Salon CEATEC de Tokyo : pour reprendre la main, les géants japonais du high-tech misent sur notre futur connecté

Cédric Ingrand, envoyé spécial à Tokyo (Japon)
Publié le 15 octobre 2018 à 11h37
Salon CEATEC de Tokyo : pour reprendre la main, les géants japonais du high-tech misent sur notre futur connecté
Source : Wikimedia

RENAISSANCE - Après dix années noires où le Japon a perdu son leadership face à la Corée et à la Chine, ses géants du high-tech se réinventent. Au salon CEATEC qui s’ouvre ce mardi à Tokyo, on ne mise plus sur la télé ou le mobile. Place désormais aux capteurs, à l’intelligence artificielle et à une vision globale de la vie connectée.

Il faut avoir connu la folie des années 80 pour comprendre à quel point la chute a été brutale, vertigineuse. Sony, Panasonic, Sharp, Hitachi, Pioneer, Toshiba, JVC et Mitsubishi ne sont pas juste des marques, ils étaient les emblèmes d’une nation, les géants qui dévoilaient les technologies de demain et définissaient la tendance, le design et les produits. Du walkman à l’écran plasma, du Trinitron à la photo numérique, pendant près de trente ans, ils ont tout inventé ou presque.

Les chutes les plus brutales touchent les secteurs où ils avaient collectivement peu de concurrence, comme les téléviseurs. Une domination mise à mal désormais par les frères ennemis coréens, Samsung et LG, qui ont tout d'abord gagné des parts de marché en cassant les prix -face à des Japonais qui jouaient la carte du premium- puis scellé leur domination en innovant à leur tour. Exactement la stratégie que déploient désormais les marques chinoises face aux géants coréens, mais c’est une autre histoire. 

Aujourd’hui, les écrans de Sharp appartiennent au Taïwanais Foxconn, Sony a été contraint de s’allier à Samsung pour ne pas abandonner son activité dans les téléviseurs, Sanyo a presque disparu et le high-tech nippon a collectivement raté le virage du smartphone. Il y a dix ans, dans les rues de Tokyo, on ne voyait que des keitai, des mobiles japonais, smartphones avant l’heure. Aujourd’hui, comme partout ailleurs, Apple, Samsung et les marques chinoises se partagent le marché.

Quant au marché du PC nippon, où les portables de Toshiba, Sony ou Panasonic ont rivalisé d’innovations pendant vingt ans, il s’est comme évaporé face à la concurrence chinoise. Autant de révolutions vécues ici comme une tragédie et un affront à un pays dont les marques étaient le porte-drapeau.

Les capteurs, fers de lance d'une renaissance

Seuls secteurs emblématiques où le Japon a gardé intacte son influence : la photo, où Canon et Nikon restent leaders d’un marché difficile, et surtout les consoles de jeu, où Playstation et Switch font les fortunes de Sony et Nintendo. Mais rien ne dit que cela puisse durer au travers des nouvelles générations de consoles et de l’explosion du jeu mobile et dématérialisé.

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En fait, le Japon excelle encore, mais caché au coeur d'appareils de marques étrangères. Les capteurs photo de Sony, les technologies tactiles de Kyocera, les capteurs de mouvements, de température, de pression des champions locaux Rohm, Alps ou Murata sont ainsi partout, dans des milliards de smartphones et d’objets connectés. Car ce que cachait l’ombre des géants, c’est toute une industrie de l’électronique et des composants, une particularité nippone, où certaines PME ne produisent qu’un seul composant spécialisé et où tous surfent sur l’explosion des capteurs en tous genres, ceux des smartphones, mais aussi de l’automobile ou de la maison connectée. Et c’est là que le Japon voit la chance d’une renaissance.

CEATEC, le salon d’une vision du futur

C’est en tout cas la vision que tout le high-tech japonais va dérouler à CEATEC, le grand salon annuel du high-tech de Tokyo, qui attend près de 200.000 visiteurs cette semaine. Des composants d’un côté, des applications et des services de l’autre, au service d’une vie connectée où tous les appareils parlent à tous les autres pour simplifier la vie de l’utilisateur. Une vision qui peut se décliner dans la mobilité, la santé, la domotique, la robotique, les transports, l’énergie, le divertissement. Une vision qui peut recommencer à s’exporter.

Surtout, les grandes marques japonaises et les fabricants de composants sont aujourd’hui rejoints par les startups, souvent fondées par des élèves ingénieurs qui ont préféré se lancer seuls plutôt que de se résigner à travailler pour l’un des mastodontes locaux. De quoi donner un coup de jeune et d'audace à une industrie qui en avait besoin. Nous verrons dans les allées du salon si tous ces efforts conjugués peuvent donner au Japon un vrai second souffle.


Cédric Ingrand, envoyé spécial à Tokyo (Japon)

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