Nouvelle coalition surprise en Italie : pari raté pour Salvini ?

Publié le 29 août 2019 à 17h37, mis à jour le 29 août 2019 à 19h22
Nouvelle coalition surprise en Italie : pari raté pour Salvini ?
Source : AFP

CRISE ITALIENNE - Le chef de l’exécutif italien Giuseppe Conte a été chargé ce jeudi 29 août de former un nouveau gouvernement, après trois semaines de tractations entre le président Sergio Mattarella et les principaux partis transalpins. La Ligue de Matteo Salvini est la grande absente de ce nouveau gouvernement qui devrait être composé du Mouvement 5 Etoiles et du Parti Démocrate.

La dernière crise politique italienne aura duré trois semaines. Elle s’est soldée par l’annonce surprise mercredi 28 août d’un accord entre le Mouvement 5 Etoiles (MS5) de Luigi Di Maio et le Parti Démocrate de Nicola Zingaretti. Exit donc la Ligue, vainqueur des dernières élections législatives en Italie, et par conséquent les ambitions électorales de Matteo Salvini, vice-président du Conseil et ministre de l’Intérieur. 

Le 8 août dernier, Matteo Salvini faisait éclater l’alliance au pouvoir depuis 14 mois dans le but de convoquer des élections législatives anticipées, et ainsi d’obtenir un raz-de-marée électoral pour son mouvement. Un véritable coup de poker pour le sulfureux ministre, qui a visiblement échoué. Salvini entraîne de ce fait tout son parti dans l'opposition, marquant ainsi "un but contre son camp" selon ses propres mots.

"C’était un coup politique et il l’a raté", décrypte Marie-Claire Ponthoreau, professeure de droit public à l’université de Bordeaux. "Il a pensé que le Mouvement 5 Etoiles et le Parti Démocrate ne trouveraient pas d’accord, que ce n’était pas envisageable." Il faut dire que trouver un terrain d'entente n’était pas gagné d’avance entre les deux partis. Mais ces derniers auront surmonté leurs différends et se sont retrouvés autour d'une volonté commune : évincer Salvini du pouvoir.

L'ombre de Matteo Renzi

Comme l’analyse Ludmila Acone, historienne spécialiste de l’Italie et chercheuse à l’université de la Sorbonne, "Salvini capitalisait dans les élections pour accéder au pouvoir, tout en restant dans le cadre des institutions". C’était sans compter sur le barrage opéré par le MS5 et le Parti démocrate, mais aussi sur le rôle joué par le démocrate Matteo Renzi dans le processus de crise. L’ancien président du Conseil aurait ainsi milité pour l'option d'un gouvernement sans la Ligue. "Renzi a une force : il contrôle le groupe parlementaire", explique de son côté Marie-Claire Ponthoreau. En effet, le passage de Giuseppe Conte au Parlement est nécessaire pour que son gouvernement, une fois finalisé, soit approuvé. "C’est en cela qu’il a joué un rôle essentiel". 

Un nouveau gouvernement doit donc voir le jour, placé sous le signe d’un "nouvel humanisme", avec la volonté de faire de l’Italie un pays "plus juste, plus solidaire, plus compétitif, plus inclusif". C’est en tout cas ce qu’a déclaré Giuseppe Conte, officiellement investi par le président ce jeudi 29 août. Le chef de l'exécutif bénéficie désormais d’une semaine, délai accordé par le président Mattarella, pour constituer le programme gouvernemental et dévoiler les noms de ses ministres. Deux tâches qui seront probablement soumises au vote des électeurs du MS5 sur le site internet du parti. 

Tout comprendre à la crise politique provoquée par Matteo SalviniSource : 24H PUJADAS, L'info en questions

Mercredi soir, Matteo Salvini a réagi à son éviction du gouvernement, en dénonçant un déni de démocratie et suspectant le couple franco-allemand d'être aux manettes d’un tel accord. "Des millions d’Italiens se demandent à quoi ça sert de voter si ceux que nous renvoyons chez eux lors des élections reviennent par la fenêtre avec des intrigues de palais. La dignité voudrait qu’il y ait des élections. Ça devrait être un joli mot en démocratie. La souveraineté appartient au peuple", a-t-il estimé face aux journalistes. 

Celui qui se trouve désormais dans l’opposition a appelé les Italiens à manifester à Rome le 19 octobre prochain, en réaction à cette nouvelle coalition. "C’est étrange que quelqu’un qui était ministre jusqu’à avant-hier appelle aujourd’hui à descendre dans la rue. Et invoque un déni de démocratie, ce qui équivaut à dire que le gouvernement qui va naître est illégitime", constate Ludmila Acone. De son côté, Matteo Renzi s’est félicité du revers infligé à son ennemi politique de toujours. "Institutions 1 – Populisme 0", a-t-il notamment écrit dans un tweet. 

Un accord durable privilégié

Pour autant, le Parti Démocrate et le MS5 ne peuvent crier victoire trop tôt, puisque l’accord n’est pas encore finalisé. Si les deux forces politiques s’entendent sur les thématiques sociales, elles doivent composer afin de tenir sur toute la durée de la législature. "Ils ont tout intérêt à gouverner ensemble puisque dans les sondages, la Ligue est en tête", rappelle Marie-Claire Ponthoreau. L’idée d’une alliance durable, synonyme de stabilité politique, permettrait également d’écarter l’hypothèse d’un retour en politique de Silvio Berlusconi pour la présidence de la République en 2022. Ce que confirme la professeure : "L’accord se fera aussi sur la prochaine présidence". 


Caroline QUEVRAIN

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