VIDÉO - Bliss : quand la réalité virtuelle permet aux malades de s'évader

Matthieu Delacharlery et Léa Bons
Publié le 14 mars 2018 à 11h48, mis à jour le 14 mars 2018 à 16h37

Source : Sujet JT LCI

TECHNOLOGIE - Bliss est une application de réalité virtuelle qui permet aux personnes en situation d'isolement ou de stress de s'évader dans un monde imaginaire virtuel. On a rencontré Mélanie Péron, sa conceptrice, pour en savoir plus sur ce projet révolutionnaire.

On enfile un casque audio, puis un autre de réalité virtuelle, et nous voilà projetés dans un univers fictif. Coupés du monde réel. S’en suit alors une navigation entre plusieurs scènes dans un environnement onirique et pixelisé qui nous plonge dans un état d’apaisement, proche de celui de la méditation. Presque instantanément, le cerveau se met sur "off". "La réalité virtuelle a la faculté d’agir directement sur le cerveau et notamment sur la glande de l’amygdale, qui est le siège des émotions, décrypte Mélanie Péron, la conceptrice de cette application Bliss, à visée thérapeutique. L’environnement virtuel a été pensé dans les moindres détails visuels et sonores pour renforcer l’immersion du patient. Et comme on a créé des univers plutôt agréables, doux et gentils, cela entraîne des émotions positives."

Le projet Bliss n’est pas qu’une histoire de technologie. C’est avant tout une aventure humaine, inspirée du vécu de Mélanie Péron. "Mon conjoint souffrait d’une leucémie, reprend l'entrepreneuse. Pendant deux ans, je l’ai accompagné pendant son hospitalisation. Il avait été placé dans une chambre complètement stérile : un lit entouré d'un rideau en plastique épais, les fenêtres toujours fermées, il ne pouvait pas poser le pied par terre. La seule personne qui avait le droit de lui rendre visite, c'était moi. Je voulais trouver une solution pour lui permettre de s’évader et de se détendre." Début 2010, en voyant le film Avatar au cinéma, la trentenaire a un déclic : pourquoi ne pas utiliser la réalité virtuelle pour égayer le quotidien des patients ?

Des escapades virtuelles d'une durée de 10 à 40 min

En 2011, Mélanie Péron décide de monter sa start-up, qu’elle baptise L’Effet Papillon, et lance en mai 2016 une campagne de crowdfunding sur la plateforme KissKissBankBank. "En deux mois, on a réussi à collecter plus de 25.000 euros, relate la jeune entrepreneuse. Avec cet argent, on a pu développer un premier univers virtuel et développé un premier prototype." Aujourd'hui au nombre de trois, ces promenades pixelisées, d'une durée de 10 à 40 minutes, permettent aux patients de s'immerger à 360 degrés dans un univers marin, dans l'espace ou encore dans une prairie où l'on peut rencontrer des licornes.

"Ces univers peuvent paraître naïfs, voire assez enfantins. On est très loin en effet des graphismes spectaculaires de réalisme que l’on trouve actuellement dans les jeux vidéo", reconnaît Mélanie Péron. L’idée, explique-t-elle, c’est plutôt de procurer un moment d’évasion et de permettre au patient de lâcher prise avec son quotidien en le plongeant dans un monde empreint de poésie.

Une technologie aux multiples vertus thérapeutiques

Le projet Bliss est suivi depuis le début par l'un des plus grands spécialistes de la réalité virtuelle thérapeutique au monde, le psyschologue Stéphane Bouchard, titulaire d'une Chaire de recherche du Canada en cyberpsychologie clinique. Depuis déjà plusieurs années, ce médecin canadien utilise la réalité virtuelle pour traiter la phobie et l’addiction (jeu d’argent, tabac, etc.) ou soigner des traumatismes psychiques, avec des résultats équivalents, voire supérieurs à ceux des thérapies comportementales cognitives. Avec l’arrivée des casques de réalité virtuelle grand public, qui s’utilisent avec un simple smartphone, la cyberthérapie fait d'ailleurs un retour en force depuis quelques années.

A en croire Mélanie Péron, les vertus thérapeutiques de Bliss sont multiples. "Certains anesthésiants peuvent avoir des effets secondaires. On peut justement utiliser Bliss lors d'un examen douloureux, comme une ponction ou une biopsie par exemple. Cela n'empêche pas l'anesthésie locale, mais le patient est beaucoup plus détendu et il est moins traumatisé à la sortie de l'opération", explique Mélanie Péron. Grâce à la réalité virtuelle, le patient peut revenir plus rapidement à son domicile. Des études ont également démontré que cela permettait de réduire la douleur de 20-25%. "On peut très bien imaginer utiliser Bliss pour des opérations douloureuses : les dents de sagesse ou la péridurale, par exemple", ajoute l'entrepreneuse. D'ici quelques mois, la start-up va débuter une première étude clinique auprès de 126 patients, censée permettre d'évaluer le potentiel thérapeutique de Bliss. 

La VR pour lutter contre l'hyperstress au travail ?

Des chefs d'entreprises ont aussi rapidement vu comment Bliss pourrait apporter du bien-être à leurs employés. "Nous n'avions pas imaginé démarcher les entreprises, en fait ce sont elles qui sont venues à nous. Enedis teste le concept depuis le mois de janvier 2018", précise Mélanie Péron. Et on comprend mieux pourquoi quand on sait que près d’un salarié français sur quatre se dit en état d’hyperstress, comme le révélait une étude parue en novembre dernier.

L'Effet Papillon fournit le kit complet (casque 3D, écouteur audio et smartphone) et le propose sous forme d'abonnement annuel. Un concept pour le moins prometteur : dès qu'un salarié a besoin de faire un break, il peut s’offrir une petite séance de relaxation, en restant assis à son bureau. En plus d’Enedis, cinq autres entreprises seraient en cours de discussions pour adopter Bliss.


Matthieu Delacharlery et Léa Bons

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