ÉCLAIRAGE - Soupçons de trahison à la DGSE : la Chine est à l'offensive dans tous les domaines du renseignement

Publié le 25 mai 2018 à 17h10
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Source : Sujet JT LCI

ESPIONNAGE - Deux ex-agents secrets français ont été arrêtés et placés en détention, soupçonnés d'avoir été retournés par les services secrets chinois. Une affaire qui ne surprend guère Jean-Vincent Brisset, spécialiste des questions de défense et de la Chine.

Comme un air de roman d'espionnage. Les autorités françaises ont confirmé ce vendredi la mise en examen de deux ex-agents secrets, soupçonnés d'avoir été retournés. Une affaire embarrassante pour la DGSE, qui préfère rester évasive sur l'ampleur de l'éventuelle trahison. Seule certitude : celle-ci implique la Chine, devenue un acteur incontournable dans le renseignement.

"Il est toujours intéressant d'avoir à sa disposition le ressortissant d'un autre pays. Surtout pour Pékin, qui a des intérêts dans tous les domaines", explique à LCI Jean-Vincent Brisset. Pour ce directeur de recherche à l'IRIS, spécialiste des questions de défense et de la Chine, "le fait d'avoir un doigt dans la porte de l'autre est toujours intéressant le cadre d'un conflit économique, les exportations, l'implantation d'un consulat ou des prises de position à l'ONU". En particulier entre deux pays qui exercent leur influence dans une région commune : "A l'heure actuelle, la Chine s'implante en Afrique. Et y connaitre les positions de la France, savoir qui est corrompu d'un côté ou de l'autre, cela ne peut qu'intéresser Pékin."

INFO QUOTIDIEN - Scandale à la DGSE : 4 espions français retournés par la ChineSource : Quotidien

"Tous ceux qui ont travaillé dans le renseignement ont été approchés"

Longtemps cantonnés à la recherche de renseignements économiques, les services secrets chinois sont à l'offensive dans le monde entier. Et ce, grâce à une force de frappe considérable. Dans son article consacré à la Chine du Dictionnaire du renseignement (Éditions Perrin), Philippe Marvalin écrit : "La stratégie de la Chine consistant à devenir une puissance mondiale de premier rang repose, pour une large part, sur ses services de renseignement (...) Le ministère de la Sécurité de l’État (MSE) a pour mission le renseignement extérieur, le contre-espionnage et la lutte contre les opposants politiques". Divisé en dix-huit bureaux, "il compterait 7.000 fonctionnaires, auquel il convient d'ajouter probablement 50.000 agents illégaux, les chen diyu (poissons d'eau profonde)".

Des agents illégaux recrutés aux quatre coins du monde ? "Entre les pays, les histoires de retournement, que ce soit à l'envers comme à l'endroit, cela a toujours existé", assure Jean-Vincent Brisset. Selon ce général de brigade aérienne, qui a séjourné trois ans à Pékin, "tous ceux qui ont travaillé dans le renseignement ont été approchés." La Chine exercerait même un "attrait sentimental" pour beaucoup de gens. "Cela est classique en matière d'espionnage, où on observe que des gens sont prêts à abandonner les intérêts de leur entreprise, de la France, de leurs services. Pourquoi ? Car la Chine représente à leurs yeux quelque chose de beau, de neuf… sans compter tous les anciens maoïstes."

"Les ressorts, comme partout, ce sont l'ego, l'argent, le sexe ou l'idéologie"

L'ancien chef d'un service français de renseignement, interrogé par l'AFP, confirme que "l'espionnage chinois en France est très actif, de façon permanente. Il touche à tout, espionnage industriel, technologies de pointe. Par exemple des sous-officiers ou officiers mariniers chargés du nucléaire sont des cibles (...) Ils se retrouvent mariés à de jeunes Chinoises très mignonnes. Les ressorts, comme partout, ce sont l'ego, l'argent, le sexe ou l'idéologie".

Dans l'histoire mouvementée de l'espionnage franco-chinois, une affaire a fait date, et fait encore sourire certains anciens : un diplomate français en poste à Pékin dans les années 70 a trahi son pays et transmis des documents diplomatiques à Pékin pour les beaux yeux d'une chanteuse lyrique, Shi Pei Pu, avec laquelle il a eu une liaison discontinue. La chanteuse, qui l'avait persuadé qu'ils avaient eu un enfant ensemble, était en fait un homme, ce qui valut au diplomate, condamné pour trahison en 1986, le surnom de "Monsieur Butterfly". 


Thomas GUIEN

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