvelle "remontada" ne repose sur rien de concret. Parce que le PSG d'aujourd'hui est différent de celui qui a affronté Barcelone en mars 2017. À l'inverse de son prédécesseur, Thomas Tuchel fait l'unanimité dans le vestiaire et à l'adhésion totale de son groupe. L'entraîneur allemand, conquérant et toujours positif dans l'adversité, a créé une atmosphère saine dans laquelle les joueurs ont envie de jouer ensemble et de courir les uns pour les autres. Avec lui, le PSG a appris de ses erreurs. Il a mûri dans l'attitude. "C'est dans la défaite qu'on réfléchit. Quand les victoires s'enchaînent, tu ne t'arrêtes pas pour réfléchir", a confié Marquinhos à beIN SPORTS. "Mais quand la défaite arrive, elle te fait très mal mais elle te fait réfléchir. Et surtout grandir. Maintenant, on grandit et on est sur le bon chemin."

Après la performance historique à Old Trafford, les Parisiens se sont ainsi refusés à tout sentiment d'euphorie. Le vestiaire a vibré mais l'effusion de joie, qui avait bercé le club après la démonstration face au Barça, est retombée comme un soufflet. "On a gagné le match aller mais c'est la mi-temps. Pour moi, c'est très important de le dire car il y a beaucoup de personnes qui disent : 'On pense à Barcelone, vous avez gagné 4-0 mais après c'était 6-1'. Et d'autres disent : 'Vous avez gagné 2-0 et en plus, il manque beaucoup de joueurs à Manchester. C'est sûr que vous allez (passer) car vous êtes forts au Parc des Princes'. Il est absolument nécessaire mercredi de trouver le juste milieu entre les deux", a expliqué Tuchel ce week-end à Caen (1-2). "Ce n'est pas bien de jouer avec la peur, mais ce n'est pas bien aussi de jouer avec trop de confiance. (...) Cette chose est arrivée, et cela peut toujours arriver. Gagner puis perdre, c'est le sport, c'est absolument normal. Le défi est de rester calmes et concentrés. On ne peut pas contrôler le résultat mais on peut contrôler notre performance."

FRANCK FIFE / AFP

Le contexte, lui aussi, est différent. En mars 2017, la "remontada" avait infusé les esprits catalans. Après la défaite au Parc, les Barcelonais, Neymar en tête, avaient implanté l'idée que l'impossible était possible. "S'il y a 1% de chance de le faire, on y croit à 99 %", avait-il écrit sur Instagram. Un sentiment renforcé par le fait de jouer le deuxième acte au Camp Nou, devant des socios qui se sont pris à rêver. La machine s'était alors emballé. Luis Suarez, Luis Enrique et même Pep Guardiola en avaient remis une couche assurant que "si une équipe (pouvait) le faire, (c'était) le Barça". Avant même le coup d'envoi du match, Paris était conditionné pour échouer. Les 95 minutes qui ont suivi, la folie catalane, la détresse parisienne et les largesses arbitrales dont le club blaugrana a bénéficié n'ont fait que confirmer l'inévitable. 

D'ailleurs, même si les signaux sont tous au rouge, MU cherche à instiguer le doute en appuyant là où ça fait mal pour faire ressurgir les vieilles blessures parisiennes. "Nous allons sur le terrain du PSG avec confiance, nous n'avons rien à perdre. Nous donnerons tout. Les garçons parlent (de la remontada)", a assuré Ole Gunnar Solskjaer, l'entraîneur des Red Devils. "Nous savons que ce sera un match difficile. Nous allons affronter l'une des meilleures équipes d'Europe, qui a des joueurs de grande qualité. (...) Rien est encore joué. Nous avons vu de beaux retours en Ligue des champions ces dernières années. Par exemple, le PSG en a subi un contre le FC Barcelone. Nous devons en réaliser un à l'extérieur. Mais nous sommes sur une série de huit victoires à l'extérieur, nous sommes confiants quand nous ne jouons pas à domicile."

Sauf le scénario de la double confrontation contre United n'a peu ou prou rien à voir avec celui de la "remontada". En inscrivant deux buts à l'extérieur et en n'en concédant aucun, le PSG va cette fois-ci pouvoir finir le travail devant ses supporters face à une équipe mancunienne amoindrie, qui sera privée de son maître à jouer Paul Pogba (suspendu) et d'Alexis Sanchez, Anthony Martial, Juan Mata, Nemanja Matic, Jesse Lingard, Ander Herrera, Matteo Darmian, Phil Jones et Antonio Valencia (blessés). En phase à élimination directe de la Ligue des champions, toutes les équipes qui se sont retrouvées dans une telle situation se sont qualifiées pour le tour suivant (34/34). Ainsi, avec du sérieux, de l'assurance et un brin de prudence, le PSG sera au rendez-vous des quarts. Et peut-être qu'à l'avenir, on parlera enfin d'autre chose que de "remontada".


Yohan ROBLIN

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