Crise des sous-marins : la surprenante lettre envoyée par l'Australie à la France

Publié le 22 septembre 2021 à 12h51, mis à jour le 22 septembre 2021 à 15h23

Source : TF1 Info

SATISFACTION - Le 15 septembre, quelques heures avant le coup de tonnerre de l'annonce de la rupture d'un contrat d'armement par l'Australie, ses responsables avaient pourtant envoyé à la France une lettre exprimant leur satisfaction pour l'avancée du projet.

Le ministère des Armées a révélé avoir reçu le matin du 15 septembre une lettre de satisfaction des autorités australiennes quant à l'avancée en vue du contrat d'armement. Un rapport d'étape qui selon le porte-parole de la Défense signifiait en clair : "En avant pour lancer la prochaine phase du contrat". Quelques heures plus tard, le Premier ministre australien annonçait la rupture du contrat de commande de sous-marins à la France. 

On sait encore peu de choses sur le contenu ou les auteurs exacts de la lettre de satisfaction australienne, envoyée à quelques heures de l'annonce de la rupture du contrat, et que le ministère français envisagerait désormais de déclassifier. Son existence pointe cependant une contradiction majeure de la part des Australiens, qui n'ouvre que deux hypothèses : soit des services militaires australiens au plus haut niveau ont été maintenus jusqu'au bout dans l'ignorance du traité AUKUS, soit il s'agit d'une duplicité des autorités australiennes parfaitement assumée.

Outre cette lettre, qui souligne une fois de plus la dimension inattendue de la décision australienne, le porte-parole des Armées a énuméré dans un long thread sur Twitter les contradictions de Canberra pour justifier la rupture du contrat. Nommé en décembre dernier pour porter la voix de la Défense, Hervé Grandjean est polytechnicien et ingénieur en chef de l'armement. C'est donc sur le plan technique qu'il concentre ses attaques. 

"Mauvaise affaire"

Selon lui, l'Australie fait "une mauvaise affaire" sur plusieurs points en optant pour l'offre américaine, qui sapent les prétextes économiques mis en avant par le ministère australien de la Défense. Ainsi, Hervé Grandjean estime que l'Australie perd 10 ans dans sa course à l'armement face à la Chine : le premier sous-marin français aurait été livré en 2030, tandis qu'il évalue qu'en redémarrant un programme aujourd'hui avec les Américains, il faudra attendre au mieux 2040 pour une première livraison. 

Le sous-marin américain pas supérieur au français

Hervé Grandjean rejette aussi l'argument du mieux-disant technique évoqué à propos de l'offre américaine. Par exemple, le sous-marin français serait selon lui plus apte aux missions furtives que le modèle nucléaire américain, obligé de faire tourner en permanence "un système de refroidissement de son réacteur en marche"

Quant à l'autonomie en plongée du bâtiment diesel et électrique français, s'il reconnaît qu'elle est "par nature" inférieure à celle d'un sous-marin nucléaire, il rappelle qu'elle est conforme au cahier des charges, c’est-à-dire apte aux missions projetées par la marine australienne.

L'imbroglio de la technologie nucléaire

Mais les principales contradictions relevées par le porte-parole des Armées tiennent à la technologie nucléaire, le véritable changement de pied stratégique de l'Australie dans ce qu'on appelle désormais "l'affaire des sous-marins". Comme d'autres responsables avant lui, il pointe que c'est l'Australie qui n'en voulait pas, rappelant que son "livre blanc" stipulait que "la propulsion nucléaire des sous-marins [était] exclue". Il relève aussi la contradiction d'un tel choix avec la volonté affichée par le pays, de "ne pas vouloir d’industrie nucléaire ni civile, ni militaire", qui rendra complexe et coûteux le transfert de cette technologie des États-Unis vers l'Australie- et exclut par avance un assemblage local qui aurait profité à l'emploi australien. 

Enfin, Hervé Grandjean balaie l'argument commercial : selon les prix catalogue connus, les sous-marins nucléaires américains SSN Virginia seraient bien plus coûteux que leur équivalent français, le Barracuda. Avec cette énumération de contre-arguments face aux justifications australiennes, le porte-parole des Armées balaie les causes techniques ou commerciales, laissant à penser que la seule vraie raison qu'ont eu les Australiens de rompre le contrait était de rejoindre l'alliance annoncée le même jour, avec les États-Unis et la Grande-Bretagne.


Frédéric SENNEVILLE

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