Escale agitée à Amsterdam pour le "navire de la torture"

PAYS-BAS - L'Esmeralda fera escale à Amsterdam pendant cinq jours. Mais la venue du magnifique voilier n'est pas du goût de tous : dans les années 1970, il avait servi de lieu de torture pour l'armée chilienne.
En apparence, il est majestueux. L’Esmeralda , superbe quatre-mâts de 113 mètres de long, est attendu à Amsterdam du 19 au 23 août pour le festival nautique Sail , un événement quinquennal auquel participeront près de 600 autres voiliers. Mais sous la peinture immaculée du navire se trouve le sang d'opposants au régime d'Augusto Pinochet, torturés à bord il y a une quarantaine d'années. Une histoire gênante qui pourrait bien créer quelques remous dans le port d'Amsterdam .
Le passé trouble de la goélette, désormais voilier-école de la marine chilienne, remonte aux années 1970. "Admiré pour sa beauté, fustigé pour son passé, l’Esmeralda navigua de 1973 à 1980 le long des côtes chiliennes, cueillant au passage des opposants politiques [au dictateur] Pinochet, relate le quotidien néerlandais De Volkskrant . A bord, ils étaient incarcérés, violés et torturés. Pour certains, jusqu’à la mort."
Pas de mention de son passé ensanglanté
A Amsterdam, les associations de défense des droits de l’homme regrettent que le passif du " navire de la torture " soit aujourd’hui passé sous silence. Pour Rafael Railaf, de la fondation Mapuche , une organisation néerlando-chilienne d’exilés qui ont fui la dictature de Pinochet, "on dirait que le Chili cherche à dissimuler le passé" de l’Esmeralda. "Le navire est magnifiquement peint en blanc, mais en dessous il a le sang des prisonniers", affirme-t-il avant de préciser qu’il n’est "pas contre sa venue (mais) nous voulons que l’on se souvienne au moins des victimes". Une critique à peine voilée aux organisateurs de Sail : sur le site de l’événement, pas un mot ne concerne l'histoire du quatrième plus grand voilier du monde. Amnesty International a de son côté rappelé que le Chili n’avait toujours pas reconnu les graves violations des droits de l'homme commises sur l’Esmeralda.
Avant de voguer vers les Pays-Bas, le bateau se trouvait en Normandie début août. A Rouen, la venue du navire n’avait presque pas fait de vagues : ouvert au public, le fameux quatre-mâts avait quasiment été épargné par les allusions gênantes. Tout juste l'ambassadeur du Chili en France, Patricio Hales Dib, avait-il dû répondre à une question sur le sujet
à Paris-Normandie
: "Il faut garder cette mémoire pour que cela ne se reproduise pas. Mais nous n’abandonnons pas l’Esmeralda ; on ne va pas laisser un symbole de la patrie aux violateurs des droits humains."
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