Facebook, Google, adresse mail... Que deviennent nos données personnelles après la mort ?

par Mélinda DAVAN-SOULAS
Publié le 31 octobre 2019 à 17h38, mis à jour le 4 novembre 2019 à 11h37

Source : JT 20h WE

AU-DELÀ - Il pourrait y avoir bientôt plus de morts que de vivants sur Facebook. La faute à une vie numérique qui tourne souvent à l’éternité. A l’occasion de la Toussaint, LCI se penche sur notre mort en ligne et la manière de gérer la fin de vie 3.0. Depuis 2016, une loi définit les différentes modalités d’exercice du droit à la mort numérique. Doit-on anticiper et prendre des dispositions comme dans la vie réelle ?

S’il y a une vie numérique parallèle à votre vie réelle, il y a évidemment une mort tout aussi numérique à envisager par la suite. Car si les écrits sur internet restent, quid de votre héritage en ligne, de vos réseaux sociaux, de votre présence digitale ? Rien de plus difficile que de voir resurgir une photo, un message - souvent sous forme de spam - d’un être cher disparu. 

C’est le pendant de la désormais omniprésence numérique. Ou, devrait-on dire, de l’immortalité numérique que l’on fabrique. On poste des photos partout, crée des profils à tire-larigot, laisse une empreinte de notre passage sur terre bien plus réelle qu’on ne le croit. Mais pense-t-on à tous ceux qui nous survivront et qui vont continuer à nous voir hanter leur vie numérique, parfois juste par le biais d’une adresse mail utilisée pour spammer ou d’un compte Facebook "suggéré comme ami" ?

Comme dans la vie de tous les jours, ce n’est pas l’aspect le plus simple à évoquer, et pourtant, la mort numérique peut s’anticiper et se préparer tout aussi bien que la mort terrestre. Car tout est une question de données personnelles à gérer pour ne pas qu’elles tombent dans de mauvaises mains.

Comme l’explique Me Ariane Vennin, avoir un compte mail ou sur un réseau sur Internet s’apparente à des droits personnels, “droit au respect de la vie privée, (...) droit au secret des correspondances et droit à l’image. Ces données étant, par nature, strictement personnelles, les membres de la famille ou amis ne peuvent y avoir accès”, explique l’avocate, rappelant une décision du Conseil d’Etat de juin 2016. Cependant, toute personne peut organiser, de son vivant, les conditions de conservation et de communication de ses données personnelles après son décès.

La loi pour une République numérique n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 prévoit, pour raisons successorales, des droits d’accès et de suppression des comptes du défunt sur les réseaux sociaux par les héritiers. L’article 63 de la loi définit les modalités d’exercices du droit à la mort numérique.

Google

La plateforme dispose d’un formulaire pour signaler le décès d’un internaute et faire supprimer son compte. Elle a l’avantage d’unifier les dispositions de suppression des données personnelles pour l’ensemble de ses services, après une période d’inactivité (de 3 à 18 mois).

Il est aussi possible, de son vivant, de désigner un Gestionnaire de compte inactif qui, après un certain temps d’inactivité, pourra accéder à tout ou partie de vos données personnelles sur les différents services après en avoir été notifié. Mais Google offre aussi la possibilité de supprimer tout simplement son compte inactif.

Google
Google - Google

Réseaux sociaux

Depuis 2016, les réseaux sociaux ont pour consigne de proposer des procédures pour signaler et/ou gérer les profils en cas de décès du titulaire. Fin 2017, on estimait que trois utilisateurs de Facebook décédaient chaque minute et laissaient ainsi un profil “fantôme”, figé pour l’éternité et pour les proches, avec toujours la possibilité de l’alimenter en y partageant des contenus avec le défunt, maintenu ainsi en vie. Faut-il faire disparaître l’utilisateur après sa mort physique ? La question fait souvent débat au sein même des familles. 

> Facebook

Facebook a trouvé la parade en proposant de basculer en profil “En souvenir de” et en permettant de désigner ses légataires de son vivant pour gérer la page. Il faut avoir plus de 18 ans pour désigner ses légataires. Depuis 2015, ceux-ci sont informés par mail des pouvoirs qui leur sont conférés par un ami ou proche. Ils pourront animer une section dédiée aux hommages une fois la personne décédée, mais ne pourront pas lire les anciens messages ou se connecter réellement au compte. Selon le programme ENEID Eternités numériques, qui s’intéresse aux identités numériques post mortem et aux usages mémoriaux sur le web, un quart des pages Facebook concernées serait modifié par des proches après la mort de l’utilisateur.

Dès 2008, Facebook avait pris des mesures pour que les familles puissent déclarer un décès, document officiel à l’appui. Cela permettait de faire supprimer un profil ou d’y avoir accès.

> Instagram

Filiale de Facebook, le réseau de partage de photos permet également de rendre hommage à un utilisateur, de signaler son décès via un formulaire (en anglais). Pour supprimer un compte, il faut prouver le lien de parenté avec le défunt et remplir la demande.

> Twitter

Le réseau social ne fournit pas les informations de connexion du compte, quel que soit le lien de parenté avec le défunt. Mais il est, en revanche, possible de signaler un utilisateur décédé et de demander la suppression du compte via un formulaire. Twitter demande pour cela une copie de la pièce d’identité du demandeur et une copie du certificat de décès.

Que faire légalement ?

Il est possible de laisser des instructions à un notaire comme pour n’importe quelles dispositions testamentaires, désigner un tiers de confiance qui va faire office de légataire et aura accès aux informations de connexion (mail, identifiant, mot de passe…). Mais sachez que les démarches restent complexes pour récupérer le compte d’un proche. La loi sur le droit à l’oubli, par exemple,ne concerne que l’utilisateur de son vivant et ne prévoit aucune disposition post mortem pour le moment.

La Cnil s’est emparée du sujet dès 2014. La loi Informatique et Liberté prévoit que les héritiers justifiant leur identité peuvent demander au responsable d’un fichier de tenir compte du décès d’une personne et de procéder à l’actualisation de ses données. Mais sans les dernières volontés numériques de la personne, il n’est pas possible d’en obtenir d’autorité l’effacement. Si vous vous sentez lésé par la décision, les tribunaux peuvent être saisis pour préjudice.

Le plus difficile à récupérer reste souvent une adresse email. Il y aurait ainsi plus d’un million de comptes mails de personnes décédées en France. Des startups comme iPortego permettent de contrôler l’identité numérique et les données personnelles du défunt. Elles gèrent les démarches pour clôturer les comptes et boîtes mail, mais aussi l’e-réputation de la personne décédée.

Grandwill, entreprise française, propose par ailleurs un coffre-fort numérique contenant les données personnelles (identifiants, mots de passe, photos, etc.) et administratives qui pourront être transmises à un tiers à sa mort. Il suffit de définir des “anges gardiens” à l’ouverture du compte.


Mélinda DAVAN-SOULAS

Tout
TF1 Info