PROMESSE TENUE - Quinze jours après son investiture, Jair Bolsonaro a acté l'une de ses principales promesses de campagne en signant un décret facilitant la possession d'armes à feu par la population. Le président d'extrême-droite brésilien souhaite "assurer le droit à la légitime défense", malgré un possible regain de violence dans son pays.
C'était l'une de ses promesses de campagne. Pour contenter les "gens bien" qui l'ont élu à la tête du Brésil, le président d'extrême-droite, Jair Bolsonaro, a assoupli mardi 15 janvier les règles de la détention d'armes à feu, au risque de voir s’accroître la violence dans l'un des pays les plus dangereux au monde. "Pour assurer le droit à la légitime défense, moi, en tant que président, je vais utiliser cette arme", a-t-il déclaré, désignant le stylo avec lequel il a signé le fameux décret. Le texte, portant exclusivement sur la détention d'armes à domicile, est entré en vigueur avec effet immédiat.
Bolsonaro aura en revanche besoin de l'aval du Parlement s'il veut toucher plus largement au port d'arme. Le président de la 8e puissance économique mondiale en 2018 a rappelé qu'il avait fermement l'intention de le faire, avec l'appui de parlementaires du lobby pro-armes présents lors de la signature du décret. "C'est avec une grande satisfaction que j'ai signé ce décret (...) pour que les gens bien puissent, dans un premier temps, être en paix chez eux", a-t-il affirmé. Ce décret assouplit le "Statut du désarmement" de 2003, qui dressait de nombreuses barrières administratives à la détention d'armes.
Le chef d'État a expliqué avoir pris cette décision en raison d'un référendum organisé par la gauche en 2005, par lequel près de 64% des Brésiliens avaient rejeté une loi qui prévoyait, entre autres, l'interdiction totale de la commercialisation d'armes.
Avec le nouveau décret, les candidats à la détention d'une arme à feu ne devront plus justifier d'un besoin "subjectif" de se défendre, en faisant par exemple état de menaces spécifiques. "Le grand problème de la loi précédente était le fait de devoir prouver la nécessité (de la détention d'une arme, ndlr), selon des critères à la limite du subjectif", a expliqué Jair Bolsonaro.
Un taux d'homicide trois fois supérieur au seuil de l'ONU
Cette nécessité devient "effective" dans les États du Brésil où le taux d'homicide est supérieur à 10 pour 100.000 habitants, autant dire tout l'immense territoire brésilien. "C'est exactement ça. Dans tout le pays, tout citoyen a le droit de faire une demande de détention d'armes", a confirmé peu de temps après le chef de gouvernement, Onyx Lorenzoni, interrogé par la chaîne locale Globonews. Le taux d'homicide dans le géant d'Amérique latine est de 30,8 pour 100.000 habitants, trois fois supérieur à celui de 10 pour 100.000 considéré par l'ONU comme le seuil de violence endémique.
Chaque citoyen pourra détenir jusqu'à quatre armes, et bien plus encore dans le cas des multi-propriétaires terriens des zones rurales. Un geste de Jair Bolsonaro à l'égard de ses soutiens, souvent aux prises avec des révoltes de paysans sans terre ou des populations indigènes. Certaines restrictions sont inchangées : il faut toujours être âgé de 25 ans au moins, avoir un casier judiciaire vierge, une occupation légale et avoir passé une évaluation psychologique et technique.
61% des Brésiliens opposés à la détention d'armes
"Plus la population est armée, moins il y a de violence, a osé Lorenzoni. Pourquoi ? Parce que, partout dans le monde, les bandits ont peur des gens armés". Loin de faire l'unanimité au sein de la population, cet argument est contesté par des ONG, ainsi que par des spécialistes de questions de sécurité. "Tout le monde sait que plus d'armes en circulation signifie plus de morts et plus de violence. Et le nombre de victimes va probablement augmenter du côté des citoyens lambda qui n'ont pas l'habitude de manier des armes à feu", a expliqué à l'AFP Silva Ramos, du Centre de recherches sur la sécurité et la citoyenneté (Cesec). "C'est très inquiétant, parce que le citoyen devient responsable de sa propre sécurité. C'est comme si Bolsonaro disait: 'Achète ton arme, maintenant, sinon ne te plains pas auprès de moi si les homicides ont augmenté'".
Un sondage réalisé fin décembre par l'institut Datafolha montrait que 61% des Brésiliens étaient opposés à la détention d'armes par la population, contre 55% au moment de la précédente enquête de ce type, en octobre.