FOOTBALL – Baptiste Reynet, le gardien de Dijon, a vécu un véritable calvaire mercredi soir à Paris, où son équipe a encaissé huit buts. Une telle débâcle peut-elle créer un traumatisme ? Et comment un portier peut-il s’en remettre ? Éléments de réponse, avec d'anciennes gloires du Championnat.
C’est vieux comme le football : quand une équipe encaisse un but durant un match, la première réflexion d’un enfant, ou d’un profane, sera : "Ben dis donc, il est nul, le gardien." C’est souvent injuste, mais c’est la vocation même de ce poste si particulier, que l’on qualifie, de façon imagée, de "dernier rempart". Baptiste Reynet, le gardien de Dijon, en a carrément pris huit dans la même rencontre, mercredi soir, au Parc des Princes contre le PSG. Et l’on s’est demandé comment un portier pouvait gérer pareille charge dans les heures et les jours qui suivent une telle débâcle.
Neymar au PSG ? Même si je suis gardien et qu'il risque de m'en faire voir de toutes les couleurs, c'est une super news pour la #Ligue1 ⚽️🇧🇷 — Baptiste Reynet (@BaptisteReynet) August 2, 2017
Interrogé par les médias juste après le coup de sifflet final, l’intéressé n’en était pas encore à la mise en perspective : "J’avais honte d’être sur le terrain. Au bout de 30 minutes, il y avait déjà 3-0. Le match m’a paru très long, c’était une éternité. Je n’attendais qu’un truc, c’est que ça s’arrête. Ça arrivait dans tous les sens. On est passé pour des guignols. On aurait pu jouer pendant trois jours, on n’aurait pas marqué mais on en aurait pris cinquante. C’est une très grosse équipe, il n’y a rien à redire, mais il faut avoir un peu de fierté. On a eu ce qu’on méritait. On avait dit dans les médias qu’on venait ici pour les embêter. Au final, les gens doivent bien rire de notre prestation."
On peut dire que j'ai eu du pif pour Neymar et que "tout était possible" 🤦🏻♂️ Merci Twitter de me l'avoir rappelé, tu ne laisses vraiment rien passer !!! Bon sinon, vite passer à autre chose car samedi, ça va être un autre vrai combat 💪🏼 #TeamDFCO 🔴⚫️ pic.twitter.com/tvxWC3XRVf — Baptiste Reynet (@BaptisteReynet) January 18, 2018
Les autres gardiens, eux, ne rient pas. Sollicité par LCI, Jérôme Alonzo, 309 matchs de Ligue 1 au compteur de 1990 à 2010, sous les maillots de l’OM, de Saint-Etienne, du PSG ou de Nantes, souligne même : "Il faut voir qui il y a en face. Baptiste Reynet, s’il avait pris quatre buts contre Troyes ou Metz, il aurait sans doute eu plus de mal à le digérer. Contre un Paris aussi exceptionnel, qu’est-ce que vous voulez faire ? Il n’y a personne qui va se moquer de Dijon aujourd’hui."
C'est un poste de merde
Jérôme Alonzo, ancien gardien du PSG
Autre gardien bien connu des footeux français, Fabien Cool, 467 matchs avec Auxerre de 1992 à 2007, nous a livré ce lapsus aussi révélateur que savoureux : "Une fois, j’ai pris… Enfin, nous avons pris un 7-0 à Lens (en 2006, ndlr)." Un lapsus révélateur de la charge qui pèse sur le seul gardien. "Quand on est gardien, on n’oublie jamais que ce poste est injuste, reprend Alonzo. Si demain Baptiste Reynet arrête deux penalties, vous ne m’appellerez pas pour savoir comment ça fait. C’est un poste de merde. C’est injuste, ingrat, dur, mais on l’a choisi. Et justement, au final, c’est tellement gratifiant de se voir confier les clés du camion. C’est cette idée de responsabilité qui me plaisait depuis gamin."
Pour Cool, "après une défaite aussi lourde, on rumine forcément. Il y a un sentiment de culpabilité, mais aussi de honte. Parce qu’on se demande si le match d’après, on va être capable d’être meilleur"... Alonzo, lui, décrit ainsi cet état de détresse : "Quand on prend huit buts, on souffre dans sa chair. Il y a une notion d’humiliation parce que, dans ces cas-là, toutes les caméras sont braquées sur le gardien. Le sentiment de douleur peut être long, diffus. Mais on ne peut pas parler de traumatisme pour autant."
Je me fais encore chambrer dans les rues d’Auxerre pour ce 7-0 pris à Lens !
Fabien Cool, ancien portier de l'AJA
Car, selon nos deux témoins, il existe des moyens de s’en remettre assez vite. "Le mieux, c’est de rejouer rapidement après, indique Cool. Après ce 7-0, je me souviens qu’on avait fait pas mal de vidéo. On avait encore plus remué le couteau dans la plaie, pour vraiment voir ce qui avait failli. Et puis on s’était beaucoup parlé entre nous. Du coup, je vous assure qu’au match suivant, on était remontés comme des pendules !"
Alonzo se souvient : "Ça peut arriver, après une telle déroute, qu’on en veuille à certains coéquipiers, pour des erreurs de marquage des défenseurs par exemple. Il peut même y avoir des tensions qui naissent ensuite dans un vestiaire. C’est là que le rôle du coach devient important. Il faut désamorcer la bombe immédiatement, par exemple par un ou deux jours de repos. Ça m’est arrivé, après de grosses défaites, d’entendre le coach nous dire :'Allez dégagez, je ne veux plus vous voir !'"
C'est indélébile.
Fabien Cool
On se vide donc la tête, on tente de régler les défaillances collectives par le dialogue, et on avance. Mais on n’oublie pas. "C’est indélébile, affirme en effet Cool. Moi, je me fais encore chambrer dans les rues d’Auxerre pour ce match ! Les supporters et les amis sont aussi marqués que nous. On a beau dire qu’il vaut mieux une fois 8-0 que huit fois 1-0, le 8-0 on le sent plus passer, c’est une certitude !"
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Quant à Alonzo, il relativise ainsi la chose : "Je ne sais pas comment Baptiste Reynet va le vivre. Il y a des mecs super sensibles qui vont mal le prendre, d’autres, très au-dessus de la mêlée, qui vont relativiser ou les mecs très pros, qui vont tout de suite passer à autre chose. Selon les sensibilités, on peut tous le vivre de manières très différentes. On peut même en rire, quand c’est contre une équipe comme Paris. Il a quand même réussi cinq ou six arrêts. Sans lui, Dijon aurait pu prendre un 12-0 !"