Le "compost humain" autorisé comme alternative à l'enterrement et à l'incinération

Publié le 22 mai 2019 à 15h14
Le "compost humain" autorisé comme alternative à l'enterrement et à l'incinération
Source : iStock

INSOLITE - Les habitants de l'Etat de Washington aux Etats-Unis seront bientôt les premiers à pouvoir choisir une troisième option pour leur rite funéraire. Après l'inhumation et la crémation, la "réduction organique naturelle sera possible". Une manière de retourner, littéralement, à la terre.

Si vous espérez contribuer un jour à l'épanouissement d'un chêne majestueux ou de jonquilles délicates, vous avez tout intérêt à mourir aux Etats-Unis. Et plus précisément dans l'Etat de Washington, où les habitants peuvent désormais choisir une autre solution que l'enterrement classique ou la crémation. Une loi autorisant la "réduction organique naturelle", autrement dit le compost humain, a été adoptée dans cet Etat très progressiste, pour la première fois sur le continent.

Selon la loi, les défunts pourront ainsi littéralement retourner à la terre, grâce à cette nouvelle technique, officiellement définie comme la "conversion, accélérée et en milieu clos, de restes humains en humus". Adoptée fin avril par le parlement local, cette loi a été promulguée mardi par Jay Inslee, gouverneur démocrate et candidat à l'élection présidentielle de 2020, sur un programme misant beaucoup sur l'écologie. La mesure doit entrer en vigueur en mai 2020.

Une solution "naturelle, durable et économe"

"La recomposition offre une alternative à l'embaumement et à l'inhumation ou à la crémation, elle est naturelle, sûre, durable et permet des économies importantes en matière d'émissions de CO2 et d'utilisation des terres", argumente Katrina Spade, qui a porté la loi auprès des élus locaux. La jeune femme s'est prise de passion pour ces solutions alternatives à l'inhumation et à la crémation il y a plus de dix ans. A Seattle, elle a fondé la société Recompose, qui a mis au point un processus de compostage humain qu'elle s'apprête à commercialiser.

Selon les détails communiqués par l'entreprise, il s'agit tout simplement d'accélérer le processus naturel de décomposition du corps en le plaçant dans un conteneur rempli de paille, de copeaux de bois et de la luzerne. Cet habitacle crée ainsi les conditions idéales d'humidité et d'oxygénation pour que les bactéries fassent leur travail. "Tout est recomposé, y compris les dents et les os", assure Recompose. La société précise "mélanger" le conteneur à plusieurs étapes pour récupérer d'éventuels plombages dentaires, stimulateurs cardiaques et autres prothèses qui ne seraient pas biodégradables.

Au bout de trente jours environ, la méthode produit environ un mètre cube d'humus, soit l'équivalent de deux brouettes. Les familles pourront le répandre dans leur jardin, ou l'utiliser pour faire pousser un arbre à la mémoire du défunt. "Le matériau que nous rendons aux familles est très semblable au terreau que vous pourriez acheter dans votre pépinière", promet la startup. 

Une technique déjà utilisée pour les carcasses de bétails

En 2018, le procédé mis au point par Recompose a été testé scientifiquement avec l'université de l'Etat de Washington à l'aide de six corps légués par des volontaires. D'un point de vue technique, il est semblable à celui déjà en usage depuis des décennies dans l'agriculture pour transformer les carcasses d'animaux. "Nous avons trouvé que les méthodes utilisées pour le compostage du bétail étaient aussi efficaces sur les humains", affirme ainsi le docteur Lynne Carpenter-Boggs, spécialiste des sciences du sol, qui explique juste "avoir modifié les matériaux utilisés pour les rendre acceptables socialement".

L'église hostile

Mais pas suffisamment acceptables pour l'Eglise. La conférence épiscopale de l'Etat de Washington a quant à elle officiellement pris position contre cette loi dans une lettre transmise au parlement local. Elle y indique notamment que "L'Eglise catholique croit que traiter des restes humains de cette manière ne fait pas suffisamment preuve de respect pour le corps du défunt". Pour Katrina Spade, cette nouvelle option est pourtant riche de spiritualité : "L'idée de retourner à la nature de manière aussi directe et d'être placé de nouveau dans le cycle de la vie et de la mort, est en fait assez belle".

5500 dollars !

Selon les statistiques citées par Recompose, plus d'un Américain sur deux en moyenne choisit de se faire incinérer et l'Etat de Washington est dans le peloton de tête avec 76% de crémations. Les méthodes d'inhumation "vertes" ont pourtant le vent en poupe aux Etats-Unis, où des firmes proposent des cercueils bio, voire une inhumation avec un simple linceul, sans cercueil, dans les villes l'autorisant. Les entreprises de pompes funèbres apprécient guère cette concurrence. Recompose prévoit de facturer 5.500 dollars pour une "réduction organique". C'est plus que le prix moyen d'une crémation, mais moins qu'un enterrement avec cercueil.


La rédaction de TF1info

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