Al-Andalus : l'Espagne, territoire symbolique cible du groupe Etat islamique

par Nelson GETTEN
Publié le 19 août 2017 à 8h25, mis à jour le 19 août 2017 à 10h01
Al-Andalus : l'Espagne, territoire symbolique cible du groupe Etat islamique

CHOC DES CIVILISATIONS - Les deux attaques qui ont frappé les villes de Barcelone jeudi soir, puis celle de Cambrils, à 120 km au sud de la capitale catalane, ont été revendiquées par Daech. Si le pays n'avait pas connu d'attentat islamiste depuis le 11 mars 2004, l'Espagne est un territoire symbolique pour les islamistes, à bien des égards.

Al-Andalus, c'est le terme qui désigne le territoire de la péninsule ibérique - Espagne et Portugal - qui fut sous domination musulmane pendant plus de sept siècles, de 711 jusqu'à la chute de Grenade en 1492, symbole de la fin de la reconquête chrétienne. Dans l'imaginaire des islamistes, l'Espagne incarne donc un paradis perdu et un territoire à récupérer. 

De nombreux passages dans les revues de propagande de Daech - Dar al Nosra ou Rumyia - présentent même l'Espagne comme un califat à reconquérir. Si l'Espagne est moins présente militairement en Irak et en Syrie et compte beaucoup moins de ressortissants partis vers la Syrie - seulement 150 - que d'autres pays de la coalition internationale comme la France et le Royaume-Uni, elle a un passé historique et un lien fort avec le monde musulman, ce qui a fait d'elle une cible choisie par les terroristes islamistes jeudi soir. "Ce lien fait partie effectivement des revendications fantasmées et imaginaires de l'Etat islamique que de revendiquer cette identité arabo-musulmane de l'Espagne", explique Benoit Pellistrandi, historien spécialiste de l'Espagne, au micro de France Culture ce vendredi matin. 

"Un califat à reconquérir"

Selon de nombreux spécialistes du terrorisme, le choix d'un attentat est construit et réfléchi. Pour ceux qui ont frappé Barcelone et Cambrils jeudi soir, il résulterait d'un mélange d'histoire des civilisations et du fantasme d'une guerre culturelle actuelle. En fait, l'idée qu'une ville comme Barcelone ait pu être sous domination musulmane sunnite pour devenir quelques siècles plus tard le symbole du tourisme occidental, de la mondialisation et du mélange des cultures en a fait une cible privilégiée des soldats de Daech. 

Selon le géopolitologue Alexandre Del Valle, le choix des deux villes frappées jeudi soir avait déjà été expliqué dans une vidéo diffusée par l’Etat islamique. Celle-ci diffusée depuis la Syrie en 2014 disait : "Nous vivons sous la bannière de l’Etat islamique et nous allons mourir pour elle jusqu’à ce que nous ayons récupéré toutes les terres musulmanes perdues, De Jakarta à l’Andalousie et je vous le dis, l’Espagne est la terre de nos ancêtres et nous la récupérerons avec l’aide de Dieu".

La fragilité institutionnelle en Espagne, un argument de plus ?

Au-delà de l'histoire, l'Espagne peut avoir été également frappée en raison de sa situation politique actuelle. "Il y a une intelligence de la part des terroristes dans le choix des cibles", reprend Benoit Pellistrandi. "Les djihadistes connaissent parfaitement la situation extrêmement tendue entre la Catalogne et le pouvoir central espagnol et la fragilité institutionnelle du pays en ce moment". Par ailleurs, l'Espagne possède encore aujourd'hui deux enclaves sur le littoral marocain, les villes de Ceuta et Melilla. Dans l'imaginaire de l'EI, ces deux villes appartenant à l'Espagne et situées sur un territoire "musulman", pourrait être une raison de plus d'avoir fait le choix de cibler le territoire espagnol. 


Nelson GETTEN

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