Voler sans polluer : pourra-t-on bientôt voyager à bord d'un avion électrique ?

Publié le 10 juin 2020 à 20h53, mis à jour le 10 juin 2020 à 22h57

Source : TF1 Info

AVIATION - Des avions électriques volent déjà au-dessus des aérodromes en France. Où en est la technologie et quand pourra-t-on voyager sur des avions de ligne l'utilisant ?

De l'extérieur, rien ne permet de distinguer ces avions biplaces électriques de leurs cousins à énergie thermique. C'est au décollage, durant le vol et à l'atterrissage, que la différence est palpable : le bruit. Depuis quelques années, une usine slovène a développé une ligne de production unique au monde, qui fabrique des avions électriques destinés à 187 pays. Ils sont déjà utilisés dans certains aérodromes en France, mais pas encore pour le transport de passagers. Si ces petits avions présentent de nombreux avantages par rapport aux avions thermiques, pourra-t-on dans un futur proche partir à l'autre bout du monde à bord d'un gros porteur électrique ? En tout cas, l'horizon se rapproche.

L'agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) a annoncé ce mercredi, avoir certifié pour la première fois "un avion entièrement électrique, développé par la société slovène Pipistrel Aircraft. "C'est le premier avion électrique que l'EASA ait certifié, mais ce ne sera certainement pas le dernier", s'est réjoui Patrick Ky, le directeur exécutif de l'EASA, cité dans son communiqué. L'avion est propulsé "par le premier moteur électrique certifié, le E-811-268MVLC", selon l'agence européenne, qui ajoute que la certification, délivrée le 18 mai dernier, a été obtenue "en moins de trois ans". 

Le projet de certification s'est déroulé en deux volets, a précisé l'EASA: "tout d'abord les activités de certification typiques liées à l'avion et en parallèle un programme coordonné d'essais en vol". "Cela donne de l'optimisme, également aux autres concepteurs d'avions électriques, quant à la possibilité d'obtenir la certification de type des moteurs et des avions électriques", a estimé Ivo Boscarol. Selon lui, cette certification "est le premier pas vers l'utilisation commerciale d'avions électriques".

En Slovénie, la technologie est au point

Pour Jérôme Cornaert, pilote instructeur (Fédération français d'aviation), c'est en vol que la différence est marquée entre les avions thermiques et électriques. A bord d'un avion électrique, "il n'y a aucune vibration, on pilote dans un environnement plus reposant, il y a moins de fatigue", dit-il dans le reportage de TF1 en tête de cet article. Ces appareils sont silencieux et rendent le quotidien des riverains des aérodromes bien moins pénible. Au sol, la différence est économique. Tandis qu'il faut 20 litres pour faire le plein d'un de ces petits avions, pour environ 50 euros, du côté de l'électrique, le coût est vingt-cinq fois moins important : entre un et deux euros l'heure de rechargement à la borne.

C'est donc en Slovénie que l'on trouve l'usine qui produit en série ces avions électriques, aux côtés d'appareils à moteur thermique. Cela fait cinq ans que les ingénieurs travaillent à repousser toujours plus loin les limites technologiques. Car le poids des batteries électriques force les concepteurs à alléger le poids de la carlingue. Sur ces avions, la fibre de carbone a donc remplacé l'acier. "On a pris toutes les connaissances et les compétences de notre chaîne de production thermique pour les transférer sur la chaîne électrique", indique Ivo Boscarol, patron de Pipistrel. Un pari payant pour ce passionné d'aviation : sur 220 avions qui sortent chaque année de l'usine, un tiers sont électriques. Leur prix ? 160.000 euros. Le même que celui des avions thermiques.

Airbus travaille aussi dans cette voie

Alors, pourra t-on bientôt prendre l'avion sans incidence sur l'environnement ? C'est la grande question. Et la recherche technologique pour alléger les moteurs électriques sera l'un des enjeux de l'avenir. L'avionneur Airbus explore cette voie avec son E-Fan, un concept d'avion électrique destiné aux aéroclubs comme alternative aux avions classiques, par définition plus bruyants et plus polluants. Ce petit appareil entièrement en composite, propulsé par deux moteurs électriques dotés de batteries, est un démonstrateur qui "préfigure l'aviation plus électrique de demain", selon Airbus. "Le poids de cette technologie est le principal problème. L'allègement, l’optimisation en volume sera progressive et se fera à petit pas, il y aura une nécessité d'investissement dans la recherche technologique", détaille Olivier Maillard, chef de projet de l'E-Fan X chez Airbus. 

Pour l'avionneur, il s’agit de développer la propulsion hybride en vue de l’adapter à des avions de plus grande taille, lorsque la technologie le permettra. Car les obstacles technologiques sont encore nombreux, en premier lieu l'autonomie et la puissance nécessaire pour faire voler un avion. Pour l'heure, l'E-Fan peut voler une heure et dispose d'une demi-heure d'autonomie supplémentaire.

Un ciel "décarboné" à court terme ?

Les spécialistes les plus optimistes estiment que les avions hybrides arriveront sur le marché après 2030. Le développement pour 2035 d'un "avion neutre en carbone" fonctionnant à l'hydrogène, annoncé mardi par le gouvernement français, est un objectif "ambitieux" mais "faisable", selon Eric Trappier, président du Groupement des industries aéronautiques et spatiales françaises (Gifas). "On est absolument convaincu que c'est faisable", abonde le patron du géant Airbus Guillaume Faury. 

"C'est un plan de bataille tout à fait crédible, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de nombreux défis et beaucoup de travail à faire d'ici-là", affirme-t-il à l'AFP. Un ciel sans carbone en 2035 est donc envisageable. "Çà nous laisse cinq ans pour développer les technologies", dont certaines sont émergentes, avant de commencer la préparation du programme qu'il faudra lancer "en 2027 ou 2028", explique Guillaume Faury. Selon lui les avions commerciaux régionaux, plus petits, sont "probablement un bon support pour entrer dans l'aviation décarbonée".


La rédaction de TF1info

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