"Defunding the police" : se dirige-t-on vraiment vers un démantèlement de la police à Minneapolis ?

Publié le 9 juin 2020 à 14h35, mis à jour le 10 juin 2020 à 18h11
Les policiers de Minneapolis doivent s'attendent à des changements majeurs dans les mois qui viennent.
Les policiers de Minneapolis doivent s'attendent à des changements majeurs dans les mois qui viennent. - Source : Kerem Yucel / AFP

À LA LOUPE – L'annonce d'un "démantèlement" de la police à Minneapolis suite à la mort de George Floyd a été largement relayée. Mais que signifient pour autant ces annonces ? LCI fait le point sur le mouvement "defunding the police", qui fait entendre sa voix aux Etats-Unis.

La mort de George Floyd a largement dépassé le cadre du fait divers tragique, pour prendre désormais une tournure très politique. À Minneapolis, la ville où il est décédé le 25 mai dernier, la municipalité a indiqué dimanche qu'elle souhaitait procéder au "démantèlement" de la police. 

"Nous nous sommes engagés à démanteler les services de police tels que nous les connaissons dans la ville de Minneapolis et à reconstruire avec notre population un nouveau modèle de sécurité publique qui assure vraiment la sûreté de notre population", a ainsi déclaré Lisa Bender, la présidente du Conseil municipal interrogée par CNN.

Cette annonce fait écho à un mouvement qui prend peu à peu de l'ampleur aux Etats-Unis, derrière le slogan "Defunding the police". Une expression que l'on pourrait traduire par "définancer la police" et qui va à l'encontre des politiques sécuritaires habituellement menées outre-Atlantique. Si le "démantèlement" annoncé à Minneapolis prend forme, il ne passera pas forcément par la disparition pure et simple de la police. En revanche, une organisation nouvelle va émerger, avec une stratégie tournée en priorité vers les habitants.

Réorienter les fonds

Lisa Bender, dans les médias américains, a estimé que la police de la ville n'était en l'état "pas réformable". Ainsi, elle juge nécessaire de "mettre fin au système de maintien de l'ordre actuel", en vigueur à Minneapolis. Concrètement, cela devrait se traduire par l'allocation de budgets jusque-là dévolus à la police vers de nouveaux projets, s'appuyant davantage sur la population. 

Les partisans du mouvement "Defunding the police", notamment la nouvelle génération d'élus démocrates incarnée par Alexandria Ocasio-Cortez, ont sans nul doute accueillir ces annonces avec enthousiasme, eux qui réclament des mesures similaires à l'échelle des Etats-Unis. Le "principe de base" de ce mouvement, relate The Guardian, "est que les budgets gouvernementaux et les dépenses de sécurité publique doivent donner la priorité au logement, à l'emploi, à la santé communautaire, à l'éducation et à d'autres programmes vitaux, plutôt qu'aux agents de police."

Cette ligne politique prône une rupture et requiert que soient repensée en profondeur les l'attribution des fonds afin d'interroger l'impact social des dépenses. "Les défenseurs de ce principe soutiennent que le defunding est le meilleur moyen d'avancer, car les tentatives de réforme des pratiques policières de ces cinq dernières années ont échoué", ajoute le quotidien britannique. 

En pratique, il faut donc s'attendre à voir les sommes dédiées chaque année à la police baisser en flèche. Des économies qui pourront servir à financer des projets de développement à travers la ville, susceptibles de favoriser son développement et de mieux répondre aux problématiques rencontrées par la population. Avec, en toile de fond, le pari de réduire subséquemment la criminalité.

À contre-courant

En marge de ce courant, le fonctionnement même de la police est amené à évoluer. Si la question des méthodes utilisées lors des interpellations a été évoquée en France lundi par Christophe Castaner (avec la fin annoncée des prises par le cou, notamment), le débat agite aussi la société américaine. "Le maire de Minneapolis, Jacob Frey, a récemment signé une ordonnance interdisant à la police l’interpellation par strangulation", rappelle Kombini.

Toucher au financement des forces de sécurité constituerait aux Etats-Unis un changement d'approche majeur, le coût de ces dernières ayant été multiplié par trois en l'espace de quatre décennies, comme le soulignait une récente étude.  

Cérémonie d’hommage à George Floyd aux États-UnisSource : JT 20h Semaine

Les partisans d'un maintien de l'ordre strict, défenseurs de la police et de son fonctionnement, n'ont pas tardé à manifester leur opposition. Le mouvement "Defunding the police" leur semble non seulement constituer une réponse inadaptée aux problèmes soulevés par la mort de George Floyd, mais aussi une vision risquée. Ce qu'a défendu le président Trump à travers une prise de position publique. Il a ainsi affiché sa colère sur Twitter (comme souvent), dans un message sans ambiguïté. "La loi et l’ordre, pas la fin des financements et l’abolition de la police ! Les démocrates de la gauche radicale sont devenus fous", s'est-il emporté.

Sans surprise, les policiers américains rejettent eux-aussi ces annonces et jugent dangereux une baisse des financements dont ils disposent. Ils ont ainsi expliqué que dans le contexte actuel, les pillages et dégâts matériels observés dans les villes lors des manifestations apportaient la preuve que la police manquait de moyens pour assurer le maintien de l'ordre, et qu'une réponse juste consisterait au contraire à augmenter les ressources à leur disposition.

A Minneapolis, de grands changements sont donc à prévoir, avec une réorganisation complète de la police. Si la disparition pure et simple de cette dernière n'est sûrement pas à prévoir en totalité, la municipalité prévoit de réorienter une grande partie des budgets qui lui étaient consacrés. Des sommes qui devraient êtes destinées au financement de projets sociaux, destinés en priorité à répondre aux besoins des populations. 

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Thomas DESZPOT

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