EUROPE - Si un nouvel accord sur le Brexit a été trouvé ce jeudi, il est encore loin de garantir aux Britanniques de quitter l'Union européenne à la fin du mois comme le souhaite leur Premier ministre Boris Johnson. Car le texte pourrait ne pas passer l'épreuve de la ratification au Parlement britannique ce samedi.
Certes, un accord sur le Brexit a été annoncé, jeudi 17 octobre, par le Royaume-Uni et l'Union européenne. Au regard des positions à la sortie de l'été, cette réalisation avait tout d'une gageure et son obtention a été saluée comme telle par les différents acteurs : Boris Johnson, Michel Barnier, Jean-Claude Juncker. Mais son adoption à Londres semble déjà compromise. En effet, Boris Johnson ne peut plus s'appuyer sur une majorité au Parlement britannique, et plusieurs partis ont annoncé qu'ils s'opposeraient à la ratification du texte, samedi 19 octobre, en session extraordinaire au Parlement (une première depuis la guerre des Malouines).
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Le Premier ministre a perdu sa majorité parlementaire au début du mois de septembre dernier. Cette dernière ne tenait qu'à une voix, mais le rapport de force a basculé avec la défection du député conservateur Phillip Lee, qui a rejoint le Parti libéral-démocrate, europhile, suivi par une vingtaine d'entre eux, sanctionnés après qu'ils ont voté à plusieurs reprises contre l'avis de leur gouvernement. Actuellement, le Parti conservateur (Tories) de Boris Johnson occupe 288 des 650 sièges du Parlement. Les Tories forment une coalition avec le petit parti nord-irlandais DUP, eurosceptique et ultraconservateur, mais ce dernier ne soutiendra pas l'accord. Donc sans majorité, et en ayant en plus des députés opposés à l'accord au sein même de sa majorité, la tâche s'annonce difficile pour l'ancien maire de Londres.
Les alliés nord-irlandais de Johnson ne voteront pas le texte
En effet, le parti unioniste nord-irlandais (Democratic unionist party) a été le premier à affirmer son opposition à l'accord trouvé. Comptant dix députés à la Chambre des Communes, le DUP a dit ne pas pouvoir "soutenir ce qui est proposé" notamment "sur les questions des douanes". Il a également regretté "un manque de clarté sur la TVA", à savoir le régime de taxe qui sera appliqué en Irlande du Nord, province britannique.
Ensuite, c'est le chef du parti travailliste Labour, principale formation d'opposition au Royaume-Uni, qui a exprimé ses réticences. Jeremy Corbyn a appelé les députés britanniques à "rejeter" l'accord passé entre Londres et l'UE. "La meilleure façon de résoudre le Brexit est de donner à la population le dernier mot lors d'un vote populaire", estime celui qui espère que l'affaire se conclura par un report et un référendum sur l'accord. Boris Johnson aura donc également à rallier des parlementaires travaillistes à sa cause. Ils existent, 7 selon le décompte de la presse britannique ? De la même façon, les conservateurs suspendus par leur parti en raison de leurs positions anti-"no deal" soutiendront-ils le gouvernement dans ces conditions ? Selon le Financial Times, 20 d'entre eux voteraient pour l'accord, et 3 iraient contre. Quid des "hard-brexiters" ? Eux iraient dans le sens de Johnson.
A ces différentes positions doivent également s'ajouter celles du SNP, les nationalistes écossais (35 députés) et des LibDems (18 sièges) qui, opposés au Brexit, ont assuré qu'ils voteraient contre l'accord. De quoi rendre très incertaine son adoption par le Parlement britannique, et amener Boris Johnson à multiplier les coups de fil pour obtenir une majorité. Il le faut bien, "BoJo" ayant assuré qu'il voulait coûte que coûte un divorce à la fin du mois. En l'état, 321 parlementaires voteraient contre, et 318, pour.
How close?!?! The @FT calculates @BorisJohnson is within three votes of passing #brexit deal... pic.twitter.com/nIEiBkbjwM — Peter Foster (@pmdfoster) October 18, 2019
Johnson "confiant"
Interrogé sur la possibilité que l'accord soit rejeté par les Britanniques, le négociateur de l'UE Michel Barnier a répondu : "Moi, j'ai fait mon travail". "Il faudra bien qu'un jour dans cette assemblée (...) on prenne ses responsabilités et que ce qui a été décidé par un référendum, et soutenu par les différents gouvernements avec lesquels nous avons négocié, se mette en oeuvre", a-t-il ajouté. Selon lui, Boris Johnson avait tout de même "confiance dans la capacité d'obtenir ce vote" du Parlement.
Emmanuel Macron veut lui aussi "croire que Johnson aura une majorité pour soutenir cet accord âprement discuté", même s'il sait "que les Parlements peuvent ne pas se retrouver dans l'accord". Jean-Claude Juncker, lui, s'est même avancé à dire qu'"il n'y avait pas de raison de reporter davantage" les négociations et "qu'il n'y aura pas de prolongation". Une question qui le dépasse, puisque si un délai est demandé, c'est aux 27 pays de l'UE de l'accorder.
Le négociateur Michel Barnier a, lui, intimé aux députés britanniques de se montrer coopératifs : "Il faudra bien qu'un jour, dans cette assemblée […], on prenne ses responsabilités et que ce qui a été décidé par un référendum, et soutenu par les différents gouvernements avec lesquels nous avons négocié, se mette en œuvre". Si l'accord sort indemne du Parlement britannique, il devra aussi être ratifié par le Parlement européen.