Corée du Nord (8/10) - Pourquoi le régime inspire-t-il les plus folles rumeurs ?

Publié le 23 octobre 2017 à 8h00, mis à jour le 24 octobre 2017 à 10h55

Source : JT 20h Semaine

LA CORÉE DU NORD, EPISODE 8/10 - A quoi joue Kim Jong-Un ? En multipliant ses essais militaires au fil des mois, le régime de Pyongyang est devenu un "Etat voyou", selon Donald Trump. Les deux hommes se livrent depuis à une joute verbale aux conséquences imprévisibles. Une crise que LCI vous aide à décrypter à travers une série d'articles. Ici, focus sur les plus folles histoires circulant sur le pays... et pourquoi il ne faut pas s'y fier.

Connaissez-vous la dernière histoire qui circule sur Kim Jong-Un ? Le dictateur nord-coréen aurait échappé de justesse à une tentative d’assassinat en mai dernier, orchestrée par la CIA. C’est en tout cas ce que KCNA (l’agence de presse officielle du régime) rapporte ces jours-ci et, même si l’information est tout sauf avérée, elle est reprise par une partie de la presse anglo-saxonne. Il faut dire que, depuis plusieurs années, une machine à rumeurs tourne à plein régime à propos du… régime.

La plus connue de ces folles histoires est sans doute celle qui, en janvier 2014, a impliqué Jang Song-Thaek, l'oncle de Kim Jong-Un. La version la plus spectaculaire véhiculée était la suivante : le dictateur a fait jeter en pâture à 120 chiens affamés son oncle, nu, qui avait eu une liaison avec la jeune épouse du dirigeant. La femme de l'oncle, victime d'une attaque cardiaque consécutive au choc émotionnel, se serait retrouvée dans le coma. Rapportée par plusieurs médias, l'affaire aurait pour origine un tweet satirique posté par un journal chinois, Wen Wei Po. Problème : seuls l'arrestation, le procès express et l'exécution ont été annoncés officiellement par Pyongyang. Le reste provient de sites internet opérés par des Nord-coréens réfugiés au Sud et de médias sud-coréens, qui, notent les analystes, ont intérêt à dresser le portrait le plus noir possible du régime.

Corée du nord : reportage à la frontière, l'une de zones plus sensibles au mondeSource : JT 20h Semaine

"Des rumeurs restent des rumeurs"

Il faut dire que démêler le vrai du faux à propos de la Corée du Nord est une tâche ardue. Dans ce pays secret et isolé, dirigé d'une main de fer depuis trois générations par les Kim, les rumeurs les plus surréalistes paraissent presque crédibles. Pêle-mêle, des étrangers seraient enlevés pour devenir espions, les homonymes de Kim Jong-Un seraient priés de changer de nom… Pourquoi autant d'histoires circulent-elles ? En grande partie car le régime verrouille tous les canaux d'information et de communication, rendant difficile la vérification des rumeurs. Parallèlement, l'intérêt de la presse internationale est énorme, surtout lorsqu'il s'agit d'histoires à sensations qui confortent le public dans sa perception de la Corée du Nord comme un pays étrange, brutal et arriéré.

"Des rumeurs restent des rumeurs, cela ne sert à rien de les commenter", estime pour LCI Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine et de la Corée du Nord à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Kim Jong-Un serait à la tête d'une fortune de plusieurs millions de dollars ? Invérifiable, estime le chercheur. "Personne ne sait rien sur sa fortune, elle est impossible à estimer. Mais vu le type de régime, il n'a pas de problème financier…" 

Propagande contre propagande

Pour Pascal Dayez-Burgeon, directeur adjoint de l'Institut des sciences de la communication du CNRS et ancien diplomate en Corée, "il est difficile de savoir ce qui est crédible dès lors que le régime manie depuis des années la fake news." Selon ce dernier, il y a une désinformation émanant en grande partie de Corée du Sud, qui est souvent reprise par les médias. Pour une raison simple : "Tout cela est 'amusant', par exemple quand on apprend que Kim Jong Un aurait inventé le hamburger ou autre chose extravagante. La plupart du temps cela est faux, sauf que si vous les mettez en doute, on vous accuse d'être favorable au régime…"

Outre le blocus presque total sur les informations, le culte de la personnalité autour de la dynastie des Kim et le langage belliqueux de Pyongyang donne l'impression à l'étranger que le pays est aux mains d'une clique paranoïaque. Ainsi, la presse officielle nord-coréenne a accusé Jang Song-Thaek, le malheureux oncle, d'être un coureur de jupons, un drogué décadent, "un débris humain méprisable, pire qu'un chien". Le régime de Pyongyang est coutumier de ce type d'hyperboles, un élément de la propagande destinée à sa population.


Thomas GUIEN

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