"Caméléon Bonaparte" : Jacques Chirac vu par la presse étrangère

par Matthieu JUBLIN
Publié le 26 septembre 2019 à 16h16, mis à jour le 26 septembre 2019 à 22h38

Source : JT 13h Semaine

TOUR DU MONDE - "Flamboyant" pour le Washington Post, "disgracié" selon le Sun, "rouillé par les scandales" selon la BBC... La mort de Jacques Chirac ce jeudi fait la Une de la presse étrangère, qui en avant son action internationale, notamment son refus de participer à la guerre d'Irak.

Quelle image laissera Jacques Chirac hors de France ? Pour le savoir, LCI a épluché la presse internationale, dont les Unes évoquent le décès de l'ancien chef d'État avec de manière très différente. Entre hommage à la politique internationale de l'ex-président français et coups de projecteurs sur ses déboires, les titres étrangers dessinent un portrait tout en nuance de Jacques Chirac.

Dès les premières alertes reçues sur les téléphones, les divergences étaient de mise. Tandis que la majeure partie des médias français alertaient sur la mort de l'ancien président, le New York Times a décidé de mettre en avant les convictions pro-européennes de Jacques Chirac, tandis que la BBC a évoqué en premier lieu les "affaires" de celui qui aura été le premier président de la République condamné en justice. 

"Caméléon Bonaparte"

Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, les titres se distinguent nettement les uns des autres dans leur couverture de la mort de Jacques Chirac. Outre-Manche, le Telegraph choisit la sobriété et rappelle, comme la BBC, quelques uns des surnoms attribués à l'ancien chef d'État par certains détracteurs, comme la "girouette" ou "Caméléon Bonaparte". Le Sun reste quant à lui fidèle à son identité, en évoquant un ex-président "disgracié" et marqué par la maladie. Le tabloïd britannique s'était attaqué à plusieurs reprises au président français après son opposition à l'invasion de l'Irak en 2003, le traitant (en français) de "ver", ou le comparant à Saddam Hussein.

Côté américain, le Washington Post insiste sur le caractère "flamboyant" de Jacques Chirac, à travers son "non" de 2003. Tout comme le Wall Street Journal, qui évoque "l'image paternelle" de l'ancien président. Pour Fox News, ce refus d'accompagner les États-Unis dans la guerre a "affaibli l'Alliance atlantique", mais a permis au chef d'État français d'engranger des soutiens à l'international. Étrangement, on trouve très haut dans l'article une photo d'une rencontre entre Jacques Chirac et Saddam Hussein, dont la légende indique que le fichier date du 30 décembre 2006 - date de la mort du dictateur irakien - alors que la photo a été prise en 1974.

Le "non" à la guerre d'Irak, et la reconnaissance de la responsabilité de l'État français dans les crimes nazis

En Espagne aussi, El Pais met en avant l'opposition de Chirac à la guerre d'Irak - à laquelle Madrid a participé - et la longévité de l'homme politique, qualifié comme souvent de "centre-droit". L'autre quotidien de référence espagnol, El Mundo, évoque "un homme agité et d'action, méprisé par l'élite intellectuelle, fidèle aux personnes mais infidèle aux idées (et à son épouse)". Le quotidien rappelle également la reconnaissance par le président français de la responsabilité de l'État français dans la collaboration avec les nazis lors de la Seconde guerre mondiale. Une reconnaissance aussi saluée par le quotidien israélien Haaretz, qui qualifie Chirac de "diplomate global accompli, qui a échoué à réformer l'économie ou à désamorcer les tensions entre la police et les jeunes issues des minorités lors de émeutes de 2005".

VIDÉO - 1932-2019 : Jacques Chirac est mort, retour sur son parcours politiqueSource : Sujet TF1 Info

En Allemagne, Die Zeit raconte également la diplomatie "gaullienne" de Chirac et sa "popularité" auprès des Français. Le Süddeutsche Zeitung préfère titrer en français sur l'aspect "charmeur" d'un leader politique "conscient de son pouvoir".

En Italie, la Repubblica rappelle dès le premier paragraphe la victoire de Chirac face à Jean-Marie Le Pen en 2002. Le Corriere della Serra raconte pour sa part les débuts à gauche de celui qui est devenu "représentant de la droite néo-gaulliste française", mais qui vendait L'Humanité dans sa jeunesse et fréquentait Michel Rocard.

Une vie politique consacrée à la conquête, plus qu’à l’exercice du pouvoir suprême
Le Temps

"Son héritage politique est à l’image de l’homme qu’il fut : trop pressé, écartelé entre ses aspirations au long cours, et les contraintes d’une vie politique consacrée à la conquête, plus qu’à l’exercice du pouvoir suprême", écrit Richard Werly, correspondant parisien du quotidien suisse Le Temps. Ce dernier choisit de s'attarder sur plusieurs photos, dont la première donne une idée de la longévité en politique du "vieux lion". On voit Jacques Chirac, assis aux côtés de Pompidou, en 1968, lors de la signature des accords de Grenelle. Déjà, il était surnommé "le bulldozer". 

Un leader de la droite dont l'héritage est "construit sur des questions non-idéologiques, presque consensuelles"

C'est aussi "l'animal politique" qui transparaît dans la nécrologie de la Folha de Sao Paulo, l'un des principaux titres brésiliens. Désignant Chirac comme le grand leader de la droite sur plusieurs décennies, le journal trouve néanmoins "curieux" que son héritage soit "construit sur des questions non-idéologiques, presque consensuelles" comme l'abolition du service militaire, la lutte contre la mortalité au volant ou la construction du musée du quai Branly à Paris.

Au Japon, le média public NHK évoque enfin la "connaissance approfondie de la culture japonaise" dont faisait preuve Jacques Chirac, notamment sa passion pour le sumo, tout en rappelant que c'est lui qui avait repris les essais nucléaires dans le pacifique, s'attirant les critiques de la communauté internationale. Le professeur Hiroki Watanabe, spécialiste de la diplomatie française à l'université de Tokyo, décrit l'ancien président comme "la dernière personne à avoir travaillé à la multipolarisation du monde".


Matthieu JUBLIN

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