Où sont passés les 11 milliards de dollars promis au Liban en 2018 ?

Publié le 6 août 2020 à 14h07, mis à jour le 6 août 2020 à 14h23
Le Premier ministre libanais, Saad Hariri,  lors de la conférence internationale CEDRE en avril 2018
Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, lors de la conférence internationale CEDRE en avril 2018 - Source : LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

DÉCRYPTAGE - La double explosion meurtrière de Beyrouth vient aggraver la situation d'un pays déjà rongé par la crise économique depuis de nombreuses années. En 2018, le Liban, au bord du gouffre, a obtenu une promesse d'assistance internationale de plusieurs milliards de dollars. Une somme qui n'a finalement pas été versée.

Onze milliards de dollars de promesses de prêts et de dons. C'est ce qu'a obtenu le Liban à l'issue de la Conférence internationale CEDRE, le 6 avril 2018, à Paris. L'objectif de ce rassemblement ? Soutenir l'économie du Liban, relancer sa croissance et plus globalement favoriser son développement. Une belle victoire à l'époque pour le gouvernement d'un État embourbé dans une situation économique des plus précaires.

Toutefois le versement de ces fonds internationaux était assujetti à la complétion de certaines conditions, en accord avec le FMI (Fond monétaire international). Le Liban devait notamment engager des réformes structurelles permettant sur le long terme de retrouver une trajectoire économique vertueuse. C'était sans compter sur le "côté passif" (Jean-Yves le Drian en juin 2020) des dirigeants libanais. Une inaction qui explique que l'aide promise n'ait finalement pas été versée.

Un pays déjà au bord du précipice avant la catastrophe

Aujourd'hui, et avant même la catastrophe de Beyrouth, la santé économique du Liban s'est encore dégradée. Le pays qui croule sous une dette de 92 milliards de dollars, soit 170% du Produit intérieur brut, est marqué par une dépréciation monétaire inédite (la livre libanaise a perdu 70% de sa valeur depuis octobre 2019) et des restrictions bancaires drastiques. Les 30% de chômage et l'hyperinflation marginalisent de plus en plus une population déjà extrêmement pauvre (environ 45% de la population vit sous le seuil de pauvreté, 22% serait en état de pauvreté absolue). 

"Une absence réelle de volonté" de réformer

Après avoir annoncé en mars une cessation partielle du paiement de ses dettes, le Liban s'est tourné vers le Fond monétaire international pour obtenir une aide d'urgence. Les tractations traînent depuis plusieurs mois désormais, sans que les dirigeants ne parviennent à satisfaire les exigences du FMI. La classe politique reste engluée dans ses divisions. Avant de démissionner, le ministre des Affaires étrangères, Nassif Hitti, a dénoncé le 3 août dernier une "absence de réelle volonté" d'entreprendre des réformes. 

L'explosion du port de Beyrouth a encore assombri les perspectives du pays. La capitale, poumon du pays, est au bord de la ruine. De nombreux États ont déjà affirmé qu'ils allaient soutenir financièrement le Liban. La Banque mondiale a aussi promis qu'elle allait "déployer son expertise pour entreprendre une évaluation rapide des dommages et des besoins et pour élaborer un plan de reconstruction". Il reste toutefois peu probable que cette "simple" solidarité suffise. Il devient aujourd’hui, plus que jamais, urgent de trouver un accord avec le FMI pour bénéficier d'une manne financière conséquente. Et donc d'engager un processus de réformes structurelles massives.


Maxence GEVIN

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