Affaire Navalny : pourquoi le controversé projet Nord Stream 2 est exclu des sanctions de l'UE envers Moscou

TG
Publié le 10 février 2021 à 19h50

Source : TF1 Info

DIPLOMATIE - Si de nouvelles sanctions de l'Union européenne contre la Russie sont envisagées après l'emprisonnement de l'opposant Alexeï Navalny, aucune d'entre elles ne concernera le gazoduc Nord Stream 2. Le projet, épineux, est défendu par l'Allemagne, qui en a fait une priorité.

Concilier fermeté diplomatique et intérêts économiques : face à la Russie, l'UE peine à trouver la bonne parade. Contrarié par le dossier Navalny puis humilié par l'expulsion de diplomates vendredi, Bruxelles se doit de réagir. Reste à savoir comment, tant la marge de manœuvre est étroite. Surtout quand le levier le plus efficace, le gazoduc Nord Stream 2, est exclu des éventuelles sanctions.

Ce projet pharaonique revient en effet comme un serpent de mer dans les relations entre l'UE, la Russie mais aussi les Etats-Unis. Et ce, depuis son lancement à l'été 2015, déjà dans un contexte électrique, à savoir l'annexion de la Crimée par Moscou, un an plus tôt. Depuis cet époque, l'objectif de ce gazoduc n'a pas changé : doubler les capacités de livraison de gaz russe de son aîné Nord Stream 1 (opérationnel depuis 2012) et garantir la sécurité des approvisionnements de l'Europe occidentale via la mer Baltique. Ceux passant par l'Ukraine ont en effet été perturbés à plusieurs reprises en raison des tensions entre Moscou et Kiev. Des tensions que le Nord Stream 2 va lui aussi provoquer…

Les "réserves" de la France

Au fil des ans, le projet est instrumentalisé par les protagonistes du dossier. Pologne, Pays baltes et Ukraine le voient d'un très mauvais œil. Ils craignent la dépendance des Européens au gaz russe, que Moscou pourrait utiliser pour exercer des pressions politiques. Aux Etats-Unis aussi, le gazoduc inquiète : au sommet de l'Otan de juillet 2018, Donald Trump accuse l'Allemagne d'être "prisonnière" de la Russie et exige l'abandon du chantier. 

La France, elle, avait déjà fait état de "réserves" face au projet avant même l'affaire Navalny. Elle ne s'est toutefois jamais clairement prononcée publiquement en faveur de l'abandon de ce chantier. Déjà car ce dernier associe cinq groupes européens, dont le français Engie (mais aussi les allemands Uniper et Wintershall, l'autrichien OMV et l'anglo-néerlandais Shell, pour un budget total évalué à 9,5 milliards d'euros). Mais aussi car il est considéré comme une priorité stratégique par la chancelière Angela Merkel.

"Ce projet est quasiment terminé"

A l'heure d'envisager des sanctions à cause de l'affaire Navalny, Berlin défend en effet bec et ongles le Nord Stream 2. Celui-ci est jugé vital en Allemagne : le pays a abandonné le nucléaire en 2011 et a amorcé sa sortie du charbon. D'où le besoin de gaz pour réussir sa transition énergétique. En 2019, sa consommation de gaz a ainsi représenté 25% de sa consommation totale d'énergie. Or le gaz russe est bon marché. "C'est un projet privé, et il concerne la sécurité des approvisionnements de l'Allemagne", a encore insisté la semaine dernière Berlin. Un projet de 1.200 kilomètres au total qui, selon les allemands, est d'ailleurs presque achevé. Le gros du travail restant se situe dans les eaux du Danemark, où il manque 69,2 kilomètres pour l'un des pipelines et 49,6 kilomètres pour le second. 

Les travaux ont d'ailleurs repris la semaine dernière, après un an de suspension à cause de sanctions américaines. Pas question de refaire une pause, estime dorénavant Berlin. Affaire Navalny ou non. Pour défendre ses intérêts à Bruxelles, où de nouvelles sanctions sont à l'étude, Angela Merkel peut compter sur le soutien de la France. "Ce projet est quasiment terminé" et "rien ne saurait être annoncé sans une étroite coordination franco-allemande", a précisé vendredi Emmanuel Macron, affichant l'unité du couple franco-allemand sur ce dossier épineux. Au grand dam de certains partenaires : "L'argent a pris le dessus et, en fin de compte, chaque État membre se préoccupe d'abord de ses propres intérêts", a déploré plus trivialement auprès de l'AFP le représentant d'un Etat membre. 


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