Batteries, prix des voitures... en quoi Tesla a frappé un grand coup ?

par Cédric INGRAND
Publié le 23 septembre 2020 à 22h19
Des propriétaires de Tesla venus assister au "Battery Day" du constructeur, à l'abri dans leur voiture, Covid-19 oblige.
Des propriétaires de Tesla venus assister au "Battery Day" du constructeur, à l'abri dans leur voiture, Covid-19 oblige. - Source : Tesla

ZOOM - En 90 minutes de conférence, Tesla a affiché un grand bond en avant dans l'efficacité et le coût de ses futures batteries, réglant au passage de véritables problèmes sur la provenance des métaux qu'elles utilisent. Le Californien semble aujourd’hui irrattrapable.

Chez les technologistes, la maxime est connue : si les batteries avaient vu leurs technologies s'améliorer au même rythme que celles des microprocesseurs, alors nous aurions aujourd'hui des voitures électriques dont la batterie coûterait un euro, tiendrait dans la boîte à gants, et nous offrirait 10000 km d'autonomie entre chaque charge.

 Or, il n'en n'est rien. Pour stratégiques qu'elles soient devenues dans le digital, le transport, et l'énergie demain, les batteries sont d'abord une affaire de chimie, des technologies qui, d'ordinaire, avancent lentement. De quoi voir dans les annonces d'Elon Musk, le patron de Tesla, comme un hold-up sur une technologie-clé qui, un jour en tout cas, fera date dans l'histoire de l'entreprise. 

Un "Battery Day" attendu depuis près d'un an

Cela faisait près d'un an que l'on attendait ce jour plusieurs fois repoussé, l'événement que Tesla avait baptisé Battery Day, une présentation centrée sur l'état de l'art du travail du constructeur sur les batteries, presque le nerf de la guerre quand on parle de véhicules électriques, dont la batterie peut représenter 20 à 40% du prix, selon les modèles. Et c'est bien sur cet aspect-là qu’Elon Musk s’est concentré. “Il est temps d’en finir avec cette expérimentation climatique”, explique-t-il en ouverture, parlant des gaz à effets de serre, “mais pour cela il nous faut une voiture électrique vraiment abordable, et ça on n’y est pas encore.” Pas encore, mais pas si loin, si l’on en croit le patron de Tesla. Sa promesse : pouvoir dans les deux ans à venir diviser de moitié le  prix des batteries.

Elon Musk (à droite) présente le format des futures batteries de Tesla, lors du Battery Day du 22 Septembre 2020, en Californie
Elon Musk (à droite) présente le format des futures batteries de Tesla, lors du Battery Day du 22 Septembre 2020, en Californie - Tesla

Pour ce faire, c’est tout qui doit changer : du format des batteries aux matériaux utilisés, jusqu’aux procédés de fabrication. Côté format, chaque cellule qui constitue la batterie sera plus volumineuse (voir photo ci-dessus), mais aussi plus dense en énergie. De quoi gagner en poids et en volume dans les voitures, sans compromis sur l’autonomie, bien au contraire, le seul changement de format permettrait à lui seul de gagner 16% d’autonomie. De quoi ajouter une centaine de kilomètres entre chaque charge, pour les Tesla les mieux dotées à ce jour.

En finir avec le Cobalt, et ouvrir sa propre mine de Lithium

Sur les matériaux, sans rentrer dans un cours qui vous rappellerait la Physique-Chimie au lycée, une batterie, c’est une anode et une cathode, qui nécessitent des métaux choisis pour leur conductivité, pour leur prix aussi, mais ce ne sont pas les seuls enjeux. Parmi les métaux les plus largement utilisés, le Cobalt a beaucoup fait parler de lui, extrait de mines dont le Congo a le quasi-monopole dans des conditions souvent dénoncées. Solution, pour Elon Musk : passer à l’après-Cobalt, qui sera remplacé par du Nickel, dont personne n’a le monopole et présent sur tous les continents.

Pour le Lithium, également très présent dans ses batteries, Tesla a une solution plus radicale encore : ouvrir sa propre mine, localement, dans le désert du Nevada s dont la terre contiendrait assez de lithium “pour faire passer à l’électrique l’intégralité du parc automobile américain”. Une stratégie logique pour Tesla. Depuis ses débuts, le constructeur est un forcené de l'intégration verticale. Il veut en clair contrôler tous les maillons de la chaîne de ses produits, des moteurs aux batteries à la fabrication du véhicule lui-même jusqu’à la vente au client final, Tesla n’ayant pas de concessionnaires, mais des stores donc il est seul propriétaire. En ajoutant les mines de lithium à la chaîne de fabrication qu'il contrôle aujourd'hui, Tesla s’assure qu'il aura toujours assez de matériaux de base pour suivre le rythme de la production des batteries donc il aura besoin.

Objectif : une berline électrique à 25.000 dollars dans trois ans

Au final, les nouvelles batteries profiteraient d'une réduction de leur coût kilowatt-heure de 56 %, et pour les voitures qui les utiliseront, c'est une augmentation de leur autonomie de l'ordre de 54 %. qui est promise. De quoi permettre à Elon Musk de promettre pour les 3 ans à venir, l'arrivée d'une voiture à 25000 dollars, un véhicule qui pour le prix saurait être entièrement autonome. Pour ce faire, il faudra aussi accélérer de manière notable la quantité de batteries produites. Et ça tombe bien, c'est aussi ce que permettent les nouvelles technologies dévoilées mardi, qui permettront à Tesla de construire des usines de batteries pour le tiers du prix environ qu’elles lui coûtent aujourd'hui.

Le futur du moteur thermique ressemblera probablement à celui du moteur à vapeur aujourd'hui, il en existe bien encore quelques-uns, mais uniquement comme des machines de collection.
Elon Musk, PDG de Tesla

Pour ne plus dépendre de mines au Chili, Tesla s'invente un "circuit court" du Lithium, en ouvrant sa propre mine dans le désert du Nevada
Pour ne plus dépendre de mines au Chili, Tesla s'invente un "circuit court" du Lithium, en ouvrant sa propre mine dans le désert du Nevada - Tesla

En comparaison, les autres géants de l'automobile font, disons-le, un peu pâle figure, eux qui doivent se fournir en batteries et même parfois en moteurs électriques auprès de sous-traitants, quand ces deux technologies sont l’essentiel d’une voiture électrique. Des géants qui ont surtout toute leur transition vers l’après-thermique à gérer en parallèle. Des voitures qui seront bientôt plus coûteuses qu'une électrique, tant à l'achat qu'à l'usage. De quoi faire sourire le fondateur de Tesla, quand on lui demande quel avenir dans ces conditions il peut rester aux voitures traditionnelles. Pour lui, "le futur du moteur thermique ressemblera probablement à celui du moteur à vapeur aujourd'hui, il en existe bien encore quelques-uns, mais uniquement comme des machines de collection.

Difficile de dire combien d’avance ce que Tesla vient de dévoiler lui donne sur ses compétiteurs. Mais la maîtrise des technologies clés de la voiture électrique expliquent en grande partie pourquoi Tesla vaut aujourd'hui en Bourse plus que la somme de tous les autres grands constructeurs automobiles. Après la fin de la conférence, Wall Street n'a d'ailleurs pas tardé à réagir, affichant sur le titre Tesla une baisse de 6 %, surprenante de prime abord. En fait, selon les analystes, la seule chose qui ait déçu les investisseurs dans les annonces d’Elon Musk, c'est que toutes ces nouvelles technologies n'arriveront pas dans des voitures prêtes à être commercialisées avant deux ans, au moins.


Cédric INGRAND

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