Pourquoi une telle crise à l’OM, et le club peut-il s’en sortir ?

par Hamza HIZZIR
Publié le 20 décembre 2018 à 17h52, mis à jour le 21 décembre 2018 à 10h19
Pourquoi une telle crise à l’OM, et le club peut-il s’en sortir ?
Source : Boris HORVAT / AFP

FOOTBALL – Éliminé dès le premier tour de la Ligue Europa et, depuis mercredi soir, dès les 8es de finale de la Coupe de la Ligue, à la peine aussi sur le front de la Ligue 1, l’Olympique de Marseille n’en finit plus de s’enfoncer. Cette chute peut-elle encore être freinée ?

Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas… Et ça veut sans doute encore moins à Marseille qu’ailleurs. L’élimination de l’OM mercredi soir en 8es de finale de la Coupe de la Ligue, à domicile face à Strasbourg, figure en effet un cas d’école du cercle vicieux où la scoumoune alimente la scoumoune : un bon début de match, une main malheureuse du défenseur Amavi dans sa surface, l’ouverture du score des Alsaciens sur penalty, un but de l’égalisation valable mais refusé pour hors-jeu, un penalty pour une faute grossière sur Payet oublié par l’arbitre juste avant la pause, un penalty raté par le même Payet à vingt minutes du terme, une égalisation à dix minutes du terme... Puis une défaite aux tirs au but (2-4).

Le tout dans un stade-Vélodrome désert (8.200 spectateurs, sur une capacité totale de 67.000), dont le maigre public a tout de même grondé et sifflé ses propres joueurs, entraîneurs et dirigeants. Les supporters, du reste, connaissent bien ces périodes de turbulences, qui agitent le club phocéen à intervalles réguliers depuis la fin des années 1990. 

Décryptage de cette crise qui en rappelle d’autres, avec Rolland Courbis, ex-joueur (1971-72) et entraîneur (1997-99) de l’OM, et Benjamin Gavanon, ancien minot du centre de formation et milieu de terrain professionnel du club phocéen (2000-03).

Les adversaires jouent spécifiquement pour faire douter les joueurs de l’OM, parce qu'ils savent que le public peut se retourner contre son équipe.
Benjamin Gavanon

Ce qui rend une crise sportive plus dure à l’OM qu’ailleurs

Benjamin Gavanon

"C’est la passion ! Le club électrise tellement la ville et les supporters que forcément, ça a ses mauvais côtés. Quand tout va bien, comme la saison passée, vous pouvez atteindre le nirvana, parce que c’est fabuleux d’être porté par un public aussi unique, qui n’attend que ce genre d’événements (le parcours jusqu’à la finale de la Ligue Europa, ndlr). Et a contrario, le revers de la médaille, c’est quand la ville pèse de tout son poids sur vos épaules. La magie s’en va, ça rend les choses plus compliquées et vous vous retrouvez dans une spirale négative. La passion des supporters dépasse les limites dans les deux sens. C’est vraiment à double tranchant."

"Moi, non seulement j’ai joué à l’OM, mais ensuite j’ai aussi été adversaire de l’OM. Et quand on va jouer au Vélodrome,  je peux vous dire qu'on sait tous très bien comment un match peut tourner. C’est-à-dire qu’on joue spécifiquement pour arriver à faire douter les joueurs de l’OM, faire durer l’incertitude le plus longtemps possible, justement parce qu’on sait que le public peut se retourner contre son équipe."

Rolland Courbis

"Marseille est un endroit particulier, rempli de gens qui ne vivent que pour leur club. Et puis c’est un endroit où il n’y a pas de juste milieu. C’est-à-dire que le milieu du classement, le ventre mou, ce n’est même pas la peine d’en parler. L’OM, c’est soit les premières places, soit ça dégringole souvent vite juqu’aux dernières. C’est très rare de voir le club classé 8e ou 9e sans que ça dégénère. Et cette saison, pour l’instant, c’est le parcours d’un 8e ou d’un 9e qu’ils sont en train de faire..."

Les similitudes entre la crise actuelle et les précédentes

Benjamin Gavanon

"À mon époque non plus, les résultats n’étaient pas fameux. C’est toujours pareil dans ces cas-là : vous n’arrivez plus à jouer libéré, vous vous sentez épié... C'est très compliqué à vivre. Quand on est sportif, c’est sûr que ce n’est pas là qu’on réalise nos meilleures performances. Et puis il y a les ego... Je me souviens qu’à un moment, il y avait eu pas mal de problèmes parce que les salaires étaient sortis (dans la presse, comme la semaine dernière dans L'Équipe). Ça avait commencé à faire des vagues dans le vestiaire. Et du coup, tous ces bons joueurs, bien payés, deviennent jaloux et un peu plus perso. Ça peut vite mal tourner. Surtout quand tu es jeune, tu manques de recul par rapport à ça."

Il faudrait recruter en janvier mais, de ce que j’entends, il n’y aura pas le budget pour prendre de bons joueurs.
Rolland Courbis

Quels moyens pour s’en sortir ?

Benjamin Gavanon

"C’est une bonne question (rires). Généralement, c’est la solidarité qui permet à l’équipe de se sentir un peu mieux. C’est bête à dire mais chacun va devoir recommencer à jouer pour les autres et mettre de côté son ego, se dire que ce n’est pas bien grave si le coéquipier gagne un peu plus d’argent... Ça passe par des moments comme ça, où il faut jouer la carte du collectif. Parce que, par rapport à la saison dernière, il y a un très gros contraste."

Rolland Courbis

"Plus une situation est compliquée, plus il faut revenir à des choses simples. Rudi (Garcia, le coach actuel) le sait bien... Il ne faut plus faire de compositions d’équipe extravagantes, ou des organisations expérimentales. Non, il faut être clair, net, précis. Revenir aux bases. Après, si on veut établir un diagnostic, à la manière d’un médecin, pour trouver un remède à la crise actuelle, il faut se souvenir de la saison passée. Pour moi, c’était la saison rêvée pour terminer dans les trois premiers et revenir en Ligue des champions. Au lieu de ça, ils sont allés en finale de la Ligue Europa, pour la perdre 3-0 contre le seul gros club qu’ils ont affronté dans la compétition (l'Atlético de Madrid), et ça a pompé l’énergie dont ils auraient eu besoin pour finir 3e de Ligue 1. Donc à choisir, je crois qu’il valait mieux sortir contre Braga ou Bilbao et retourner en Ligue des champions."

"Là, il faut digérer cette saison dernière à 60 matchs, les émotions de la fin, la Coupe du monde, que ce soit ceux qui y sont allés ou ceux qui sont déçus de ne pas avoir été appelés, comme Payet, Sanson ou Luiz Gustavo... Il faut digérer tout ça, et en plus le mercato estival, qui ne porte pas ses fruits. Il y a eu des recrues, mais ce ne sont pas des renforts. Pour le moment, on ne peut que le constater. Personnellement, je suis inquiet depuis cet été et la défaite à Nîmes (3-1 le 20 août, ndlr). Alors il faudrait recruter en janvier mais, de ce que j’entends, il n’y aura pas le budget pour prendre de bons joueurs. À cause de tout ce qui a été dépensé cet été pour Strootman, Radonjic et Caleta-Car, 66 millions d’euros, sans compter les salaires et les charges, la somme fait peur ! Dans un club plus calme, sans grosse pression médiatique, les fêtes auraient pu suffire pour digérer tout ça et repartir du bon pied en 2019. Mais à l’OM... Ce ne sera pas impossible, mais très, très compliqué."


Hamza HIZZIR

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