Google prêt à lancer une version censurée de son moteur de recherche pour séduire la Chine ?

par Mathilde ROCHE
Publié le 3 août 2018 à 18h55

Source : Sujet JT LCI

POLÉMIQUE - Après huit ans d'interruption, Google testerait actuellement une version censurée de son moteur de recherche pour valider son retour en Chine. Au grand dam de militants des droits de l'homme.

"Dragonfly"("Libellule") : selon The Intercept, il s'agirait du nom de code d'un projet en cours chez Google pour s'installer à nouveau en Chine. Le géant du web serait en effet prêt à adapter son moteur de recherche aux exigences de censure de Pékin. 

Cela fait huit ans que Google s’est retiré du pays, excédé par la censure du gouvernement et les cyberattaques dont le groupe était victime. Il avait alors fini par renoncer à son moteur de recherche et cessé ses activités sur place. Depuis, la majorité de ses services sont bloqués dans la deuxième économie mondiale. Et le marché gigantesque représenté par les 730 millions d’internautes chinois a vraisemblablement manqué à Sundar Pichai, PDG de Google depuis 2015.

Mots interdits

D’après The Intercept, le nouveau moteur de recherche sur mesure serait d’abord destiné à une utilisation sur smartphone, via le système d'exploitation Android. Pour se plier aux restrictions, des termes comme "droits de l'homme", "démocratie", "religion" et "manifestations" seront sur une liste noire, bloquant les résultats correspondants. 

L’application identifiera également et filtrera les sites internet bannis par les autorités communistes, y compris des plateformes comme l’encyclopédie en ligne Wikipédia. Et si Google se calque sur la censure actuellement mise en place sur l’internet chinois, même les recherches universitaires, certaines requêtes sur l’Histoire ou encore les contenus ayant un lien avec le sexe seront inatteignables.

Le lancement suspendu à l’approbation du gouvernement chinois

Si Google n'a rien confirmé officiellement, plusieurs sources internes à l'entreprise, contactées par la presse américaine puis l’AFP, ont confirmé anonymement les documents sortis par The Intercept. Le projet serait ainsi en cours depuis le printemps 2017, et se serait accéléré après une réunion en décembre dernier entre Sundar Pichai et un haut responsable chinois. Son avancée dépendrait désormais du gouvernement chinois. Une démonstration de l’application a déjà été faite aux autorités et, sous couvert de leur approbation, la version finalisée pourrait être lancée dans les six à neuf mois prochains.

Le code source de "Libellule"peut apparemment déjà être consulté et testé sur le réseau informatique interne de Google, selon une employée. Les programmeurs du projet auraient notamment créé une application Android personnalisée, dont les différentes versions ont été nommées "Maotai" et "Longfei".  

Un projet source de conflit en interne

Ce retour en Chine s'inscrit dans une certaine continuité pour Google. Pékin a ainsi autorisé l'an dernier l'accès à l'application Google Translate pour mobile, et la firme de Moutainwiew a annoncé cet hiver l'ouverture d'un centre de recherche sur l'intelligence artificielle dans la capitale. Un revirement jugé trop opportuniste par certains, et que nombre de militants des droits de l’homme n’approuvent pas. Amnesty International a notamment appelé le géant du web à ne pas accepter de tels compromis. "Ce serait un jour noir pour la liberté du web si Google se soumettait aux règles extrêmes de la censure chinoise pour accéder à un marché" et "plaçait les profits devant les droits de l'homme", a prévenu Patrick Poon, chercheur de l'ONG. 

Mais le malaise des employés pourrait compliquer la mise en place de ce projet controversé. La nouvelle sortie dans la presse “a suscité pas mal d'angoisse en interne.” a confié une collaboratrice à l’AFP. Elle a ajouté que “certains sont furieux de ce qu'on est en train de faire". Récemment, une pétition demandant à Google de ne pas conclure un contrat avec l'armée américaine avait réuni plus de 4.000 signatures de salariés, faisant plier la direction et annulant le projet. 


Mathilde ROCHE

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