COUP DE CHAUD - Défaillances spectaculaires, contre-performances en série, athlètes en colère : c’est peu dire que l'organisation des Mondiaux 2019 d'athlétisme au Qatar a tourné au fiasco. De quoi s’interroger en vue de la Coupe du monde qui s’y tiendra en 2022 ?
Ce n’est pas un pic, encore moins un cap, mais cela a à peu près la superficie d’une péninsule. Même pas celle, en tout cas, de la région Île-de-France. C’est surtout une étuve : au Qatar, où se déroulent actuellement les Mondiaux d’athlétisme, la température peut atteindre 50° C en journée, et plus de 30° C en soirée, avec un taux d’humidité constant de 75%.
Résultat : une avalanche d’abondons, de malaises, et des athlètes contraints, comme le marcheur français Yohann Diniz, de s’entraîner... dans les couloirs de leur hôtel ("Même le tapis roulant était en panne !"). Un tel fiasco est-il à craindre pour la Coupe du monde de football, plus grand événement sportif planétaire, qui se tiendra dans le petit émirat du Moyen-Orient en 2022 ?
Sans doute pas, car si la Fifa (Fédération internationale des associations de football) a pris les devants et le risque de chambouler tous les calendriers des clubs européens en décalant sa lucrative grand-messe mondiale en automne-hiver (21 novembre-18 décembre) pour la première fois de la riche histoire de la compétition, c’est précisément pour éviter ces températures rédhibitoires. À cette période de l’année, au Qatar, les jours ne durent plus que dix heures et demie, tandis que le mercure oscille, en journée, entre 25 et 30° C.
Tribunes dépeuplées
En outre, les malaises et les abandons record tout récemment constatés durant les épreuves d’athlétisme concernaient seulement celles se déroulant à l’extérieur des stades, à savoir les marathons et les 50 km marche. Un problème qui ne se posera pas pour les matchs de football, qui se tiendront tous dans des enceintes semi couvertes et climatisées, comme le stade Khalifa, où s’est tenu l’essentiel des épreuves d’athlétismes, et ses 3000 bouches d’aération, maintenant la température à 25° C, quoi qu'il arrive. Même les fans-zones et les centres d’entraînement seront, du reste, tous climatisés.
La chaleur n’a toutefois pas été le seul problème pointé durant ces Mondiaux. "Mon opinion ? Vous voulez rentrer là-dedans ? On voit tous que c'est une catastrophe, même si personne ne le dit. Il n’y a personne dans les tribunes, c’est triste. On n'a pas mis les athlètes en avant en organisant les Championnats ici, on les a mis en difficulté. Ça, c’est sûr", a, par exemple, tempêté le décathlonien français Kevin Mayer. Et si le public du football reste généralement plus nombreux que celui de l’athlétisme, cette inquiétude-là, de voir des tribunes dépeuplées lors d'une Coupe du monde, apparaît plus légitime.
Le pack de bières à 92 euros
Nombre de spectateur s’interrogent en effet sur un aspect trivial mais fondamental à l’échelle de l’économie d’une Coupe du monde : quid de la consommation d’alcool, celle-ci étant très largement (et sévèrement) proscrite au Qatar ? "Ce qui peut paraître acceptable pour un supporter anglais ne le sera pas pour nous. Nous attendons des supporters du monde entier qu'ils respectent également nos coutumes et traditions", a déjà prévenu, au détour d’un entretien accordé au Guardian, Nasser El-Khater, responsable de l’organisation de l’événement.
Hasard ou coïncidence : le 1er janvier dernier, une taxe faisant doubler le prix de l’alcool a été promulguée dans le pays. En dehors des hôtels de luxe où la pinte se vend une grosse dizaine d'euros, un pack de 24 bières y coûte désormais... 92 euros. Les habituels réseaux de prostitution gravitant autour du tournoi seront, par ailleurs, totalement réprimés, ce qui pourrait aussi convaincre certains supporters de ne pas faire le voyage.
Enfin, concernant l’épineuse question (sur place) de l’homosexualité, interdite par la loi qatarie, Nasser El-Khater s’est voulu rassurant, affirmant que "quel que soit leur genre, leur orientation (sexuelle), leur religion ou leur race, tous les fans seront les bienvenus ici"... Avant, tout de même, de préciser que "les manifestations publiques d’affection seront désapprouvées".