"Incantation" ou "intention", les trumpistes reviendront-ils au Capitole pour l'investiture de Biden ?

Publié le 15 janvier 2021 à 21h42, mis à jour le 16 janvier 2021 à 21h24
"Incantation" ou "intention", les trumpistes reviendront-ils au Capitole pour l'investiture de Biden ?
Source : Brendan Smialowski / AFP

PEUR SUR LA VILLE - Alors que Joe Biden s'apprête à prêter serment et devenir 46e président des États-Unis, la possibilité de nouvelles violences inquiète les autorités. Une hypothèse incertaine, même si des partisans de Donald Trump ont bien appelé à se rassembler en marge de la cérémonie.

À l'approche de la cérémonie d'investiture de Joe Biden, le 20 janvier, les autorités essaient de déchiffrer les intentions des courants les plus radicaux, déjà vus à l'œuvre lors de l'invasion du Capitole. Des actions pourraient être menées dans n'importe lequel des 50 capitoles d'État, de celui de Washington, ou même à la Maison Blanche. 

Il est encore difficile "de distinguer les incantations des intentions", admet le directeur du FBI, Christopher A. Wray. Si les autorités surveillent "un nombre important de discussions en ligne" autour du sujet de l'investiture, et particulièrement celles qui appellent à des actions fortes, la réalité de la contestation est incertaine.

Même du côté des militants, l'absence de signaux de la part de Donald Trump, privé du porte-voix des réseaux sociaux, rend la situation indéchiffrable. La dernière déclaration en date du président sortant est une vidéo préenregistrée appelant au calme, dont on ignore comment elle est interprétée par ses suiveurs, toujours persuadés de sa victoire aux élections.

Restez à distance de Washington DC et de toutes les capitales d'État : c'est un piège !
Site pro-Trump "Million Militia March"

Privés d'une consigne claire venue de la Maison Blanche, les partisans de Trump ont également vu disparaître un grand nombre des comptes d'extrême droite qui alimentaient la colère, supprimés par Twitter ou Facebook. La fondatrice du groupe SITE, Rita Katz, qui analyse les échanges numériques des groupes extrémistes, reconnaît que le grand ménage qui a été fait dans les réseaux sociaux depuis le 6 janvier perturbe la partie "grand public" des partisans de Trump. Mais elle envisage un avenir sombre, lorsque les militants rejetés vers des forums marginaux se réuniront : "Quand vous rejetez des gens insatisfaits ensemble, ils s'en nourrissent mutuellement et se radicalisent", prophétisant même "une génération de conflit". Comme d'autres experts, elle redoute plus un mouvement sur le long terme que la seule échéance du 20 janvier. À court terme, cette suppression massive de comptes désoriente jusqu'aux enquêteurs, qui doivent à nouveau localiser les mouvements radicaux.

Signe d'une certaine désorientation, la Marche d'un million de miliciens, à l'appel d'un groupe d'extrême-droite, a ainsi été annulée par ses organisateurs, qui ont même prévenu leurs suiveurs sur leur site : "Restez à distance de Washington DC et de toutes les capitales d'État : c'est un piège !" De nombreux autres messages sont relevés par les analystes, appelant à des actions spontanées de proximité sans les préciser. Reste la partie souterraine des réseaux, comme les échanges sur la messagerie chiffrée Telegram, prisée des organisations d'extrême-droite, et que les analystes peinent à pénétrer. 

21 000 gardes nationaux à Washington

La capitale fédérale a effectivement désormais des airs de camp retranché. Les gardes nationaux quadrillent le centre en grand nombre, et occupent toujours le Capitole. Ils sont 7.000 déployés à Washington, et l'effectif devrait culminer à 21.000 le jour de l'investiture. Les commerces se barricadent et les habitants se calfeutrent. Les voyages sont fortement déconseillés par la maire et les gouverneurs des deux États voisins, la Virginie et le Maryland. La plateforme Airbnb a même annulé toutes les réservations pour la semaine prochaine, privant de points d'ancrage les éventuels émeutiers.

L'effet de surprise, plaidé par les autorités pour leurs manquements face à l'invasion du 6 janvier, ne devrait pas fonctionner cette fois. Mais ce qui leur donne des sueurs froides, c'est l'immense variété des actions possibles, à anticiper sur l'ensemble du territoire américain. Car si le Capitole fédéral de Washington semble une forteresse imprenable, c'est vers les capitoles de chaque État que les regards se tournent. Un mémo du FBI a ainsi été diffusé ce lundi, mettant en garde les autorités locales contre des actions possibles dans chaque capitale.

SAUL LOEB / AFP

Inquiétude dans les capitales d'Etat

Le 6 janvier déjà, en parallèle aux évènements de Washington, plusieurs parlements d'État avaient vu se rassembler des foules plus ou moins importantes. De l'Illinois au lointain Oregon, des partisans de Trump s'étaient rassemblés dans les capitales de leurs propres États, interrompant ici ou là les activités, mais sans violence à signaler.

Plus menaçants, certains s'étaient rassemblés devant les bâtiments de leur gouverneur, a fortiori là où le titulaire du poste est un gouverneur. Ainsi de Tim Walz, le gouverneur du Minnesota, qui a vu les grilles de sa résidence officielle céder sous la pression d'une foule en colère. Son fils de 14 ans avait dû être évacué, et des renforts ont été envoyés lorsque des manifestants ont suggéré de prendre sa famille en otage. Comme dans une demi-douzaine d'autres États, Walz s'est résolu à demander le renfort de la garde nationale pour la semaine à haut risque de l'investiture.

Une opération planifiée ?

Si l'ampleur du mouvement redouté la semaine prochaine est aussi incertaine, c'est aussi qu'on comprend encore mal ses mécanismes. La diversité des profils des émeutiers identifiés ne plaide pas pour un déclenchement concerté. Mais le soupçon existe, d'une opération beaucoup plus préméditée. Une représentante démocrate du New Jersey, Mikie Sherrill, s'est ainsi inquiétée des visites du Capitole la veille des évènements, organisées par des élus républicains, qu'elle interprète comme de possibles repérages par de futurs émeutiers. Une trentaine d'autres démocrates, qui ont observé le même phénomène, l'ont rejointe dans sa demande d'une enquête approfondie. 

La semaine qui s'annonce, dont le point culminant sera l'investiture de Joseph Robinette Biden Jr comme 46e président des États-Unis, s'annonce donc particulièrement délicate. Si des appels de l'extrême-droite à l'action violente ont bien été enregistrés, les modes d'action, leurs localisations et leur ampleur sont encore imprévisibles. L'Amérique change d'ère dans une tension inédite depuis des générations, qui pourrait s'installer bien au-delà de l'investiture.

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Frédéric SENNEVILLE

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