Affaire Navalny : le conflit tourne à la crise diplomatique avec l'UE

TG
Publié le 9 février 2021 à 15h17, mis à jour le 9 février 2021 à 17h48

Source : JT 20h Semaine

TENSIONS - L'Allemagne, la Suède et la Pologne ont expulsé lundi des diplomates russes. Des représailles à une mesure similaire visant plusieurs diplomates, accusés d'avoir manifesté en faveur de l'opposant Alexeï Navalny.

L'affaire Navalny tourne à la crise diplomatique entre Moscou et plusieurs chancelleries européennes. Près d'un mois après le retour en Russie – et en prison – de l'opposant, les actes ont succédé aux critiques de la part des Européens : l'Allemagne, la Suède et la Pologne ont expulsé des diplomates russes. Des représailles à une mesure similaire prise par le Kremlin, vendredi 5 février.

Le bras de fer a en effet débuté quand des diplomates européens ont été priés de quitter le sol russe pour avoir participé à des manifestations pro-Navalny. Ils ont été pris "en flagrant délit", selon Maria Zakharova, une porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères. Une attitude qualifiée d'"inacceptable et incompatible avec leur statut", a jugé cette dernière. Un "flagrant délit" reconnu par les principaux intéressés, lesquels s'estiment avoir été légitimes à agir de la sorte : le diplomate allemand expulsé ne cherchait qu'à "s'informer par des moyens légaux sur l'évolution de la situation sur le terrain", a souligné Berlin. Idem côté suédois, dont le diplomate "ne faisait que remplir ses fonctions".

Une ingérence dans nos affaires intérieures
La diplomatie russe

Sans surprise, la réponse du berger à la bergère n'a pas trainé. Les trois pays européens ont rendu coup pour coup ce lundi, en renvoyant des diplomates russes. Ces expulsions sont "infondées, inamicales et s'inscrivent dans le prolongement de la série même d'actions que l'Occident mène à l'égard de notre pays et que nous qualifions d'ingérence dans nos affaires intérieures", a réagi Moscou. Une "ingérence" appelée à se poursuivre ? Le fait est que, depuis des années, le torchon ne cesse jamais vraiment de brûler entre la Russie et les Occidentaux. 

Sur fond d'affaire Navalny, évidemment, l'opposant ayant d'ailleurs été soigné à Berlin cet automne après son empoisonnement. Berlin, qui avait notamment reproché à Moscou son silence au moment de l'empoisonnement de l'activiste, reproches balayés aussitôt par le Kremlin. La tension sur ce dossier est montée d'un cran vendredi, avec la visite à Moscou de Josep Borrell : la première visite d'un chef de la diplomatie européenne en Russie depuis 2017 a tourné au fiasco, avec une fin de non-recevoir concernant la libération de Navalny et l'expulsion de trois diplomates européens pendant son entretien avec le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov. L'UE doit en "tirer les conséquences", a soutenu, amer, Josep Borrell de retour à Bruxelles, constatant que les relations entre les deux parties étaient "au plus bas". 

"Frapper au portefeuille" des proches du Kremlin ?

Plus largement, l'ambiance est électrique entre les deux camps depuis 2014, et l'annexion de la Crimée par Moscou. Depuis, les Européens ont instauré une flopée de mesures touchant les secteurs de l'industrie du pétrole, de la banque et de la défense. Ils ont également frappé l'entourage du président Vladimir Poutine après la tentative d'empoisonnement de Navalny avec un neurotoxique militaire, le Novitchok. Six membres de la présidence ont été interdits de séjour dans l'UE et leurs avoirs ont été gelés. D'autres pourraient suivre : lundi, un proche de Navalny a fait savoir que l'UE pourrait sanctionner des oligarques tel que le propriétaire de Chelsea Roman Abramovitch, un présentateur de télévision, des banquiers mais aussi le patron du FSB ou les enfants du secrétaire général du Conseil de sécurité russe.

Ces leviers sont-ils suffisants ? Navalny, lui, en doute. L'opposant a notamment recommandé de "frapper au portefeuille" des proches du Kremlin. Reste à savoir si Bruxelles est prête à durcir le ton. Le Parlement européen a d'ores et déjà voté une résolution pour demander de "sanctionner les oligarques russes liés au régime, les membres de la garde rapprochée du président Poutine et les propagandistes actifs dans les médias qui possèdent des actifs dans l'UE".  Ce mardi, Josep Borrell a fait part de sa volonté d'aller plus loin : "Le gouvernement russe est sur une voie autoritaire et se montre sans pitié dans l'affaire Navalny (...). Je vais user de mon droit d'initiative et je ferai des propositions qui combineront des actions pour lutter contre la désinformation et les cyberattaques", a-t-il déclaré lors d'un discours devant le Parlement européen à Bruxelles.

Autre hypothèse : l'arrêt du gazoduc Nord Stream 2, construit entre l'Allemagne et la Russie, que les eurodéputés et la France réclament. Las, Angela Merkel, la chancelière allemande, a posé son veto. Trouver le juste équilibre entre intérêts économiques et enjeux diplomatiques, quitte à frôler le grand écart : difficile de parler d'une seule voix à 27.


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