Covid-19 : Thanksgiving a-t-il provoqué une "résurgence de l'épidémie" au Canada?

Publié le 21 novembre 2020 à 17h29
Un magasin décoré pour Noël, à Londres, le 20 novembre 20
Un magasin décoré pour Noël, à Londres, le 20 novembre 20 - Source : Tolga Akmen / AFP

NOËL - Pour arguer de l'importance de ne pas sortir du confinement trop vite, Olivier Véran a utilisé l'exemple du Canada, où Thanksgiving a bel et bien provoqué une "résurgence de l'épidémie" de coronavirus.

L'argumentaire est prêt. Le ministre de la Santé "ne peut pas promettre que nous pourrons être rassemblés", à l'occasion des fêtes de fin d'année. Si on ne sait pas comment l'on pourra, ou non, fêter Noël, Olivier Véran a d'ores et déjà esquissé ses explications pour justifier que la France ne sorte pas trop vite d'un confinement. Ce mardi 17 novembre, il invitait chacun à "prendre l'exemple du Canada" qui a vu une "résurgence de l'épidémie" de coronavirus après les fêtes du mois dernier.

La mise en garde des autorités

Alors que le pays "avait mis en place des mesures pour freiner" la propagation du Covid-19, la population a estimé que fêter Thanksgiving était "quand même important", relève le ministre au micro de BFMTV. Résultat, le pays a été témoin d'une "croissance des cas, et derrière, ils ont été obligés de refermer". "On ne veut pas de cela",  concluait le ministre. De fait, si les Etats-Unis fêtent Thanksgiving ce jeudi, leur voisin du nord les a devancés d'un mois. Appelée "l'Action de grâce", cette fête est célébrée chaque année au Canada le deuxième lundi d'octobre, soit le 12 octobre. L'occasion de s'unir en famille pour de longs repas, sans masque, donc, autour de la traditionnelle dinde, accompagnée de ses légumes d'automne. L'occasion aussi pour chacun de retrouver ses proches, et donc de provoquer un important brassage de la population dans le pays tout au long de ce week-end de trois jours.

Un événement qui, par essence, inquiétait donc les autorités du pays.  Avant ce long week-end, elles avaient déjà mis en garde la population. Notamment François Legault, Premier ministre du Québec. Dans un tweet cité ci-dessus, le dirigeant appelait le 9 octobre dernier à "résister à la tentation" de se retrouver en famille. Un avertissement faisait écho à celui lancé par le Premier ministre du pays quelques jours avant. Fin septembre, Justin Trudeau avait suggéré à la population d'envisager l'annulation complète des rassemblements afin "d'avoir une chance à Noël", et avait limité les rassemblements pour cette célébration à "six personnes ou moins". 

Une courbe déjà en hausse

Mais cela n'a pas empêché la flambée tant redoutée. Au contraire. La semaine précédant Thanksgiving, soit le lundi 12 octobre, le Canada avait recensé en moyenne 1700 nouveaux cas par jour, selon les données de Our World in Data. Deux semaines plus tard, fin octobre, le pays passait à 2500 cas en moyenne. Ce 19 novembre, il atteignait un chiffre record avec 4800 nouveaux cas enregistrés en 24 heures. Cependant, et contrairement à la France actuellement, il est important de noter que la courbe des contagions était à ce moment-là en pleine hausse. Le "pic" de la seconde vague n'était absolument pas passé. Ainsi, dès la fin septembre, les autorités prédisaient que, si les Canadiens ne changeaient pas leur comportement, la pandémie allait faire 3000 nouveaux malades par jour dans les deux semaines.

 Alors peut-on réellement imputer à cette fête la situation sanitaire ? Où s'agit-il d'un phénomène épidémiologique naturel ? Les autorités font, elles, directement le lien. Dès la fin octobre, le directeur adjoint de la Santé publique du Canada affirmait que "dans certains territoires, nous savons que les rassemblements pendant le week-end de la Thanksgiving ont contribué à l'augmentation du nombre de cas que nous constatons aujourd'hui". Idem du côté des experts. Interrogé par Time, le chercheur Matthew Oughton soulignait ainsi que, tandis que des mesures restrictives avaient été prises dès le 1er octobre,  notamment à Québec, elles n'ont pas pu montrer leur efficacité. Malgré l'interdiction de recevoir des proches, les fermetures de bars, restaurants et musées, "nous n'avons pas vu la diminution que nous nous attendions à voir", relevait ce professeur à la faculté de McGill, qui se dit "frappé" par ces observations. Avançant une théorie assez simple : "Alors que les restrictions auraient dû faire baisser les contaminations, Thanksgiving a en fait accéléré leur rythme."

Nombre de cas de coronavirus enregistrés chaque jour au Canada, selon Our World in Data, données arrêtées au 21 novembre 2020
Nombre de cas de coronavirus enregistrés chaque jour au Canada, selon Our World in Data, données arrêtées au 21 novembre 2020 - Our World in Data

Même constat du côté de la chercheuse Laura Rosella. Auprès de CBS News, elle remarquait elle aussi que le pays n'avait pas fait face à une augmentation soudaine. L'épidémiologiste de l'Université de Toronto a cependant noté que "le nombre le plus élevé" de contaminations a bien eu lieu "dans les deux semaines qui ont suivi Thanksgiving". "Ce qui est cohérent avec la période d'incubation." Auprès de la chaîne américaine, elle a précisé que cette flambée s'était produite sans que le taux de dépistage n'augmente. La chercheuse a toutefois salué le comportement de la population, dont une partie ne s'est pas regroupée à plusieurs personnes. Ce qui signifie à ses yeux que le pire a été évité.

Si Thanksgiving a produit un tel effet au Canada, il est possible qu'aux États-Unis, elle soit encore pire. Le taux d'incidence y est cinq fois plus élevé et le taux de mortalité jusqu'à trois fois en fonction des États. Des situations qui seront sans aucun doute surveillées de près en France, notamment depuis le ministère de la Santé. 

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Felicia SIDERIS

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