Démissions en série après l'accord sur le Brexit : qu'est-ce qui coince avec l'Irlande ?

Publié le 15 novembre 2018 à 12h58, mis à jour le 16 novembre 2018 à 0h42
Démissions en série après l'accord sur le Brexit : qu'est-ce qui coince avec l'Irlande ?

ROYAUME-(DÉS)UNI– Le scepticisme à l’égard du texte de 600 pages conclu ce mercredi entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, s'est traduit ce jeudi par quatre départs du gouvernement de Theresa May, à commencer par celle du secrétaire d'Etat pour l'Irlande du Nord, province britannique dont le sort est au cœur des ultimes discussions sur le retrait. LCI vous explique pourquoi la question irlandaise est un point majeur de discorde.

"Je ne peux soutenir l'accord proposé pour deux raisons", liées notamment au futur statut de l'Irlande du Nord après le Brexit, a expliqué ce jeudi l'eurosceptique Dominic Raab - ministre en charge  du Brexit - dans sa lettre de démission publiée sur son compte Twitter. Moins de 24 heures après avoir annoncé avoir obtenu le soutien de ses ministres, la première ministre britannique Theresa May perd un poids lourd de son gouvernement. Il a été rejoint par la secrétaire d'Etat du Brexit, Suella Braverman, ainsi que la ministre du Travail, Esther McVey. Auparavant, Shailesh Vara le secrétaire d'Etat à l'Irlande du Nord, province britannique dont le sort constitue le principal cœur du problème, avait également annoncé son départ. 

Pourquoi la question de l'Irlande du Nord a-t-elle, à ce point, contribué à l'explosion du gouvernement ? Voici quelques éléments de réponse. 

Le point le plus controversé du projet d'accord concerne les dispositions visant à empêcher le retour d'une frontière physique entre la province britannique d'Irlande du Nord et la République d'Irlande voisine, membre de l'UE, afin de préserver les accords de paix du Vendredi saint, en 1998. Car pour rappel, en se prononçant pour le Brexit, les Britanniques ont voté pour une sortie du marché unique et de l'union douanière. Or si la partie du Royaume-Uni, composé de l'Angleterre, de l'Ecosse et du Pays de Galles, n'a pas de frontière terrestre avec l'UE, ce n'est pas le cas des deux Irlande. Les autorités redoutent entre autres qu'une "frontière dure" deviennent la cible de groupes paramilitaires dissidents qui n’avaient pas souscrit à l'accord de pays. En outre, une fois le Brexit entériné, le retour à une frontière terrestre de 500 kilomètres entre deux Irlande marquerait aussi la fin d’une période d’échanges économiques simples entre les deux pays. Tout au long des négociations, habitants et entreprises des deux côtés n’ont ainsi eu de cesse d’insister sur la nécessité de conserver la frontière aussi invisible que possible alors que 31% des exportations nord-irlandaises vont en Irlande (chiffre de 2016) et que quelque 30 000 personnes traversent chaque jour la frontière.

"Bloqués indéfiniment dans un arrangement douanier"

Après d'âpres négociations, Londres a obtenu un répit. Le compromis prévoit une solution de dernier recours dite de "backstop" ou "filet de sécurité", pour éviter une frontière physique sur l'île. Surtout, même destiné à ne s'appliquer qu'en dernier recours, il prévoit le maintien d'une union douanière entre le Royaume-Uni et l'UE, ainsi qu'un alignement réglementaire plus poussé pour l'Irlande du Nord si aucun accord sur la future relation entre Bruxelles et Londres n'était conclu à l'issue d'une période de transition de 21 mois prévue après le Brexit, le 29 mars 2019, et prolongeable une fois. 

Cette solution permettra de reprendre le contrôle de "notre argent, nos lois et nos frontières, mettra fin à la liberté de mouvement, protégera les emplois, la sécurité et notre union", a affirmé Theresa May mercredi soir devant la presse. Au contraire, "nous serons bloqués indéfiniment dans un arrangement douanier, liés par des règles déterminées par l'UE au sujet desquelles nous n'aurons pas notre mot à dire", a déploré Shailesh Vara, 58 ans. "Pire, nous ne serons pas libres de quitter cet arrangement douanier unilatéralement si nous le souhaitons", a-ajouté le membre du Parti conservateur. Lors du référendum du 23 juin 2016, qui s'était soldé par la victoire des partisans d'un Brexit, il avait soutenu l'idée d'un maintien de la Grande-Bretagne dans l'UE.  Une menace qu'a laissée planer Theresa May mercredi soir après une réunion marathon de cinq heures avec ses ministres.

Quid de l'Ecosse

En Ecosse, les conditions particulières prévues pour l'Irlande du Nord dans le projet d'accord sur le Brexit font grincer des dents, tant du côté des nationalistes écossais que de leurs adversaires. Nicola Sturgeon, qui dirige le gouvernement local favorable à l'indépendance, trouverait normal que tout accord commercial spécifique concernant l'Irlande du Nord après la sortie du Royaume-Uni de l'Union s'applique également à l'Ecosse. L'approche choisie par Theresa May sortirait l'Ecosse du marché unique - bien que 62% des Ecossais aient voté contre le Brexit - mais la mettrait en compétition, pour attirer des investissements, avec l'Irlande du Nord qui resterait dans ce marché, a-t-elle déploré sur Twitter. Faire de l'Irlande du Nord une exception après le Brexit sans accorder les mêmes conditions à l'Ecosse pourrait ainsi renforcer le sentiment indépendantiste écossais.


La rédaction de TF1info

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