Centenaire de l'armistice : Augustin Trébuchon, dernier tué de la Grande Guerre ? La fin du "dogme" à la faveur d'Auguste Renault

Publié le 11 novembre 2018 à 17h01, mis à jour le 11 novembre 2018 à 17h07
Centenaire de l'armistice : Augustin Trébuchon, dernier tué de la Grande Guerre ? La fin du "dogme" à la faveur d'Auguste Renault
Source : FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

HISTOIRE - Il aura fallu près d'un siècle pour mettre au jour la mort d’un soldat originaire des Côtes-d’Armor survenue le 11 novembre 1918, deux minutes avant la fin de la tuerie. Une découverte aussi fortuite qu’inattendue alors qu'un Lozérien, avait toujours été présenté comme le der des der.

Un document très complet, une date qui saute aux yeux, des recherches complémentaires qui s’en suivent naturellement. De sa découverte, aussi fortuite qu’inattendue un siècle après la fin de la Grande Guerre, René Richard, de l'association Bretagne 14-18, ne tire aucune gloire. "Nous avons plus important à faire que de rechercher le dernier mort au combat", ironise-t-il, avant d’ajouter comme pour devancer d’éventuels soupçons de chauvinisme. "Et il n’y avait aucune volonté de mettre en avant un Breton. Je trouve d’ailleurs tout à fait mal venu que de se vanter d’avoir eu le dernier tué. Cette découverte est arrivée par hasard." Il nous raconte comment. 

En 2016, l’association de recherches et d’études historiques sur la vie des Bretons dans la Grande Guerre épluche les notices communales des instituteurs du département anciennement appelé Côtes-du-Nord, quand le spécialiste de la Grande Guerre exhume un document qui retient son attention. "Une rubrique indiquait qu’un certain Auguste Joseph Renault originaire de Saint-Trimoël dans les Côtes-d’Armor était mort le 11 novembre 1918. Comme nous sommes des esprits un peu curieux, nous sommes allés voir sa fiche matricule pour découvrir avec effarement qu’elle portait cette heure de 10h58." 

Et l’historien qui "ne croit pas au hasard" de souligner : "J’en ai ouvert des milliers des fiches matricules, mais je n’ai jamais vu l’heure consignée dessus." D’emblée, ce dernier comprend la portée de l'information. "On s’est pincé un peu en se disant ‘c’est une blague’. J’étais moi-même coincé sur le dogme Trébuchon", précise-t-il.  Ce Lozérien mort au combat, à Vrigne-Meuse dans les Ardennes, entre 10h45 et 10h55 le 11 novembre 1918, a depuis toujours "la triste gloire d’être le dernier tué de la Grande Guerre", comme en témoignent les livres d’histoire et les nombreux articles sur la toile. C'est d'ailleurs au matricule 13002, foudroyé d'une balle en pleine tête il y a un siècle, qu'Édouard Philippe rend hommage ce vendredi en Lozère.

Tué par un obus français ?

Si la découverte de Bretagne 14-18 n’a pas connu de réel écho à l’époque, elle n’a pas non plus laissé la communauté historienne indifférente. "On arrive avec notre Auguste comme avec nos gros sabots bretons, on a embêté tout le monde avec ça", se souvient René Richard. Et pour cause." D’après les témoignages, ce brave gars serait probablement mort tué par un obus français après une ultime offensive qui n’avait pas lieu d’être." Et l'historien, qui a pu consulter les récits des survivants du 411e RI, de planter le décor. "Ce fameux 11 novembre, l’infanterie divisionnaire demande d’avancer en Belgique pour aller le plus loin possible et, apparemment, on n’avertit pas l’artillerie qui tire ses derniers obus. Ils ont vidé leur caissons en somme." 

Selon lui, ce sont les circonstances de cette mort "peu glorieuse", qui expliqueraient qu’Augustin Trébuchon soit encore aujourd’hui souvent présenté comme le dernier poilu mort au combat. Ce dernier demeure, en tout état de cause, le dernier soldat français tué sur le territoire national avant l’armistice, bien que la date de son décès ait été antidatée au 10 novembre comme pour tous ses compagnons d'infortune tués le 11 novembre. "Si Auguste Renault était mort héroïquement sur le sol français tué par un obus allemand, il aurait sans doute eu toute la gloire". Et René Richard de souligner que "le nombre de soldats français tués par des obus de leur propre artillerie pendant la guerre s’élève à des dizaines de milliers."

Des lycéens belges à l'origine de ce rebondissment

Aussi peu attendu soit ce rebondissement, cent ans après la fin de la grande tuerie, il demeure pourtant difficilement contestable, acte de décès mentionnant l’heure et fiche matricule à l’appui. D’ailleurs, quand René Richard a mis le doigt sur cette information, il ignorait que des lycéens belges l’avaient corroborée peu de temps avant lui. "Je ne suis pas le découvreur", insiste-t-il. "Ces petits Belges et leur professeur d’histoire-géo ont fait un travail remarquable en partie à partir des données  de la nécropole militaire de Dinant en Belgique", salue-t-il. C’est ici que repose Auguste Joseph Renault, né le 6 décembre 1897.

Ce 11 novembre 2018, Saint-Trimoël, près de Lamballe, saluera la mémoire de ses combattants dont le 1re classe Renault. Avant 1914, la commune comptait près de 600 habitants, dont 128 furent mobilisés pendant la Grande Guerre et 33 n'en revinrent jamais. Il aura donc fallu attendre le centenaire de l’armistice pour qu'un nom au milieu de tous les autres sur le monument aux morts perde son anonymat et prenne une autre place dans l’Histoire. 


Audrey LE GUELLEC

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