Paul Duan : les algorithmes au service du bien commun

par Sylvia AMICONE
Publié le 25 septembre 2020 à 9h54
Paul Duan
Paul Duan - Source : DR

IMPACT POSITIF - Paul Duan n’a que 27 ans et son parcours est précoce et fulgurant. A la tête de son ONG Bayes Impact qu’il a créée dans la Silicon Valley, il vient de lever plus de deux millions d’euros avec son équipe afin de s'internationaliser. Retour sur son parcours et ses projets.

Paul Duan vient d’un foyer modeste. Mais il a réussi à prendre l’ascenseur en marche, celui qui fonctionne toujours en France pour les élèves brillants. Grâce à ses parents, à ses rencontres, il réalise un très beau parcours scolaire : après Sciences Po et une licence en mathématiques, Paul Duan part à l’Université de Berkeley aux Etats-Unis, il devient l’un des premiers data scientist chez EventBrite, il a 19 ans.

Loin de s’installer dans le poste, il pivote et est tenté par la création d’entreprise, mais pas n’importe quelle entreprise. Ce qui intéresse Paul Duan, ce sont les entreprises à impact. Ce qui le motive plus que tout, c’est de mettre son savoir au service du bien commun, afin de toucher le plus grand nombre. 

Sans le savoir, Paul est en train de faire de la "Tech For Good", le terme est très peu utilisé à l’époque. "Aujourd’hui, il est devenu éculé, presque un terme marketing !", dit-il. Dans la Silicon Valley, et dans ce monde de start-ups où tout tourne autour de l’argent, Paul détonne. Lui, l’argent ne l’intéresse pas trop, c’est l’impact qu’il recherche à travers les solutions digitales qu’il va déployer : une plateforme pour faire la transparence sur les violences policières dans l’Etat de Californie, son application existe encore aujourd’hui. Le concept est très novateur et les challenges commencent à le titiller. 

Il décide de s’attaquer au fléau de ces dernières décennies : le chômage. Comment être plus efficace ? Comment accompagner les chercheurs d’emploi en parallèle de leurs démarches officielles ? Et toujours cette question du sens, de l’utilité de son travail. Aux Etats-Unis, son entourage trouve sa démarche étrange, pourquoi s’attaquer au chômage ? A l’époque, il n’y en a pas vraiment et puis si quelqu’un est au chômage, c’est parce qu’il n’est pas assez autonome, entend-t-il ! Le jeune entrepreneur décide de rentrer en France où il intrigue. Il fait notamment la Une du magazine Society et un documentaire lui est consacré. 

C’est en France qu’il développera "Bob", en collaboration avec Pôle Emploi, une intelligence artificielle qui a réussi à accompagner plus de 250.000 demandeurs d’emploi et qui a montré son utilité au plus fort de la crise du coronavirus. "Bob" personnalise les conseils, informe et tente d’améliorer l’employabilité de la personne. 40% des bénéficiaires qui ont retrouvé un emploi dans les trois mois après avoir utilisé le service estiment que "Bob" les y a aidés. Les demandes de collaboration avec Bayes Impact affluent de pays qui n’avaient pas ou peu connu jusqu’alors les problèmes du chômage de masse. Et pour ceux qui les connaissent déjà  la situation s’est dégradée. En Belgique où le demandeur d’emploi peut attendre jusqu’à quatre mois pour avoir un rendez-vous, "Bob" peut intervenir en complément du service public.

Plus globalement, c’est en France aussi que Paul Duan va théoriser son grand projet et le faire connaître : créer un service public citoyen, une nouvelle génération de service public grâce à la technologie capable de générer de l’impact à grande échelle. Surtout, créer un mouvement, fédérer.  Les débuts n’ont pas été simples de ce côté de l’Atlantique non plus : "Trop vertueux pour les modèles capitalistes et trop ovni pour bénéficier du soutien des institutions à l’époque", se souvient-il quand il repense à ses premiers pas.  Mais les temps ont changé.

Paul Duan pourrait crâner, mais sa démarche est humble et le quotidien n’est pas facile. Pour le jeune entrepreneur social, primé par Forbes et par Ashoka, il faut avoir une vraie sincérité dans son engagement car faire de l’impact, c’est deux fois plus difficile que de faire de l’argent, avoue-t-il. "Tu as à la fois besoin de faire un projet qui marche, qui est capable de passer à l’échelle et en même temps d’avoir un modèle qui est vertueux. Dans tout cela, il faut se constituer une équipe, avoir les reins solides et ne pas avoir peur d’être ambitieux !", conseille-t-il. 

Crise du coronavirus oblige, la jeune équipe de Bayes Impact a également planché sur un moyen de pouvoir déclarer au plus vite ses "cas contacts" dès l’apparition des symptômes. Partant du constat d’échec de l’application StopCovid, ils ont développé Briserlachaîne.org, qui permet en un seul clic de prévenir tous ses contacts à partir de son propre téléphone, aucune donnée ne transite, il n’y a pas de géolocalisation. 

Une alternative au "contact tracing" qui n’a pas convaincu les Français. La technologie est opensource, gratuite et disponible pour tous. Plusieurs milliers de personnes l’utilisent déjà.


Sylvia AMICONE

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