EDITO - Le carton vert du fair-play, l'idée catastrophique de l'UEFA...

Jean Canesse
Publié le 4 septembre 2015 à 19h10
EDITO - Le carton vert du fair-play, l'idée catastrophique de l'UEFA...

FOOTBALL - C'est donc en Serie B (deuxième division italienne) que l'UEFA va lancer le carton vert du fair-play cette saison. Déjà testée en catégorie jeunes, la vignette est censée récompenser un joueur ayant bien agi sur le terrain. Un pas de plus vers l'infantilisation de nos chers footballeurs.

C'est de notoriété publique, le fair-play n'étouffe pas nos amis les footballeurs. Souvent comparé au rugby et son respect réel de l'autorité arbitrale, le monde du ballon rond fait figure de cancre aux yeux de millions d'observateurs. C'est autant de consommateurs potentiels à convaincre d'un changement possible et, pour cela, les instances dirigeantes du foot ont donc pensé à des solutions... bien visibles.

En Serie B, un arbitre aura désormais l'occasion de brandir un carton vert, le bras et le dos bien droits évidemment, afin de récompenser un joueur venant de réaliser un beau geste. La ficelle est un peu grosse mais l'idée demeure maline : transformer un simple acte de fair-play en véritable symbole. Et l'on ne connaît que trop bien, merci notre société de l'image, le poids du symbole sur les mentalités. Les moments lors desquels l'arbitre décerne une vignette de couleur à un joueur font partie des faits marquants d'un match de football, ils font partie de ceux que l'on retient, de ceux que l'on relayent et ce même s'ils n'ont finalement qu'une infime incidence sur le déroulement, le dénouement de la rencontre.

La normalité, c'est la triche

Vous l'aurez compris, le carton vert n'a pas pour but de lutter contre la triche et le mauvais esprit. Il y a des actions bien plus lourdes et profondes à mener pour cela. Non, l'intérêt de l'UEFA dans cette démarche est de soigner l'image de son business en rendant mémorables les beaux gestes. Il n'y a d'ailleurs rien de bien novateur ici puisque la tactique est employée depuis des années par certains commentateurs qui, pour nous convaincre que l'on assiste au match du siècle, peuvent rester bloqués sur la même action pendant toute la rencontre.

Le retour du carton vert (jusqu'en 2004, il était utilisé pour faire entrer les soigneurs sur le terrain) est au contraire un signal catastrophique envoyé à tout le monde, du footballeur professionnel à l'éducateur lambda en passant par le journaliste étiqueteur en herbe : il s'apparente tout bonnement à un abandon de la lutte contre la triche. En décernant une récompense singulière et symbolique au joueur qui a bien agi, l'UEFA reconnaît officiellement que ladite bonne conduite est un acte exceptionnel. Pour mieux comprendre l'incohérence de l'action, imaginez un père ou une mère félicitant sa progéniture pour le simple fait de n'avoir pas commis de bêtise aujourd'hui. C'est un aveu terrible d'impuissance quant à une nécessité de rendre la bonne conduite anodine.

Récompenser un joueur qui n'a pas cherché à mentir à l'arbitre revient à affirmer que la normalité, c'est de détourner les règles. C'est s'abaisser à la bêtise de quelques observateurs persuadés que les fautes (tirages de maillot ou autres croche-pieds) ne sont pas des actes de triche. C'est partager la même gêne que Thierry Henry au moment d'évoquer sa célèbre main sur le ballon contre l'Irlande : un réflexe, oui, de la triche, jamais de la vie ! C'est encore une fois décrédibiliser le rôle de l'arbitre qui doit batailler bien seul contre des mauvais comportements banalisés. Applaudir le fair-play quand tout le monde triche, ça confine au génie non ?


Jean Canesse

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