Afghanistan : de quelles ressources les talibans disposent-ils ?

Publié le 2 septembre 2021 à 21h01
Afghanistan : de quelles ressources les talibans disposent-ils ?
Source : AFP

RENTRÉES D'ARGENT - Se finançant principalement par leurs activités criminelles, les insurgés islamistes vont devoir trouver de nouvelles sources de revenus pour gouverner en Afghanistan.

Après avoir réussi à prendre le pouvoir en Afghanistan, les talibans doivent maintenant songer à comment le garder. Une réflexion qui passe nécessairement par un budget alloué à la gouvernance du pays. Si l'on sait peu de choses sur la manière dont les insurgés islamistes se sont financés pendant vingt ans, toujours est-il qu'ils sont considérés comme l’un des groupes terroristes les plus riches au monde. Et ce, grâce à de nombreux canaux. 

"Le robinet international est coupé"

Depuis le départ des Américains actant la victoire talibane, les aides étrangères ont été suspendues, à commencer par celles du Fonds monétaire international (FMI). Dans leur ensemble, les flux d’aide représentaient 42,9% du PIB du pays en 2020, qui s’élevait à 19,8 milliards de dollars, a calculé la Banque mondiale. Selon Bernard Dupaigne, professeur au Muséum d’histoire naturelle et spécialiste de l’Afghanistan, "les talibans ont besoin d’argent car le robinet international est coupé".

Quelques gouttes couleraient encore cependant. Des États étrangers sont régulièrement soupçonnés d’apporter une aide financière aux talibans, et ce depuis des années. Selon un rapport des renseignements américains cité par la BBC, le groupe avait reçu 106 millions de dollars de sources étrangères en 2008. Dans le viseur de plusieurs responsables afghans et américains, figurent à ce jour le Pakistan, pays voisin abritant des insurgés islamistes depuis des années, et des monarchies du Golfe comme l’Arabie Saoudite, le Qatar ou les Émirats arabes unis. 

Les liens économiques entre ces pays et Kaboul sont indéniables. Sans que cela ne constitue une preuve d'appui monétaire envers les talibans, les Émirats étaient encore en 2019 le premier pays importateur de produits afghans, à hauteur de 1 milliard de dollars, selon l’Observatoire de la complexité économique, dépendant du MIT.

L'opium, source majeure des talibans

Les insurgés tirent surtout leurs revenus d’activités criminelles. Et en particulier du trafic de drogue, qui représentait 60% de leurs ressources en 2018, d’après un rapport de l’inspecteur général américain pour la reconstruction de l’Afghanistan, le général John Nicholson. Les talibans ne cultivent pas toujours l’opium eux-mêmes et ont entrepris de taxer les producteurs - des responsables afghans estiment mêmes ces taxes à hauteur de 10%. Ce système leur aurait rapporté 260 millions de dollars en 2020, selon un rapport du Conseil de sécurité de l’ONU de cette année-là. "La culture et la contrebande de l'opium vers l'Iran et la Russie, via l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, reprendront-ils ?", s’interroge Bernard Dupaigne.

Sauf que cette activité est révolue, a promis le groupe islamiste à l’aune de sa nouvelle hégémonie sur le pays. "L’Afghanistan ne sera plus un pays de culture de l’opium. (…) À partir de maintenant, personne ne sera impliqué dans la contrebande de drogue", a assuré un porte-parole taliban. Tout comme les rançons payées suite à des enlèvements, sur lesquelles ont pu compter les islamistes pendant de longues années de marginalité. En parallèle de son activité criminelle, le groupe s’appuie aussi sur des taxes instaurées aux frontières, où transitent les marchandises. On peut citer le cas du poste-frontière de Spin Boldak, donnant sur le Pakistan et laissé ouvert par les talibans dans un but essentiellement économique

Mais une autre ressource existe en Afghanistan, sous terre. Car le pays regorge de "gisements de bauxite, de cuivre, de fer, de lithium et de terres rares", selon le dernier rapport sur les ressources minières dans le pays de l’Institut d’études géologiques des États-Unis, daté de janvier 2021. Le pays en tire déjà profit puisqu’il exportait 968 millions de dollars d’or en 2019, soit 43,2% de l’ensemble de ses exportations. Et ces ressources pourraient être précieuses pour les talibans. 

Dans un rapport commun, les Nations Unies et l’Union européenne ont estimé en 2013 leur potentiel à 1000 milliards de dollars. De quoi attirer sans nul doute les talibans, à condition qu’ils disposent des infrastructures adéquates pour extraire ces minéraux. D’après l’ONU, les insurgés ont jusqu’à présent pris le contrôle de plus de 280 sites miniers et déjà commencé à extorquer de l’argent de leurs opérations.


Caroline QUEVRAIN

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