Entre déclarations tapageuses et provocations sur Twitter, à quoi joue donc Jean-Michel Aulas ?

par Hamza HIZZIR
Publié le 28 février 2016 à 12h02
Entre déclarations tapageuses et provocations sur Twitter, à quoi joue donc Jean-Michel Aulas ?

LIGUE 1 - Jean-Michel Aulas, le président de l'Olympique lyonnais, qui reçoit le Paris Saint-Germain ce dimanche soir, est un homme affable. Peut-être un peu trop, diront certains, agacés par ses innombrables sorties au vitriol. Quelle stratégie de communication se cache donc derrière cette hyperactivité volontiers provocante ?

Un monde sépare l'OL et le PSG, qui s'affrontent ce dimanche soir à l'occasion du choc de la 28e journée de Ligue 1. Il y a, bien sûr, les 34 points d'écart au classement entre l'implacable leader parisien et son dauphin de la saison passée, aujourd'hui 6e. Il y a aussi les budgets annuels des deux clubs : 170 millions d'euros pour Lyon contre 490 millions du côté de la capitale. Mais il y a surtout comme une différence culturelle, entre un club ayant toujours puisé sa richesse en France et un autre ayant intégré des savoir-faire étrangers. Un contraste que l'on retrouve dans la personnalité des deux présidents. Le Qatari Nasser Al-Khelaïfi ne s'exprime qu'au compte-gouttes et ne sort jamais des clous du politiquement correct. Alors que Jean-Michel Aulas, lui, fait tout le contraire.

Le patron de l'OL sort du même sérail que la majorité de ses homologues en Ligue 1 : il a d'abord connu le succès à la tête d'une entreprise française, en l'occurrence CEGID (spécialisée dans les logiciels de gestion et de comptabilité), avant de prendre les rênes d'un club. Ce qui ne l'a pas empêché de développer un style à part, en se construisant un véritable personnage médiatique. Le seul qui se permette d'arroser au napalm les arbitres, le président de l'OM Vincent Labrune, le journal L'Équipe ou parfois même ses propres joueurs. Dans la presse, à la télévision et sur Twitter. Sans que l'on sache où se situe la part de calcul et celle de sa dépendance à l'expression publique.

Loulou Nicollin : "S'il y en a qui s'énervent quand Jean-Michel Aulas parle, ben ce sont des cons !"

"C'est quelqu'un qui a toujours communiqué, explique à metronews Olivier Blanc, le directeur de la communication de l'OL. En fait, il s'intéresse à tout ce qui peut l'aider à comprendre le milieu dans lequel il évolue. C'est pour ça qu'il s'implique professionnellement dans tous les aspects du club, en interne, sur les plans commercial et financier, et en externe, en étant présent dans les instances, à la Ligue, dans le syndicat des présidents de clubs, au niveau européen, dans les commissions de la Fifa. Il connaît les dossiers donc il est légitime à s'exprimer dessus."

À LIRE AUSSI >>  Coupe de France : avant PSG-OL, Jean-Michel Aulas s'agace déjà sur Twitter

D'autres le sont également et ne le font pas autant, ni de cette manière. Patron historique de Montpellier, Loulou Nicollin, autre président de club fort en gueule, qui connaît bien son Jean-Michel Aulas pour être un ardent supporter de l'OL, nous livre ce point de vue : "Ses sorties provocantes, ce n'est rien du tout ! Quand il est dans son bureau et qu'il n'a rien à faire, eh ben il tweete. C'est très bien, ça régale les journalistes, ça régale tout le monde. Il provoque mais il faut le connaître. S'il y en a qui s'énervent quand il parle, ben ce sont des cons ! C'est juste que ça lui plaît de provoquer des réactions. Quand il a quelque chose à dire, il parle. Il peut parler beaucoup mais il faut faire avec. Il faut le prendre avec ses qualités et ses défauts, comme tout le monde."

En clair : il n'y aurait là qu'une intention d'amuser la galerie, rien de plus. Mais prenons des exemples précis. Jeudi dernier, Jean-Michel Aulas tweete que L'Équipe "tente toujours de déstabiliser" l'OL "avant les matchs contre le PSG", qualifiant cette démarche supposée de "stratégie malsaine". De quoi se demander s'il croit lui-même en ses propos. "Ce n'est pas de la paranoïa, répond, catégorique, Olivier Blanc. Il s'étonne que ces informations sortent et il en a marre. Twitter permet de démentir immédiatement. Après, mettez-vous de l'autre côté. Il y a quelque chose de complètement faux qui sort (Rudi Garcia en contact avec l'OL, ndlr). Quand ça arrive plusieurs fois, poser la question, ce n'est pas une accusation, mais ça alimente le débat."

Reste que le président lyonnais accuse directement, en l'occurrence. Un contre-feu évident pour protéger l'actuel entraîneur, Bruno Genesio, de ces atermoiements. "C'est une communication entièrement destinée à protéger l'institution, tout tourne autour de ça, c'est certain, confirme le dir' com'. Après, il prend la parole parce qu'il estime que c'est sa responsabilité de président d'assumer et d'être en première ligne. Occuper le terrain, ce n'est pas forcément le fond, mais l'idée, c'est déjà que c'est à lui d'être présent."

Autre cas de figure : en avril dernier, le PSG et l'OM décident de boycotter Canal+, qu'ils jugent coupable d'avoir diffusé des propos (sanctionnés d'une suspension) tenus par des joueurs dans des couloirs menant aux vestiaires. Une seule voix s'élève alors pour protester contre cette décision, ce qui a provoqué une rude discussion entre Jean-Michel Aulas et Nasser Al-Khelaïfi lors d'un conseil d'administration de la Ligue. "Mais est-ce que ce n'est pas bien de dire ce qu'on pense ? Ce qui doit primer, ce n'est pas de défendre le football professionnel et les partenaires qui contribuent à le faire vivre ? N'est-il pas habilité à donner son point de vue ? Peut-être que ça dérange mais le but qu'il recherche, c'est souvent de faire avancer les choses", le défend encore Olivier Blanc.

EN SAVOIR + >> Jean-Michel Aulas recadré par Nasser Al-Khelaïfi : "Laissez-nous faire avancer le PSG"

Le président lyonnais serait donc un chevalier blanc venu servir la cause du football ? "Je remarque qu'il répond aux interrogations des médias plutôt qu'il ne les suscite. C'est quand même dans ce sens-là que ça marche", souligne le dir' com'. Qui décrypte ainsi le lot de paradoxes que trimballe son patron : "Quand vous débutez quelque part, c'est plus dur de mêler à la fois stratégie et spontanéité. Alors que quand vous avez plus de 25 ans d'expérience, la stratégie devient presque automatique. Il pense que c'est son rôle d'intervenir. La spontanéité vient de là. Il y a des gens qui le voient comme quelqu'un de très froid alors que ce n'est pas que ça. Il y a aussi une part de sensibilité."

Une sensibilité devenue plus perceptible depuis qu'il utilise Twitter et se fend de commentaires à outrance, écrits en langage SMS. "S'il répond aux internautes, c'est parce qu'il apprécie énormément le contact direct, reprend Olivier Blanc. Moi, je suis très souvent avec lui dans les transports en commun ou dans la rue, et c'est pareil. Il se fait régulièrement aborder, y compris par des supporters d'autres équipes, et il discute toujours, parce qu'il trouve ça enrichissant. Après, évidemment, quand il subit des propos déplacés, il ne se gêne pas pour répondre avec une bonne formule. Le principe c'est ça : chez lui, c'est impossible de refuser l'échange."


Hamza HIZZIR

Tout
TF1 Info