CRISE POLITIQUE - Au bout d'âpres débats qui auront duré cinq heures, Theresa May pensait avoir convaincu mercredi son gouvernement que l'accord conclu avec Bruxelles était le bon. Mais plusieurs de ses membres ont annoncé dès le lendemain qu'ils quittaient le navire.
Crise politique au Royaume-Uni. Theresa May n'aura eu que quelques heures de répit : alors le gouvernement britannique vient tout juste de valider l'accord qu'elle a conclu avec l'Union européenne, plusieurs de ses ministres ont annoncé leur démission. Pas question pour la patronne du gouvernement d'en faire autant : en conférence de presse ce jeudi soir, elle a affirmé qu'elle agissait dans l'intérêt national et continuerait de le faire.
La Première ministre britannique a estimé que le projet d'accord de Brexit était "le meilleur" possible pour le Royaume-Uni. "Je crois, avec chaque fibre de mon être, que le chemin que j'ai suivi est le meilleur pour mon pays", a déclaré Theresay May. "Est-ce que je vais aller jusqu'au bout ? Oui", a-t-elle ajouté, excluant l'organisation d'un nouveau référendum. Et la patronne du 10, Downing Street d'ajouter : "Mon seul objectif a été de placer l'intérêt du pays avant celui de tout le reste, y compris du parti".
Quelques heures auparavant, le ministre du Brexit lui-même avait claqué la porte. "Je ne peux pas concilier les termes du projet d'accord avec les promesses que nous avons faites au pays dans notre programme des dernières élections", a déclaré Dominic Raab. Avec lui partent la secrétaire d'Etat chargé du Brexit, Suella Braverma, la ministre du Travail, Esther McVey et celui chargé de l'Irlande du Nord, Shailesh Vara. "L'accord que vous avez présenté au cabinet hier (mercredi) ne reflète pas le résultat du référendum" de juin 2016, où 52% de Britanniques s'étaient prononcés pour la sortie de l'UE, regrette notamment Esther McVey, qui avait elle-même voté pour la sortie de l'UE, dans sa lettre de démission publiée sur son compte Twitter.
Today, I have resigned as Brexit Secretary. I cannot in good conscience support the terms proposed for our deal with the EU. Here is my letter to the PM explaining my reasons, and my enduring respect for her. pic.twitter.com/tf5CUZnnUz — Dominic Raab (@DominicRaab) 15 novembre 2018
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Si la plupart des points de l'accord étaient connus depuis décembre dernier, la question de l'Irlande vient tout juste d'être réglée et suscite de grandes crispations. Avec la sortie du Royaume-Uni de l'UE, la frontière de 500 kilomètres entre la République d'Irlande et l'Irlande du nord deviendra une frontière extérieure de l'Union. Pour éviter de rétablir une frontière physique et risquer de relancer les tensions entre le Nord et le Sud, une solution a été trouvée : une clause de sauvegarde, le "backstop".
En quoi consiste-t-elle ? Au maintien d'une union douanière dans l'ensemble du Royaume-Uni doublé d'un alignement réglementaire entre l'Irlande du Nord - seule -et l'UE. Autre concession pour éviter d'avoir à négocier des droits de douane avec tous les pays étrangers et pour ne pas s’acquitter de tels droits auprès de l'Union : le pays conservera les règles européennes anti-dumping.
Pour les ministres et secrétaires d'Etat démissionnaires, cette mesure remet en cause l'intégrité territoriale du Royaume-Uni tout en fragilisant la position de Londres pour les futures négociations commerciales avec Bruxelles.
Earlier this morning I informed the Prime Minister I was resigning from her Cabinet pic.twitter.com/ZeBkL5n2xH — Esther McVey (@EstherMcVey1) 15 novembre 2018
Déjà critiquée de toutes parts, Theresa May se retrouve donc encore plus affaiblie. Après ces démissions en chaîne, elle semble même à la merci d'une motion de censure que pourraient déposer les élus eurosceptiques de son propre Parti conservateur. Plusieurs d'entre eux ont assuré jeudi matin disposer des 48 signatures nécessaires pour organiser un vote de défiance, soit le seuil nécessaire de 15% des élus du groupe parlementaire des Tories, selon un journaliste de la chaîne ITV.
WATCH LIVE: PM @Theresa_May updates the House of Commons on Brexit https://t.co/5MHX1P5AYY — UK Prime Minister (@10DowningStreet) 15 novembre 2018
Même si la Première ministre échappe à cette motion, les différents élus entendent voter contre le projet de Brexit lorsque le Parlement de Westminster sera appelé à se prononcer, un vote attendu au début du mois de décembre. Selon les calculs de médias britanniques, il manquerait environ 80 voix au gouvernement pour faire adopter le texte, ce qui l'obligerait à compter sur le soutien d'au moins une partie de l'opposition travailliste pour surmonter cet obstacle incontournable.
Or, là encore, elle ne peut compter sur aucun soutien. "Le gouvernement se délite sous nos yeux", a déclaré Jon Trickett, membre de la garde rapprochée du chef de file des travaillistes, Jeremy Corbyn. " "Theresa May (...) est de toute évidence incapable d'accoucher d'un accord de Brexit qui recueille ne serait-ce que le soutien de son gouvernement - sans parler du Parlement et de la population britannique", a-t-il dit, estimant que Theresa May n'avait plus "aucune autorité".
La Première ministre, de son côté, a tenté d'averti ce jeudi que les choix étaient limités. "Le choix est clair: nous pouvons choisir de partir sans accord, risquer qu'il n'y ait pas de Brexit du tout ou soutenir le meilleur accord négociable", a-t-elle martelé face aux députés.